Le maître de l’horreur, Mike Flanagan, revient sur Netflix pour livrer sa traditionnelle série d’épouvante annuelle, après The Haunting of Hill House, Midnight Mass ou The Midnight Club. Cette fois, il adapte les écrits d’Edgar Allan Poe dans un ballet macabre et satirique inégal, mais qui ne manque pas d’épingler le capitalisme et ses figures milliardaires.

La famille Roy, complètement dysfonctionnelle et détestable de Succession, vous manque ? Ça tombe bien, Mike Flanagan a décidé de les ressusciter pour vous, dans une version propice aux histoires racontées à la lueur d’un feu de cheminée. Les Roy sont donc morts, vive les Usher !

Cette dynastie de milliardaires doit tout son succès à son entreprise majeure, Fortunato, responsable de la vente de millions d’opioïdes, qui causent des dégâts irréparables, aux États-Unis comme ailleurs. Mais alors qu’ils sont une énième fois traînés devant les tribunaux pour rendre compte de leurs crimes, la mort frappe, un par un, les 6 enfants de Roderick Usher (issus de 5 mères différentes, tout de même), dans des conditions sanglantes et mystérieuses…

Désormais disponible sur Netflix, La Chute de la maison Usher donne l’occasion à Mike Flanagan (The Haunting of Hill House, Bly Manor, Midnight Mass ou The Midnight Club) de dérouler un nouveau récit horrifique. En adaptant plusieurs nouvelles de l’écrivain américain Edgar Allan Poe, lui-même maître littéraire de l’épouvante, le showrunner change complètement de ton dans cette danse de la mort plus engagée que jamais. Queer, féministe et anticapitaliste, La Chute de la maison Usher multiplie les thématiques profondément actuelles et politiques, mais manque d’horreur pour se placer dans le Panthéon des séries à voir pour Halloween.

Un dernier p’tit tour sur Netflix et puis s’en va

Après The Midnight Club, tentative adolescente décevante, La Chute de la maison Usher aurait pu devenir notre série de la réconciliation avec Mike Flanagan. D’autant que cette dernière création est également son ultime partenariat avec Netflix, avant un départ vers de nouveaux cieux, peut-être plus cléments, en l’occurrence ceux de Prime Video.

Malheureusement, depuis la sortie de son chef-d’œuvre, The Haunting of Hill House, en 2018, nous avons du mal à retrouver la mélancolie terrifiante qui nous avait tant bouleversé dans sa première série Netflix. Et ce n’est pas La Chute de la maison Usher qui va combler le gouffre qui nous sépare, tant cette adaptation d’Edgar Allan Poe prend un tournant radicalement différent de ses précédentes productions Halloweenesques.

Pas de pitié pour les Usher ! // Source : Eike Schroter/Netflix
Pas de pitié pour les Usher ! // Source : Eike Schroter/Netflix

Là où le showrunner invoquait par le passé d’intenses émotions comme la tristesse pour nous accrocher au destin de ses personnages, il prend ici le parti inverse, en provoquant une sensation nouvelle chez ses fans : la pure satisfaction. Si l’on a tant pleuré devant le décès de certains protagonistes de The Haunting of Bly Manor ou de Midnight Mass, La Chute de la maison Usher nous fait plutôt l’effet d’une délivrance tant attendue.

Enfin, ces insupportables milliardaires reçoivent le destin qu’ils méritent ! Une impression renforcée par l’inéluctabilité de la chose : pour une fois, Mike Flanagan ne cherche pas à nous surprendre grâce à des twists, mais s’applique plutôt à apporter un cadre soigné à la mort, tout en gardant une part de mystère pour nous guider jusqu’au bout de l’intrigue.

Quand Fight Club rencontre Succession

Ce changement de perspective, d’abord déboussolant, donne finalement à la série un propos plus politique que jamais. La Chute de la maison Usher démontre ainsi l’horreur d’un monde capitaliste, aveugle à ses propres méfaits. On pense évidemment à Succession, mais aussi à Empire, devant cette satire appuyée et assumée des riches, qui ne prend clairement pas de pincettes. Préparez-vous donc à un déluge de monologues façon Fight Club ou Trainspotting, cette fois du point de vue des nantis, comme le stupéfiant résumé du capitalisme à base de citrons, dans l’épisode 3. Les punchlines anti-capitalistes, mais aussi féministes (« That’s disgusting ! – That’s men. »), affluent ainsi tout au long des 8 chapitres de cette première saison.

Des riches, des riches et encore des riches // Source : Eike Schroter/Netflix
Des riches, des riches et encore des riches // Source : Eike Schroter/Netflix

Ce parti pris politique inattendu nous pousse à accueillir les sentences macabres de ces personnages répugnants avec une hâte étonnante. Les moments d’horreur qui ponctuent la série, rares et très concentrés, deviennent particulièrement jouissifs, tant ils sont espérés à chaque instant. Pour couronner cet engagement, Mike Flanagan développe une narration particulièrement queer, dans laquelle de nombreux protagonistes sortent des carcans hétérosexuels, sans que jamais cela ne soit questionné. Et il faut avouer que cette fluidité de genre et d’orientations sexuelles ajoute à l’euphorie que l’on ressent devant les épisodes.

Du sang, des corbeaux et un chat noir

Mais alors, qu’est-ce qui cloche avec La Chute de la maison Usher ? À force de vouloir tout mettre sur le tapis, devant sa cheminée inquiétante, Mike Flanagan finit par se prendre les pieds dans ledit tapis. Crise des opioïdes, course spatiale, impunité des milliardaires dans leur tour d’ivoire, traumas familiaux, emprise psychologique, abus sexuels, dérives technologiques… On finit par ne plus savoir où donner de la tête devant ce récit vraiment très, voire trop dense. Pourtant, chaque sujet mérite d’être traité, sans aucun doute possible, mais on aurait aimé une saison bien plus longue pour détailler tous les enjeux liés à l’empire agonisant des Usher.

Le travail sur la couleur pour provoquer l'horreur est remarquable // Source : Eike Schroter/Netflix
Le travail sur la couleur pour provoquer l’horreur est remarquable // Source : Eike Schroter/Netflix

À cette abondance narrative, s’ajoute un manque cruel de séquences horrifiques. Chaque épisode étant consacré au destin funeste de l’un des enfants Usher, un format particulièrement apprécié par Flanagan, la construction laisse peu de place aux éléments d’épouvante, en dehors des issues fatales. Il ne suffit pas de simplement nous effrayer avec quelques corbeaux, un chat noir et des effluves de sang. Si quelques tableaux sortent du lot, comme l’utilisation magistrale d’un orage pour suivre la trajectoire d’une revenante dans l’épisode 1 ou les jeux colorés qui teintent chaque personnage, on reste globalement sur notre faim à la veille d’Halloween.

Mark Hamill, nouvel élève du lycée Flanagan

Un constat paradoxal, considérant l’inspiration première de la série : les écrits souvent sinistres d’Edgar Allan Poe. De sa nouvelle, La Chute de la maison Usher, Mike Flanagan ne conserve finalement que quelques détails clés (Roderick et sa sœur Madeline, une maison hantée…), pour mieux improviser à partir d’autres œuvres de l’auteur comme Le Chat noir, Le Cœur révélateur ou Le Corbeau. La série offre une variation plutôt inspirée de toutes ces nouvelles restées cultes, parfaites pour un public américain biberonné à Edgar Allan Poe, mais peut-être plus difficiles à appréhender pour celles et ceux qui ne sont pas tombés dans sa marmite horrifique dès l’enfance.

Malgré les défauts narratifs et visuels de La Chute de la maison Usher, qui ajoutent tout de même une dynamique différente et intéressante à l’horreur, le showrunner peut toujours compter sur un atout non négligeable pour sauver ses créations : son casting. On assiste ainsi à une réunion des anciens élèves du lycée Mike Flanagan, vus dans presque tous ses précédents films et séries. Carla Gugino (The Haunting of Hill House), mise en valeur dans un rôle central, démontre ainsi l’étendue de son jeu, à la fois intense, inquiétant, doux et malin.

La reine Carla Gugino règne à sa façon sur la dynastie Usher // Source : Eike Schroter/Netflix
La reine Carla Gugino règne à sa façon sur la dynastie Usher // Source : Eike Schroter/Netflix

Elle se place en tête d’une distribution très solide et sans aucune faiblesse, composée de Kate Siegel (Pas un bruit), Bruce Greenwood (American Crime Story), Zach Gilford (Friday Night Lights), Mary McDonnell (Battlestar Galactica), Rahul Kohli (The Haunting of Bly Manor), Samantha Sloyan (Midnight Mass), T’Nia Miller (Years and Years), ou encore Ruth Codd (la révélation de The Midnight Club).

Plus étonnant, Mike Flanagan fait entrer un nouvel allié de poids dans sa promotion, en la personne de Mark Hamill, alias Luke Skywalker, rien que ça. Avec de telles personnalités devant la caméra, il est tout de même difficile de refuser une énième soirée d’épouvante en compagnie de Mike Flanagan, bien installés près d’un feu de cheminée, à frissonner au moindre grincement de parquet.

Le verdict

La Chute de la maison Usher // Source : Eike Schroter/Netflix
6/10

La Chute de la maison Usher

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Chaque Halloween, Mike Flanagan nous régale de sa traditionnelle série d’épouvante sur Netflix, pour le plus grand bonheur de nos insomnies. Pour sa dernière révérence sur la plateforme, avant de rejoindre Prime Video, le showrunner nous offre sur un plateau d’argent l’effondrement de la dynastie Usher, dont les enfants meurent mystérieusement, un à un. Une histoire de tragédie familiale, de destins tout tracés, de capitalisme décomplexé et de chats noirs maléfiques, qui manque malheureusement de véritables frissons pour être la série d’Halloween que l’on attendait. Mais cette satire jouissive des riches parvient à nous rattraper grâce à son casting, tout simplement impeccable, et ses monologues décapants. Satisfaisant, à défaut d’être effrayant.

Source : Montage Numerama

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