2023 était une année complexe pour le vélo à assistance électrique. Entre les stocks trop nombreux et les faillites, le secteur a été bousculé. Que peut-on attendre pour 2024 ?

À quelle sauce allons-nous être mangés en 2024 ? On s’interroge à voix haute sur l’état de l’industrie du cycle en France après une année 2023 mi-figue mi-raisin, les grandes tendances, la cyclabilité… tour d’horizon anticipée de cette nouvelle année qu’on espère plus roulante que 2023.

La chute des géants continuera-t-elle et entraînera-t-elle les petits ? Quand David et Goliath pédalent dans la semoule…

Un vélo Van Moof // Source : Van Moof
La fin de VanMoof, un symbole // Source : VanMoof

2023 a été une année noire pour plusieurs grands acteurs du vélo. 

VanMoof qui annonce au début de l’été sa faillite, dans son sillon la société GLEAM Technologies GmbH qui officialise sa banqueroute. Et puis, cataclysme pour le monde du vélo : la société Signa Sport United traverse d’importantes difficultés économiques. Gros hic : elle possède de nombreux sites dont WiggleCRC, Chain Reaction, Bikester et Probikeshop. Coté en bourse, le groupe finit par déposer le bilan à la suite de lourdes pertes financières. Sans surprise, le leader français Probikeshop est placé le 7 novembre 2023 en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon. Deux offres de reprise pour l’e-commerce ont été déposées. Affaire à suivre. 

Mais ces chamboulements économiques posent question : on peut s’interroger sur la pérennité de ce phénomène qui ne touche pas que les géants. À l’échelle régionale, on se rend aussi compte que de nombreuses petites enseignes cycles – dont certains historiques – mettent la clef sous la porte ou traversent des difficultés économiques. Les pages économie des journaux locaux illustrent le phénomène. Ça ferme ici. C’est en liquidation par là, en opération de déstockage massif avant fermeture plus loin. 2023, sale temps pour les braves. 

Trop de stocks, plus assez de cyclistes ? L’équation impossible à plusieurs millions d’euros

Quatre ans après la pandémie, on en est où côté stock ? Après avoir mis les bouchées doubles pour rattraper les retards de production, livrer des vélos et répondre à la demande grandissante après la crise du Covid-19, les magasins saturent. En 2024, des vélos, il y en aura pour tout le monde. C’est le constat que font de nombreux vélocistes qui peinent à écouler leurs stocks. 

Mauvais timing pour les vendeurs. Pour faire face à la demande qui a explosé lors de la crise du Covid-19, ils ont sur-commandé et les usines, lorsque la reprise fut venue, ont sur-fabriqué. Face aux délais affichés par certains fournisseurs, les professionnels n’ont pas hésité à passer commande auprès d’autres fournisseurs affichant des délais moins longs. Aussi, lorsque les planètes s’alignent, que les usines ont rattrapé leur retard, les vélos sont livrés tandis que la demande a chuté. C’est pas la clavicule Thierry, mais c’est un véritable étranglement. 

La faute à qui ?

Plusieurs facteurs expliquent l’écoulement difficile des stocks : l’inflation, la crise énergétique et la baisse sensible du pouvoir d’achat. Quant aux aides de l’État, elles jouent bien leur rôle de cache-misère. Ensuite, l’offre grandissante des services de location de vélo électrique ou de vélo partagé qui, s’ils ont l’avantage de mettre le pied à la pédale de nombreux usagers, freinent l’achat en magasin. 

Quant aux vélos, leur prix a sensiblement augmenté au cours des dernières années en raison des coûts de production qui augmentent, des pénuries des composants, des conflits géopolitiques, etc. Et sans parler de certains délais de livraison. Bref, il y a de quoi en freiner plus d’un.

Les grands sites proposant des prix bien plus attractifs qu’en magasin, la concurrence est rude. Et comme l’argent, c’est le nerf de la guerre, nombreux sont les clients à privilégier l’achat en ligne, au détriment des commerces locaux qui ont une marge de manœuvre réduite. 2024 sera-t-il l’année du grand déstockage et des grosses réductions pour écouler tout ce stock ? L’avenir nous le dira, mais on sait, pour en avoir discuté avec les constructeurs, qu’ils ont eu du mal à placer de nouveaux vélos en rayon cette année.

Les équipementiers pas épargnés

En 2023, le grand fabricant Shimano enregistre une baisse de 18 % de son chiffre d’affaires par rapport à 2022.

On attend donc les chiffres pour l’année 2023 de l’Observatoire du Cycle proposé par l’Union Sport & Cycle. Pour rappel, en 2022, le marché du cycle continuait sa croissance et enregistrait une augmentation de 5,2% par rapport à l’année précédente (source : observatoire du Cycle 2022).

Innovation, dis quand reviendras-tu ?

Si en 2023, le Bosch Performance Line SX et le moteur Pinion Motor Gearbox Unit ont créé l’événement, on peut espérer des innovations et des changements plus radicaux pour les années à venir.

Cette année 2023 nous a laissé un goût de trop peu, voire de pas assez du tout. Alors oui, on continue d’avancer sur le poids du moteur, l’autonomie de la batterie et la légèreté de certains vélos, mais on aimerait un peu de croustillant et de fantaisie à se mettre sous la dent. En 2024, on veut du rêve, mais l’année risque fort de ressembler à 2023. C’est à peu près sûr que Shimano, SRAM ou Bosch ont de belles choses dans les cartons. Mais vendre de l’innovation alors qu’il y a un parc vélo déjà prêt et qui dort dans les stocks des vendeurs, c’est complexe. Votre produit tout beau tout pimpant n’arrivera pas dans les mains des clients.

À noter que la tendance est et sera aussi à la durabilité et à un circuit de fabrication plus court, plus local. En témoigne Moustache Bikes qui relocalise la fabrication en France de son vélo électrique J, un modèle haut de gamme sans soudure. Ah ! elle est peut-être là finalement l’innovation qui a fait vrombir notre moteur en 2023 ? Espérons que cette nouvelle philosophie de construction, plus écologique, soit étendue et copiée en 2024.

Vers l’infini et… la pérennité de certaines gammes

Autre phénomène qu’on a déjà commencé à observer en 2023 et qui va continuer en 2024 ? Le renouvellement des gammes qui n’est plus automatique. Il faudra donc s’habituer à retrouver d’une année à l’autre les mêmes modèles. 

Le SUV continue de s’assaisonner à la sauce vélo

Déjà bien lancée en 2022-2023, la tendance reste à la polyvalence et au confort en 2024. Le phénomène SUV continue. Après les voitures, c’est désormais aux vélos électriques de se la jouer crossover. On veut des vélos pour la ville et les petits chemins ! 

Ces VAE hybrides possèdent un moteur central puissant, des pneus plus larges tout-terrain, un porte-bagage arrière, des freins à disque hydrauliques, une batterie intégrée dans le tube inférieur du cadre qui affiche une belle autonomie et une fourche suspendue empruntée aux VTT et VTTAE pour plus de confort. Canyon a même osé nommer un modèle « SUV ».

Si ces vélos imposent une dynamique plutôt sportive (quoique certains modèles affichent un look plan plan), on reste pour l’instant sur une géométrie très urbaine. 

Le revers de la médaille ? Des prix plutôt élevés, des vélos assez lourds (même si ça progresse !) et des composants qui ne justifient pas toujours leur présence. C’est le paradoxe de la polyvalence : à être bons en tout, les vélos SUV finissent-ils par n’exceller en rien ?

On retrouve des modèles SUV sous l’appellation de « vélo trekking ». On retrouve ce vélo hybride chez de nombreuses marques avec des modèles comme : 

  • le Pathlite:ON SUV de Canyon, 
  • les VAE Turbo Tero et Turbo Tero X de la gamme Active de Specialized, 
  • le SEB 990 de Velo de Ville, 
  • le Samedi 27 Xroad et le J:ON de Moustache Bikes,
  • le STORMGUARD E+ 2 de Giant,
  • le Nakamura E-Crossover V.

La cyclabilité des villes : ça roule (toujours) ma poule ? 

Le Plan vélo et marche 2023-2027 continue. En 2024, au-delà de la prolongation des grands axes (accessibilité, développement des pistes cyclables, etc.), on attend en 2024 :

  • la généralisation d’un espace vélo en amont du feu de signalisation,
  • l’obligation d’installer des zones de stationnement sécurisé dans les gares et les zones d’intermodalité. 

Car si on peut rouler à vélo en ville de plus en plus facilement (et encore ça dépend de la ville…), se garer et stationner son vélo en toute sécurité reste une galère. Les solutions de stationnement sont souvent saturées en raison de la demande qui a explosé. Un chantier sur lequel il faudrait se pencher, surtout dans les grandes villes comme Paris. Mais en 2024, la capitale aura d’autres combats à mener en matière de mobilité. L’année s’annonce sportive.

Le déploiement d’autres plans vélos qui s’inscrivent dans le Plan vélo national est attendu en 2024. C’est le cas dans la région des Hauts-de-France où un plan vélo 2024-2028 a été adopté le 5 octobre. Certaines villes sont à la (méga) bourre ; c’est le cas de Marseille. En effet, dans son bilan, le collectif Vélos de Ville indique que moins de 25 km de nouvelles pistes cyclables sur les 89,2 km prévus ont été aménagés. En 2024, on y croit ?

Vous pouvez désormais savoir où en est l’avancée du déploiement des aménagements cyclables par rapport aux objectifs fixés dans votre département grâce à un indicateur officiel mis en place sur le site du gouvernement

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Capture d’écran de l’indicateur d’aménagement des voies cyclables à Paris, en Île-de-France

Au-delà des infrastructures pour rouler ou stationner, il serait bien opportun de réfléchir parallèlement à la sécurité des cyclistes sur la route. Le nombre d’utilisateurs augmente, et celui des accidents également. 

Vœu pieu ? On peut espérer en 2024 que la sécurité des cyclistes sera à l’ordre du jour, et que de vraies mesures seront mises en place.

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