L’histoire de Dojo démarre en 2019, mais c’est lors de l’IA Day 2021, avec Elon Musk en maître de cérémonie, que Tesla officialise en grande pompe son « supercalculateur maison ». Conçu autour de puces Tesla « D1 » gravées sur mesure, Dojo devait ingérer les images captées par des millions de véhicules de la marque, pour les transformer en un cerveau capable de surpasser tout ce que Nvidia proposait alors.
De la promesse initiale, il ne reste plus grand-chose en août 2025. Bloomberg a annoncé le 7 août que l’équipe Dojo de Tesla était dissoute, ce qu’Elon Musk n’a pas nié sur X (ex-Twitter), un fait assez rare. C’était « un pari risqué » : Elon Musk l’a murmuré à plusieurs reprises quand le projet commençait à patiner et que les investisseurs voulaient en connaître l’avancement. Il a cependant toujours maintenu la promesse avec ses tours de passe-passe habituels. Pas plus tard qu’en juillet dernier, lors de la conférence financière du deuxième trimestre de Tesla, il en parlait comme si tout avançait comme prévu… ou presque.
Des promesses trop ambitieuses de la part de Tesla ?
Les promesses initiales autour de Dojo étaient spectaculaires : une véritable rupture technologique transformant Tesla en chef de file mondial de l’IA, notamment appliquée à la conduite autonome, puis plus tard ajoutant les robotaxis et robots humanoïdes à la liste.
Dès 2021, Elon Musk promettait que Dojo serait « le meilleur supercalculateur d’entraînement au monde », visant 100 exaflops d’ici fin 2024. Il comptait bien doubler les projets de géants comme Nvidia. Cette annonce de l’IA Day avait fait d’ailleurs gonfler la valorisation de l’entreprise.

Selon les plans initiaux, Tesla devait même s’affranchir des puces (GPU) de Nvidia en créant sa propre puce, nommée « D1 ». C’était particulièrement ambitieux, car tout ceci demande une expertise que Tesla a dû acquérir en embauchant du personnel qualifié et en y consacrant des moyens conséquents. C’était donc un sujet régulièrement abordé lors des conférences financières, les investisseurs souhaitant savoir quand l’entreprise pourrait bénéficier d’un réel retour sur investissement sur cette technologie prometteuse.


Le comble, c’est que le constructeur américain a probablement inspiré certains de ses concurrents à suivre la même voie. Mais, là où Tesla a enterré ses propres puces, les constructeurs chinois, eux, confirment leur développement et intégration pour ne plus dépendre de Nvidia et consorts. Néanmoins, si Tesla tente de faire oublier certaines de ses promesses, la marque n’a pas rétropédalé sur tout.
2024 : place à Cortex, le plan B discret
Comme souvent lorsque Tesla a envie d’ajouter un nouveau cadavre dans le placard, l’entreprise arrête d’en parler autant que possible. C’est d’ailleurs ce qui pourrait être en train d’arriver en ce moment au Cybertruck. À la place de Dojo, le nom de Cortex fait son apparition, pour un projet qui semble avoir un peu le même objectif.
En 2024, Tesla lance en effet discrètement Cortex, un projet bien moins flamboyant, mais bien plus pragmatique. Il s’agit d’un supercalculateur bâti dans la Gigafactory d’Austin et utilisant des technologies et puces externes comme du Nvidia, de l’AMD, du Samsung. En clair, tout ce que Dojo devait remplacer avec une intégration verticale maîtrisée.
Officiellement, Cortex n’enterrait pas Dojo. Officieusement, c’était déjà la fin du véritable Dojo : les entraînements IA passaient par Cortex 2.0 pour la conduite autonome FSD, soutenir l’arrivée du robotaxi, et aider à l’industrialisation du robot Optimus, en plus de servir de plateforme de calcul pour toutes les innovations Tesla en matière d’IA.
Août 2025 : rideau sur Dojo
Bloomberg a lâché la nouvelle ce 7 août : Tesla dissout l’équipe Dojo et Peter Bannon — le troisième et dernier responsable de Dojo depuis 2023 — quittera l’entreprise. Avant lui, une vingtaine d’employés du service étaient déjà partis de Tesla pour rejoindre DensityAI, un concurrent direct fondé par Ganesh Venkataramanan – ancien directeur de Dojo – et d’autres salariés de Tesla.
Ceux qui restent seront réaffectés sur d’autres projets. Pas un mot d’Elon Musk sur les départs massifs. Pourtant, une telle fuite de talents n’est certainement pas étrangère à son management. Le patron de Tesla, lui, aurait tendance à trouver une autre explication à la fermeture du service : « Il n’est pas logique pour Tesla de diviser ses ressources et de développer deux conceptions de puces d’IA très différentes », affirme-t-il sur X (ex-Twitter), en parlant désormais de Dojo 3… qui n’est rien d’autre que Cortex rebadgé.
L’éternel Musk show
Tout cela est quand même une manière habile de ne pas dire : « On a échoué sur l’intégration maison. » Elon Musk était questionné sur l’évolution de Dojo pendant la conférence financière de juillet, alors qu’il avait évité d’aborder le sujet de lui-même. La réponse est intéressante. Sans trop s’étendre sur le sujet, il a abordé la notion de Dojo 2 : « Nous prévoyons que Dojo 2 fonctionnera à grande échelle dans le courant de l’année prochaine. » Il aborde également déjà Dojo 3 avec les puces AI 6.

Pourtant, rien à ce sujet n’avait été présenté aux investisseurs avant. La dernière update sur Dojo remontait à un an plus tôt (au moment de la présentation des résultats du deuxième trimestre 2024), lorsqu’Elon Musk se plaignait des disponibilités trop fluctuantes des GPU Nvidia, leur préférant donc les puces développées en interne. Elon Musk n’a d’ailleurs cessé de vanter la conception interne de ses puces et du logiciel IA pendant une bonne partie de l’année 2024.
Apparemment, le virage à 180° de Tesla a été quelque peu passé sous silence. Même si des bribes d’informations ont bien été officialisées, rien n’est vraiment clair dans cette affaire, à moins d’être extrêmement pointu sur le sujet. Comme si tout semblait être fait pour maintenir un écran de fumée sur le détail de cette activité. Pas le genre de la maison ? Un peu, quand même.
Il restera encore à voir si Cortex, ou plutôt Dojo 2 (puis Dojo 3), arriveront à faire oublier le véritable objectif du projet Dojo. Combien de temps faudra-t-il aux investisseurs pour réaliser qu’Elon Musk n’a pas joué cartes sur table ? Tesla progresse sur l’IA et la conduite autonome, mais une fois de plus, le discours initial était très éloigné de la réalité.
Tesla est certainement le constructeur qui fait le plus parler de lui, mais il n’est pas toujours évident de suivre ses évolutions… à moins de s’abonner à notre newsletter Watt Else :
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