Bard est le chatbot de Google. Officialisé en février, il est censé riposter à ChatGPT d’OpenAI, que Microsoft veut intégrer dans Bing et Edge.

Qu’est-ce que c’est, Google Bard ?

Google Bard est un chatbot, c’est-à-dire un agent conversationnel, semblable à ChatGPT d’OpenAI. Comme son nom l’indique, il est conçu par Google. Son rôle est de générer des réponses aux questions ou aux instructions que l’internaute lui donne — ces commandes sont appelée des « prompts », autrement dit des ordres qu’on lui passe.

Comme d’autres chatbots, Bard est qualifié « d’intelligence artificielle ». C’est une formulation admise dans le langage courant, mais qui n’est pas exacte sur un plan technique. Bien sûr, Bard mobilise des algorithmes et des procédés provenant du champ de recherche sur l’intelligence artificielle. Cependant, ce n’est pas une vraie IA, à l’image de Skynet, Jarvis, HAL 9000 ou C-3PO.

L'interface de Bard, directement intégrée à Google. // Source : Google
L’interface de Bard, directement intégrée à Google. // Source : Google

Bard est spécialisé dans la génération de contenu sous la forme de texte (il existe d’autres outils qui sont taillés pour produire autre chose, comme de la musique ou des images). Il s’appuie sur le modèle de langage LaMDA et, grâce à son accès à Internet, il peut exploiter des informations les plus récentes pour répondre aux requêtes du public.

Dans les plans de Google, Bard doit être intégré prochainement dans son moteur de recherche, peut-être à la place du bouton « J’ai de la chance » sur la page d’accueil. Aujourd’hui, le chatbot est encore en phase de rodage, afin de s’assurer du bon comportement de l’outil. Ce serait terrible de proposer un chatbot enchaînant les erreurs ou des réponses absurdes.

Pourquoi avoir choisi Bard pour nommer ce chatbot ?

Google n’a pas opté pour un nom complexe, comme ChatGPT, qui est un mot-valise combinant « tchat » pour évoquer une discussion et GPT, un acronyme décrivant la technique utilisée par OpenAI pour diriger son chatbot. Le géant de la recherche a plutôt convoqué l’imaginaire collectif, en s’inspirant des… bardes, ces poètes et conteurs issus de la culture gaélique.

Le New York Times a rapporté le 6 février que Bard a été retenu, car Google a imaginé son chatbot comme un « conteur d’histoires ». Le nom est élégant, mais peut-être légèrement en décalage avec ce que l’on attend d’un outil comme Bard : on ne veut pas tant lire des histoires ou des fables, mais avoir accès à des informations fiables.

Quand Bard a-t-il été officialisé ?

Google a officialisé l’existence de Bard dans la semaine du 6 février et, dans la foulée, le géant de la recherche a organisé une conférence autour de l’intelligence artificielle le 8 février, à Paris. C’était une semaine très dense sur l’IA, car outre l’officialisation de Bard et l’évènement dans la capitale, Microsoft enchaînait les annonces avec ChatGPT et OpenAI le 7 février.

L’existence de Bard avait été éventée par la presse quelques jours plus tôt. En effet, des médias avaient pu, dès la fin janvier, observer le fonctionnement du chatbot. Son nom final était déjà pratiquement trouvé — on le désignait sous « Apprentice Bard » — et des différences avec ChatGPT avaient été observées, notamment sur la fraicheur des informations.

Cette semaine a toutefois tourné au cauchemar pour Google. Le 6 février, une démonstration de Bard a affiché une erreur factuelle, alors qu’elle aurait pu être contrôlée en amont (une découverte en astronomie a été attribuée à tort au télescope James Webb). Et le 8 février, la conférence a très peu parlé de Bard, Google mettant l’accent sur d’autres choses.

L’évènement a laissé un goût d’inachevé pour bon nombre d’observateurs, car la firme de Mountain View semblait manquer d’entrain pour Bard. Par contraste, les annonces de Microsoft avec ChatGPT étaient autrement spectaculaires. Ces trois facteurs (erreur de Bard, conférence faible, rival dynamique) ont fait plonger le cours de Google en bourse, effaçant 100 milliards de dollars.

Comment fonctionne Google Bard ?

Bard s’appuie sur le modèle de langage LaMDA, un acronyme pour Language Model for Dialogue Applications. Conçu par Google, il a été présenté au public pour la toute première fois en 2021 — depuis, une nouvelle version a été développée, plus aboutie. LaMDA mobilise un réseau de neurones artificiels, Transformer, mis au point en 2017, et sur des recherches en IA datant de 2020.

Bard, que Google décrit comme un « service expérimental d’IA conversationnelle », n’est pas encore accessible au grand public — son existence donne toutefois un sens aux travaux sur le modèle de langage LaMDA et le réseau de neurones artificiels Transformer, en proposant une application concrète. Bard est par ailleurs connecté à Internet, pour avoir des données récentes.

Google a précisé que sa version actuelle de Bard exploite une version allégée de LaMDA. « Ce modèle, plus petit et nécessitant une puissance de calcul moindre, nous permet de nous déployer à un plus grand nombre d’utilisateurs et de traiter un volume plus important de retours », expliquait l’entreprise américaine, au moment de présenter son agent conversationnel.

Pourquoi Google a-t-il dévoilé Bard ?

Depuis la présentation de ChatGPT en novembre 2022, Google donne l’impression d’être sur la défensive et à la traîne sur les intelligences artificielles génératrices de contenu. Ce sentiment est exacerbé par l’immense intérêt du public et des médias pour le chatbot d’OpenAI, depuis accentué par l’investissement massif de Microsoft dans OpenAI et toutes les annonces passées.

La sensation que Bard a été annoncé précipitamment, en réaction à ChatGPT, est renforcée par le fait que Google a peu reparlé de LaMDA (le modèle de langage sur lequel repose son chatbot) et de ses projets en matière d’IA et de chatbot. Certes, LaMDA a été dévoilé en mai 2021, et actualisé l’année suivante. Mais le géant du web ne paraît pas très pressé.

Page d'accueil pour essayer ChatGPT dans Bing // Source : Bing
Page d’accueil pour essayer ChatGPT dans Bing. // Source : Bing

À cela s’ajoutent les échos et l’analyse des médias.

On sait que Microsoft voit en ChatGPT un levier extraordinaire pour « tuer » Google sur le marché de la recherche (ou, du moins, pour l’affaiblir). Le New York Times a évoqué une sorte « d’alerte rouge » chez Google depuis la sortie de ChatGPT. On a même rapporté que les deux fondateurs, Larry Page et Sergey Brin, ont été rappelés en urgence. Bref, il y a de l’inquiétude dans l’air.

La prochaine conférence annuelle de Google I/O, attendue ce printemps, pourrait être l’occasion pour Google de sortir l’artillerie lourde, afin de reprendre un peu l’initiative — et la lumière médiatique. Les bruits de couloir suggèrent que le géant du net aurait sur les rails une vingtaine de produits et de services embarquant de l’intelligence artificielle.

Pourquoi Google craint ChatGPT, et ne veut pas aller trop loin avec Bard ?

Microsoft, aujourd’hui, n’a quasiment aucune position dans la recherche en ligne — son moteur maison, Bing, n’occupe que quelques pourcents dans le monde. Pour le géant des logiciels, cette activité n’est pas stratégique. En tout cas, pas autant que pour Google. Or, les chatbots pourraient bouleverser la manière dont les internautes accèdent à l’information.

Pour le dire vite, il existe une possibilité que dans un avenir plus ou moins lointain, les moteurs de recherche deviennent obsolètes — on demanderait juste à un chatbot de nous trouver l’information. Or aujourd’hui, Google exerce sa domination sur le web, car il en est devenu la porte d’entrée centrale pour la majorité des internautes. Et c’est avec elle qu’il gagne de l’argent, via la publicité.

Microsoft, lui, n’a rien à perdre. C’est une occasion unique, à la fois de bouleverser le web avec ChatGPT et de prendre l’ascendant sur Google. Ce serait une première en vingt ans. On comprend donc pourquoi Google tente d’empêcher la révolution qu’est ChatGPT. C’est sa domination sur la recherche qui est en péril et peut-être même son existence à long terme.

Bref, la guerre de l’intelligence artificielle — en tout cas des chatbots, de Bard vs ChatGPT et de Microsoft vs Google — débute à peine. Les hostilités démarrent tout juste et on ne sait pas quand et comment ce conflit se terminera, s’il y aura d’autres belligérants (comme Amazon ou Apple ?), ni quelles seront les victimes. Et du côté du web, il y aura peut-être des dommages collatéraux.


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