Le gouvernement autorise les médecins traitants à contacter leurs patients non vaccinés. Cette démarche, sensible sur le plan des données personnelles, est tolérée par la Cnil, avec certaines réserves.

Les médecins peuvent désormais se porter volontaires pour contacter leurs patients qui ne sont pas encore vaccinés contre le coronavirus et les inciter à sauter le pas. En effet, le gouvernement a fait publier au Journal officiel, le 14 juillet, un décret qui invite les généralistes à aller chercher les personnes qui ne sont toujours pas entrées dans la campagne vaccinale.

Ce décret vient modifier un précédent dispositif juridique en place depuis décembre 2020. Celui-ci prévoit la création d’une base de données pour suivre la vaccination des personnes contre le Covid-19. Il s’agit, explique le décret, « de permettre l’accompagnement à la vaccination des personnes non vaccinées présentant des vulnérabilités particulières », en mobilisant la médecine de ville et l’Assurance Maladie.

Relancer la campagne vaccinale

La décision du gouvernement de faire appel aux médecins traitants pour sensibiliser leur patientèle survient à un moment où le rythme de la vaccination a continuellement baissé au cours des dernières semaines. Elle connait un rebond ces jours-ci, du fait des nouvelles règles dictées par l’exécutif sur la vaccination (pour le personnel soignant), les tests (qui deviendront payants) et l’extension du pass sanitaire.

La stratégie telle qu’elle se dessine aujourd’hui consiste à établir, pour chaque médecin traitant, la liste de sa patientèle et de déterminer qui est vacciné (ou est en train de l’être) et qui ne l’est pas. Charge ensuite aux praticiens de prendre contact avec celles et ceux qui n’ont pas encore reçu la moindre injection, afin de les sensibiliser aux enjeux de la vaccination en période de pandémie.

Cette mesure survient alors qu’un double mouvement fait craindre l’émergence d’une nouvelle vague de contamination, qui pourrait conduire l’exécutif à prendre des mesures similaires à celles prises lors des confinements précédents.

D’une part, de moins en moins de gens se faisaient vacciner ces derniers temps et, d’autre part, le variant Delta s’avère très virulent. Selon les statistiques des autorités sanitaires, la mutation dite L452R, qui inclut le variant Delta, connaît une très forte croissance dans l’Hexagone : le pourcentage de tests avec une présence de cette mutation atteint les 62,5 % au niveau national.

La bonne nouvelle, c’est que les vaccins restent efficaces contre ce variant. Le problème, c’est que cette vaccination, justement, est insuffisante : la couverture vaccinale n’est que d’un peu plus de 41 % en date du 15 juillet (en ne comptant que les personnes ayant reçu toutes les doses adéquates). Or, les injections quotidiennes sont passées de 400 000, en mai, à environ 170 000, aujourd’hui pour les premières doses. Même chez les personnes âgées, plus vulnérables, un plafond parait avoir été atteint, à 80 %. C’est cette double tendance qui conduit le gouvernement à chercher à accentuer la sensibilisation du public, en mobilisant les médecins traitants.

Le variant Delta progresse et le rythme de la vaccination diminue

L’appel aux médecins traitants peut avoir une incidence favorable, quoique difficilement mesurable, sur la campagne vaccinale : ils et elles entretiennent généralement un lien de confiance avec leurs patients, car ce sont aussi des médecins de famille qui les suivent depuis longtemps. Cela ne marchera peut-être pas avec les antivaccins, mais avec les indécis, il y a plus de marge de manœuvre.

Compte tenu de la sensibilité de ce texte, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a rendu une délibération. En effet, cette campagne de sensibilisation nécessite la consultation de listes nominatives d’individus contenant des données personnelles, mais aussi, de fait, des informations médicales (statut vacciné ou non), qui sont par nature plus sensibles.

De quoi motiver un refus ? Au contraire : la Cnil ne s’oppose exceptionnellement pas à la constitution de listes de patients non-vaccinés au profit des médecins. En règle générale, l’institution « n’est pas favorable » à ce genre de démarche, mais elle tient compte aussi la réalité épidémique du pays : « le contexte sanitaire peut justifier cette pratique et précise les conditions à respecter », écrit-elle.

Pour autant, cette tolérance est très encadrée. Ainsi, la Cnil demande à ce que seuls les médecins traitants volontaires aient accès à la liste de leurs patients non-vaccinés, si ceux-ci estiment en avoir besoin pour les sensibiliser. Elle plaide aussi, évidemment, pour une transmission « sécurisée » de ces listes et demande leur suppression par le médecin « dès la fin de l’action de sensibilisation ».

La Cnil recommande aussi d’éviter de sur-solliciter les personnes qui sont hésitantes, désintéressées ou réfractaires à la vaccination. En effet, outre l’appel aux médecins, la campagne de sensibilisation doit mobiliser la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). Pour éviter les doublons, la Cnam devrait se focaliser sur les personnes qui n’ont pas de médecins traitants, recommande la Cnil.

Vaccin contre le coronavirus // Source : Pixabay

Vaccin contre le coronavirus

Source : Pixabay

Des mesures pour pousser à la vaccination

Ce décret s’inscrit dans une série de mesures visant à faciliter autant que possible les injections. Une course contre la montre s’est engagée, car le variant Delta se développe pendant la période estivale, et que le confinement a été largement levé. Les vacances, l’envie de re-goûter à la vie d’avant, et une vaccination qui patine, apparaissent comme un terreau fertile pour une nouvelle vague.

Ces dernières semaines, plusieurs mesures complémentaires ont été prises pour essayer de contrer ce scénario : le délai entre deux injections a été réduit significativement et il est possible de se faire vacciner dans deux lieux différents. Il a aussi été décidé d’imposer la vaccination obligatoire pour le personnel soignant, avec des sanctions à la clé en cas de refus. La date limite est fixée à mi-septembre.

Le principe d’une vaccination obligatoire pour les soignants est justifié par le fait qu’ils sont en contact avec des personnes vulnérables, avec des défenses immunitaires fragiles ou absentes, notamment. Les défenseurs de cette obligation avancent également l’argument que ces personnels ont reçu une formation scientifique et devraient de ce fait mieux saisir les bienfaits de la vaccination.

Des personnels du milieu hospitalier doivent d’ailleurs se soumettre à une vaccination obligatoire pour certaines maladies. L’article L3111-4 du code de la santé publique exige une couverture vaccinale contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe. Dans certains cas, notamment dans les laboratoires de biologie médicale, il faut aussi se prémunir de la fièvre typhoïde.

(mise à jour de l’article avec la publication du décret)

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