Poussées par les menaces de sanctions américaines, les marques automobiles chinoises investissent à marche forcée dans leurs propres semi-conducteurs pour la conduite autonome et autres technologies essentielles à l’automobile.

C’est peut-être la fin d’une histoire d’amour entre les constructeurs automobiles chinois et Nvidia. De plus en plus de marques passent à des puces produites en Chine, quitte à sacrifier en partie les performances espérées. Si l’aspect financier joue un rôle, ce sont surtout les menaces américaines qui ont poussé l’industrie chinoise à chercher une alternative.

L’enquête publiée le 6 août par Nikkei Asia montre comment des marques comme Nio, Xpeng ou BYD accélèrent leur virage vers des technologies locales, et elles ne sont pas les seules. Cette transition rapide oblige à quelques compromis. Entre indépendance industrielle et performance logicielle, les constructeurs doivent trouver le juste équilibre.

Vers une autonomie technologique forcée

Vu les enjeux autour du marché automobile chinois, les constructeurs ne peuvent actuellement pas se permettre de voir s’interrompre la chaîne d’approvisionnement de ces puces. C’est pourtant la menace qui plane sur l’industrie automobile chinoise depuis quelques mois. À tout moment, les États-Unis peuvent couper les vannes sur les puces de Nvidia ou Qualcomm, essentielles à la conduite intelligente et autres fonctionnalités IA de nombreux véhicules.

donald trump
Donald Trump pourrait couper subitement l’approvisionnement des constructeurs chinois en puces Nvidia // Source : Joyce N. Boghosian

Face aux risques, la Chine réagit comme à son habitude : pour ne pas dépendre d’autres pays, il faut développer cette compétence en local. Ainsi, depuis plusieurs mois, le gouvernement chinois pousse ses champions à réduire leur dépendance aux puces américaines, notamment celles utilisées pour les systèmes d’assistance avancée et la conduite autonome. Un message bien reçu par les principaux intéressés qui ont commencé à développer leurs propres puces ou à trouver des alternatives.

Ces sanctions ne font que renforcer la volonté chinoise d’autosuffisance. Ils peuvent le faire, et leur progression rapide sur la voiture électrique l’a déjà démontré. Finalement, c’est Nvidia qui risque de perdre gros dans l’histoire.

Un écosystème de puces chinoises en plein boom

Les constructeurs automobiles les plus à la pointe de la technologie ont revu leur plan. Nio développe sa propre puce Shenji. Xpeng a également conçu la sienne, baptisée Turing. Leapmotor, Huawei et Geely conçoivent aussi leurs propres puces automobiles et/ou IA. Même Xiaomi a relancé en interne des projets de semi-conducteurs maison, alors qu’ils utilisent des puces Nvidia.

Conférence Xpeng - présentation puce Turing // Source : Capture live Xpeng
Conférence Xpeng – présentation puce Turing // Source : Capture live Xpeng

Horizon Robotics compte aussi parmi les acteurs incontournables. L’entreprise équipe déjà plus de 310 modèles pour une quarantaine de constructeurs en Chine et revendique aujourd’hui la première place sur le segment des ADAS de niveau 0 à 2. Même BYD, pourtant client privilégié de Nvidia, mélange désormais les technologies : moitié Nvidia, moitié Horizon : Nvidia pour les modèles plus haut de gamme, et les puces chinoises pour les modèles plus abordables. BYD a aussi des compétences internes pour la fabrication de semi-conducteurs automobiles plutôt orientés sur d’autres fonctions (gestion moteur, batterie, etc.).

Et les autres suivent. Des sociétés comme SemiDrive, Black Sesame ou WingSkySemi montent en puissance, parfois avec le soutien direct d’investisseurs publics ou de constructeurs. Le plus impressionnant est la vitesse à laquelle ces nouveaux acteurs atteignent des niveaux techniques très compétitifs, avec des gravures en 7 nm ou moins, au cœur des tensions politiques.

Xpeng et les nouvelles capacités de conduite autonome // Source : Xpeng
Xpeng et les nouvelles capacités de conduite autonome // Source : Xpeng

Quand l’indépendance prime sur la performance

Malgré les avancées locales, Nvidia reste incontournable pour les fonctions d’IA de pointe et la conduite autonome de haut niveau. Les constructeurs chinois rencontrent encore d’importantes difficultés techniques, notamment pour égaler la performance et la maturité logicielle des solutions Nvidia.

Les puces locales restent pour le moment moins compatibles avec les logiciels tiers, et parfois moins performantes. Là où Nvidia brille par sa flexibilité, les solutions chinoises imposent encore des efforts d’intégration aux constructeurs. Cela pourrait néanmoins rapidement changer.

Selon les analystes interrogés par Nikkei Asia, les puces développées ou produites en Chine pourraient représenter 50 % du marché automobile chinois d’ici cinq ans. En 2024, ces puces ne représentaient que 9 % du marché, et déjà 15 à 20 % en 2025. La progression donne le tournis.

Cette révolution dépasse de loin la seule conduite autonome. Les semi-conducteurs sont partout dans les automobiles, et l’industrie mondiale en est de plus en plus dépendante. Il est probable que ces puces chinoises ne se cantonneront pas au seul marché chinois, ce qui risque de crisper certains acteurs occidentaux.

Pour l’instant, de nombreux constructeurs européens restent dépendants de Nvidia ou d’autres fabricants américains, même si quelques initiatives développent d’autres solutions. L’Union européenne, de son côté, mise sur le « Chips Act » et des investissements massifs pour renforcer sa résilience en la matière. Si cela se passe comme pour les batteries, l’indépendance est loin d’être acquise et cela devrait peut-être nous alerter.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+
Toute l'actu tech en un clien d'oeil

Toute l'actu tech en un clin d'œil

Ajoutez Numerama à votre écran d'accueil et restez connectés au futur !


Pour de l’actu en petit comité, rejoignez la communauté Numerama sur WhatsApp !