Le compte Instagram @tradewithcongress suivi par près de 24 000 abonnés décrypte les investissements boursiers des responsables politiques américains pour exposer leurs potentiels conflits d’intérêts et guider le public dans ses investissements.

Jackson Woods a décidé de suivre à la trace les activités boursières des représentants et sénateurs américains. À travers son compte Instagram @tradewithcongress lancé en juin 2024 et une plateforme financière — Altoneer — cofondée un an plus tard avec un ami, ce vingtenaire originaire du Missouri met en lumière les conflits d’intérêt au sein des plus hautes sphères du pouvoir.

Pour l’analyste financier, l’objectif est de montrer comment l’argent placé par les élus peut peser sur les choix politiques, tout en donnant au public la possibilité d’investir dans les mêmes entreprises qu’eux. Car après tout, si des élus profitent, pourquoi pas vous ?

Quel est le principe du compte Instagram @tradewithcongress ? 

D’abord, nous nous sommes inspirés des comptes @politiciantradetracker et @pelositracker_ dans notre démarche. Tout le monde ne le sait pas, mais les politiciens sont très doués en trading et toutes leurs transactions sont accessibles. Avec @tradewithcongress nous essayons d’afficher les politiciens et leurs transactions boursières.

Comment faites-vous pour savoir ce que les sénateurs achètent ou vendent en Bourse ?

L’ancien président des États-Unis Barack Obama a adopté le Stock Act en 2012. Il oblige chaque personnalité politique, chaque député et sénateur à déclarer ses transactions boursières dans un délai de 45 jours. Si elles dépassent la valeur de 1 000 $, les élus doivent la déclarer. Toutes ces informations sont transmises aux sites du Sénat et de la Chambre des représentants. Des personnes y ont connecté des API (ndlr. interface qui permet de connecter un logiciel ou un service à un autre logiciel pour échanger des données et des fonctionnalités), ce qui nous permet de récupérer ces données. 

Quels patterns ou comportements récurrents avez-vous observés chez certains élus ?

Nous avons vu de nombreux membres du Congrès acheter des actions Raytheon, L3Harris et d’autres entreprises manufacturières de guerre avant qu’Israël ne bombarde l’Iran. Les actions n’ont peut-être pas explosé, mais ces élus ont tout de même acheté ces actions juste avant que les attaques n’arrivent pour en tirer profit. 

Pour vous donner un exemple précis, la représentante républicaine Marjorie Taylor Greene siège à la commission sur la sécurité intérieure du Sénat, qui supervise notamment l’ICE — la police aux frontières des États-Unis. Elle est donc au courant des tractations liées à la sécurité intérieure et a décidé d’acheter des actions Palantir une semaine avant l’attribution d’un contrat fédéral à cette entreprise. Palantir travaille beaucoup avec le gouvernement et développe des logiciels de traitement de données. Au moment où elle a acheté ces actions, en avril, l’ICE a signé un accord de 30 millions de dollars avec la société de Peter Thiel pour développer un logiciel de traitement de données migratoires. Quoi qu’il en soit, l’action de Palantir a gagné 46 % depuis l’achat de Marjorie Taylor Greene.

Pourquoi est-ce si important de savoir où les politiques placent leur argent ? 

C’est important parce que le public a le droit de savoir, parce que ces gens occupent des postes très importants : ils gagnent beaucoup d’argent et c’est une façon de contrôler le système, ou de lui faire contrepoids. Nous ne voulons pas de gens corrompus au sein de notre gouvernement ni au sein du Congrès. 

S’il y a des gens corrompus au Congrès, en particulier dans le domaine du trading boursier, nous finirons par le savoir. Beaucoup ignoraient que leurs transactions étaient accessibles depuis l’entrée en vigueur du Stock Act, mais tout a changé il y a trois ans…

Ce qui correspond au lancement du compte X @pelositracker_, suivi par plus d’un million de personnes, qui suit les transactions de Paul Pelosi, investisseur et mari de l’ancienne présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi. 

C’est un paradoxe intéressant que de proposer au grand public d’investir là où les politiciens investissent, et c’est ce que vous faites avec votre entreprise Altoneer. Comment expliquez-vous l’intérêt du public américain pour cette démarche, alors que cela pourrait être perçu comme moralement discutable en Europe ?

Si la philosophie américaine repose sur l’argent, beaucoup d’Américains trouvent moralement inacceptable d’investir dans les mêmes actions que les politiciens parce qu’ils pourraient ne pas apprécier leurs lois, leurs opinions ou simplement parce qu’ils gagnent de l’argent grâce à des informations non publiques. Pour autant, investir en se basant sur ce que dépensent les élus est parfaitement légal car ils sont obligés de divulguer leurs transactions boursières au public. 

Si on ne peut rien faire pour les empêcher de s’enrichir en ayant des informations privilégiées — il faut dire qu’ils écrivent des lois dans leur intérêt, alors, pourquoi ne pas en profiter ? Ce sont les élus qui enfreignent les lois, nous ne commettons pas de délit d’initié puisque nous utilisons des informations publiques pour nos propres transactions.

Au-delà de l’aspect financier, pensez-vous que votre travail contribue à une meilleure compréhension du fonctionnement des rouages du pouvoir aux États-Unis ?

Tout à fait, puisque si vous vous rendez sur notre site, vous pourrez cliquer sur quelques transactions et verrez immédiatement que beaucoup d’élus investissent dans des actions auxquelles les gens ne s’intéressent pas. Pourtant, ils font des surperformances en matière boursière. Vous pourrez alors subodorer des liens entre leurs investissements et leurs votes en vous renseignant sur lesdites actions et lesdits élus.

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