Elon Musk prétend, sans avancer de preuve, qu’Apple aurait menacé de supprimer Twitter de l’App Store. Il aurait décidé de « partir en guerre » contre Apple, au nom « de la liberté d’expression ».

Pour Elon Musk, tout est un combat politique. Depuis qu’il a pris les commandes de Twitter fin octobre, le milliardaire ne cesse de faire parler de lui avec des actions de plus en plus invraisemblables, sur lesquelles il semble ne jamais se remettre en question. Il faut dire que, dans son monde, tout est fait pour lui laisser penser qu’il a raison. Chacune de ses publications est suivie de milliers de déclarations d’amour de ses fans, tous convaincus qu’Elon Musk ne peut pas échouer puisqu’il a créé Tesla et SpaceX (son entourage, aussi, encense tout ce qu’il fait). Encore plus fascinant, le milliardaire semble convaincu que son comportement agirait en faveur de « la liberté d’expression », menacée par la méchante gauche qui veut faire taire une droite trop censurée (mais qui s’en plaint pourtant constamment). On caricature volontairement, mais la réalité n’est pas si éloignée.

Le 28 novembre, Elon Musk, qui n’a déjà plus assez de temps pour ses autres entreprises, s’est lancé dans un nouveau combat politique. Sa cible n’est, ni plus ni moins, que la plus grosse entreprise de la planète, et elle n’avait, a priori, rien demandé. Elon Musk veut faire la guerre à Apple, mais ses intentions sont diverses et pas toujours cohérentes. Retrait des publicités Twitter, taxe sur l’App Store, menace de suppression de Twitter de l’App Store, envie de concurrencer l’iPhone, non-support de la liberté d’expression et financement du parti démocrate… Elon Musk accuse Apple de nombreux maux, et semble y voir une seule issue : une guerre idéologique.

« Apple a majoritairement arrêté ses pubs Twitter. Est-ce qu’ils détestent la liberté d’expression en Amérique ? »

Que reproche Elon Musk à Apple ?

Y a-t-il vraiment eu une dispute entre Apple et Elon Musk, ou le milliardaire s’emballe-t-il ? Selon lui, Apple aurait menacé de supprimer Twitter de l’App Store, ce qu’il perçoit comme une tentative de censure de la liberté d’expression.

Cependant, en l’absence d’une capture d’écran de l’échange entre Apple et Twitter (si cet échange a bel et bien existé), il est difficile d’imaginer qu’Elon Musk dise la vérité. Le plus probable est qu’Apple ait rappelé à Twitter que l’abonnement Twitter Blue doive passer par le moteur de paiement de l’App Store (avec un prélèvement de 30 %, comme pour tous les développeurs) ou qu’Apple ait rappelé à Twitter qu’il n’acceptait pas les réseaux sociaux qui ne modèrent pas les contenus. Mais sur ce sujet, Tim Cook avait dit dans une interview début novembre qu’il ne voyait aucun problème dans le cas de Twitter.

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Dans un tweet supprimé, Elon Musk s’amusait de déclarer la guerre à Apple. // Source : Capture Twitter

Malgré l’absence de preuves, Elon Musk multiplie les attaques contre Apple depuis le 28 novembre. Le patron de Twitter reproche énormément de choses à l’entreprise, y compris certaines qui n’ont rien à voir avec son application :

  • Elon Musk reproche à Apple d’avoir suspendu une partie de ses campagnes publicitaires sur Twitter. Il oublie de préciser que l’agence en charge de la publicité chez Apple est à l’origine de cette décision, et que d’autres clients sont concernés (mais peu rapportent autant d’argent qu’Apple).
  • Elon Musk pense qu’Apple est au service de la gauche américaine, puisque l’entreprise donne beaucoup au parti démocrate (la plupart des entreprises de la Silicon Valley, situées en Californie, procèdent ainsi). Il y voit un biais idéologique et veut le combattre, puisqu’il fait immédiatement le raccourci entre ces donations et cette supposée censure. Depuis sa prise de pouvoir chez Twitter, Elon Musk partage beaucoup de théories du complot du même genre. Pour lui (et beaucoup d’autres américains), il y a une guerre de culture entre la gauche et la droite. Paradoxalement, Musk ne voit pas de contradiction avec son propre comportement, lui qui a demandé à ses 100 millions d’abonnés de voter pour le parti républicain.

Dans un style qui lui est désormais propre (le compte de Donald Trump a été réactivé de cette manière), Elon Musk a mis en ligne un sondage pour demander à ses fans si Apple devait révéler à quel point il censurait ses clients. Évidemment, le « oui » l’emporte. Elon Musk a aussi demandé à des développeurs de lui raconter comment Apple les aurait censurés, et se dit choqué à chaque réponse (pour sa défense, Apple a souvent reconnu être allé trop loin, mais Elon Musk mélange tout de même plein de choses).

Apple va-t-il répondre à Elon Musk ?

Après avoir provoqué le chaos chez Twitter, Elon Musk peut-il y parvenir chez Apple ?

Au vu de la structure de l’entreprise, qui préfère le temps long et qui n’agit jamais impulsivement, tout ça nous semble peu probable. Apple ne va probablement pas réagir à cette histoire, même si elle risque de prendre de l’ampleur au fil des déclarations d’Elon Musk. Le milliardaire semble de nouveau faire de la liberté d’expression son obsession principale, après s’être concentré sur les faux comptes lors de sa prise de fonction.

Il existe cependant un scénario qui pourrait provoquer l’envenimement des choses.

Il est peu probable, pour ne pas dire impossible, qu’Apple éjecte Twitter de l’App Store sans raison. Mais Elon Musk pourrait provoquer l’éviction de son application, pour ensuite se faire passer pour une victime en jouant avec les règles de l’App Store (comme Fortnite l’avait fait). Il suffirait que Twitter ajoute un moteur de paiement alternatif, comme PayPal, pour enfreindre les règles. Dans ce cas-là, Apple n’aurait pas d’autre choix que de supprimer provisoirement Twitter, en attendant que l’entreprise se mette en conformité avec ses règles. Mais si Elon Musk veut vraiment aller en guerre, alors il préfèrera sans doute attaquer Apple. S’en suivrait alors un long procès, dans lequel Twitter a beaucoup plus à perdre qu’Apple (au moins sur le court terme).

Et le Tesla Phone, dans tout ça ?

Comment terminer cet article sans mentionner la rumeur du moment, à savoir le lancement d’un smartphone fabriqué par une entreprise d’Elon Musk pour concurrencer Apple et Google ? Une idée qui vient du milliardaire lui-même, qui répondait à une podcasteuse conservatrice qui lui demandait de procéder ainsi si l’App Store et le Play Store venaient à bannir Twitter dans le futur (encore une fois, Elon Musk et ses fans sont les seuls à imaginer ce scénario possible. On pourrait croire qu’ils tentent de le provoquer).

Nos lecteurs nous pardonnerons cette familiarité, mais cette idée nous parait tout simplement idiote. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’Elon Musk et Liz Wheeler ne font pas la distinction entre le matériel et le logiciel. Dans l’hypothèse où Twitter serait banni de l’App Store et du Play Store, lancer un Tesla Phone ne changerait rien au problème, puisque Twitter ne pourrait toujours pas être téléchargé sur ce fameux smartphone. Elon Musk pourrait bien sûr lancer son propre magasin d’applications, mais quelle est la probabilité que les principaux développeurs le suivent alors que les annonceurs désertent déjà son Twitter ? L’échec de Huawei, qui a mis tous les moyens du monde pour se passer du Play Store, est la preuve qu’un tel projet est voué à l’échec.

Même si les fans de Musk disent tous qu’ils quitteraient Apple et Samsung si Tesla lance un smartphone, la réalité serait bien entendu différente. Le marché du smartphone est mature depuis le début des années 2010, et ne peut pas être chamboulé d’une telle manière, même pour « un homme qui envoie des fusées sur Mars ».

Si Twitter quittait les magasins d’applications un jour, le réseau social pourrait toujours exister sous la forme d’une web-app (disponible partout) ou d’un fichier apk à installer depuis twitter.com (Android uniquement). Vendre un téléphone avec Twitter préinstallé n’aurait aucun intérêt.

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