La faible circulation actuelle du virus en France est favorable à un changement de stratégie visant une circulation minimale du Covid-19. Un atout pour lutter efficacement contre le variant indien.

Mi-juin 2021, alors que les indicateurs sont au vert, que les Français lâchent le masque en extérieur et s’apprêtent à remiser le couvre-feu au placard des mauvais souvenirs, il ne faut pas oublier que le virus continue de circuler à bas bruit. On pourrait s’en satisfaire et atteindre que la vaccination contre le Covid-19 fasse tout le travail en profitant d’une trêve estivale liée aux vacances scolaires et aux conditions climatiques. En effet, la situation est loin d’être la même que l’été dernier, où le port du masque au sein des entreprise n’était pas obligatoire et où la campagne de vaccination n’avait pas commencé. Toutefois, nous sommes face à plusieurs incertitudes.

D’une part, la date à partir de laquelle nous pourrions atteindre un jour une forme d’immunité collective. Et, d’autre part, l’émergence du variant delta (provenant d’Inde) qui est d’ores et déjà en train de jouer les trouble-fêtes en Grande Bretagne.

La menace du variant Delta

Selon Olivier Véran, la proportion des patients Covid + contaminés par le variant Delta représente 2 à 4 % des cas en France. C’est certes peu, mais suffisamment pour être inquiétant. 3 %, c’est le pourcentage de contamination que représentait la part du variant Delta en Grande Bretagne en avril dernier. Ce chiffre atteint mi-juin les 90 % sur le sol britannique, et ce, malgré un taux de vaccination complète supérieur (58,2 %) à la France (20,4 %).

Si ce variant gagne autant de terrain rapidement, c’est qu’il est autrement plus contagieux que le variant Alpha (« britannique ») aujourd’hui majoritaire en France. Comme le dit Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines : «Leurs indicateurs montrent qu’il est 50 à 60 % plus transmissible que le variant alpha (britannique), lui-même 50 % plus contagieux que la souche d’origine ». Son taux de reproduction effectif sur le sol britannique est de 1,44, ce qui signifie que 10 personnes infectées en contaminent 14. L’autre « atout » de ce variant est, si l’on peut dire, qu’il avance masqué. Ses symptômes (maux de tête, nez qui coule et mal de gorge) ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux du variant Alpha ce qui peut le laisser passer pour un gros rhume n’appelant pas à une vigilance particulière ni à un test virologique systématique suivi d’un isolement.

Un contexte favorable à un changement de stratégie

Heureusement, nous ne sommes pas totalement impuissants à ce variant Delta. Non seulement nous jouissons de l’expérience britannique mais aussi, nous pouvons profiter du taux d’incidence actuel relativement faible (35) et d’un nombre de contaminations journalières inférieur à 4 000 cas pour mettre en place une véritable stratégie d’élimination.

Celle-ci correspond à viser une circulation minimale du virus en agissant de manière locale et très ponctuelle. Efficace, cette stratégie est aussi moins liberticide et moins couteuse sur le plan économique que le « vivre avec ». Joint le 18 juin au matin par Numerama, le Pr Antoine Flahault, épidémiologiste et médecin de santé publique, nous confirme que cette période est « très favorable à un changement de stratégie » et d’en décliner les principaux leviers :

  • Le testing. « Il ne suffit pas de tester systématiquement les personnes symptomatiques ou cas contact » nous dit-il. « Il faut un testing élaboré avec un séquençage systématique pour pouvoir repérer les variants. »
  • Le tracing. « On ne parle pas d’un tracking à la petite semaine » explique l’épidémiologiste. « Il faut tracer toutes les chaînes de contamination, en amont et en aval. » Cela tombe bien : le 17 juin, l’Assurance Maladie a annoncé que désormais un tracing rétrospectif serait mis en place. Ce type de tracing dit « à la japonaise » consiste à « s’intéresser à l’amont, aux origines de la contamination. Il permet ainsi de repérer des situations ponctuelles ou inhabituelles, au cours desquelles une personne, devenue par la suite positive, aurait pu contaminer d’autres personnes. » En complément au traditionnel tracing prospectif, cela permet de resserrer l’étau autour du virus.
  • Un isolement efficace. En complément aux isolements des personnes testées positives, des cas contacts et des voyageurs de retour de pays à risque, on peut imaginer des confinements extrêmement localisés et très brefs. « Au moindre démarrage d’incendie, on place un cordon sanitaire » explique Antoine Flahault. Ici, il s’agirait de confiner le temps de mettre en place une veille sanitaire efficace, capable de retrouver toutes les chaînes de contamination et de tester le plus grand nombre. Cela peut durer 3 jours comme ce qu’à fait la Nouvelle Zélande en février dernier lorsqu’un foyer avait été détecté à Auckland. Cela passe enfin par une sécurisation des frontières. « Je n’appelle pas à une fermeture totale des frontières » explique Antoine Flahault, «simplement à une extrême vigilance et à des fermetures localisées. »

Ces mesures où les autorités de santé prennent le relais des citoyens qui peuvent un peu relâcher les mesures barrières et se libérer de certaines contraintes sanitaires va bien sûr de pair avec une vaccination la plus large possible, avec une réduction de l’espacement entre les doses pour coller davantage à l’écart minimal recommandé par les laboratoires pour les vaccins Pfizer et Moderna (21 et 28 jours). L’enjeu est d’avoir un maximum personnes vaccinées, le plus tôt possible. Rappelons enfin que moins le virus circule, moins il a de chances de muter à nouveau.


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