Pourquoi payons-nous beaucoup plus cher les voitures électriques chinoises ? Certes, il est naturel que les prix de vente en France (et Europe) soient supérieurs à ceux pratiqués en Chine. Les tarifs des voitures s’adaptent au niveau de vie des pays ciblés. Il existe d’ailleurs déjà des écarts dans les prix au sein même de l’Europe. Dans le cas des véhicules chinois, une partie de cette augmentation repose sur les dépenses supplémentaires lors de leur importation en Europe : transport, frais de douanes, TVA, homologation, réseau de vente… Mais ce n’est pas la seule raison.
Numerama a passé au crible les tarifs des modèles électriques, vendus à la fois en Chine et en Europe, de BYD, MG, Aiways, Leapmotor, Nio, Xpeng, Ora, Seres ou encore Zeekr. Si pour certaines voitures, les prix sont multipliés raisonnablement par 1,5 entre la Chine et l’Europe, pour d’autres modèles, cela peut atteindre jusqu’à des tarifs 2,5 fois plus élevés. Les personnalités politiques accusent beaucoup les voitures chinoises de vouloir casser les prix, mais en y regardant de plus près, cette affirmation n’est pas aussi évidente.
BYD, Leapmotor et Ora dépassent le 2x de leurs prix chinois
Lors de son lancement en France en octobre 2022, BYD avait un peu surpris avec un positionnement tarifaire loin d’être aussi agressif qu’attendu. Les trois premiers modèles ont été annoncés en Europe avec des prix multipliés par deux par rapport à leur marché local. Quelques mois plus tard, la tendance reste identique. Que l’on observe la Dolphin, l’Atto3, la SEAL ou les deux modèles haut de gamme (Han et Tang), la variation moyenne de prix entre la Chine et la France est de 102 %, soit des tarifs doublés pour la France.
Si l’on voulait jouer à faire des pronostics sur le prix de la future citadine de BYD, il faudrait s’attendre à ce que la BYD Seagull, vendue en moyenne autour de 10 000 € en Chine, arrive chez nous avec un tarif compris entre 20 000 et 23 6000 € (pour la version la plus élevée).
La citadine de Leapmotor répond à la même tendance. En Chine, la T03 est disponible avec plusieurs motorisations. Elle est vendue entre 9 050 € et 12 550 € (selon les conversions actuelles). En France, la Leapmotor T03 est vendue dans une version unique 25 990 €. Soit plus du double du prix constaté en Chine.
ORA est la dernière marque à s’illustrer avec une variation de 146 % entre la Chine et l’Europe. Pour le moment, la Ora Funky Cat n’est pas commercialisée en France. L’analyse a été faite sur le prix observé chez nos voisins allemands. Cette voiture urbaine de 4,24 m de long s’illustre par des tarifs particulièrement élevés en Europe :
Ora Funky Cat | Ora Funky Cat GT | |
---|---|---|
Chine | 16 900 à 21 590 € | 18 725 € |
Allemagne | 38 990 à 47 490 € | 49 490 € |
Variation | 127 % | 164 % |
L’objectif de ces trois marques est de se positionner au sein de la concurrence existante sans forcément chercher à casser les prix. La marque Ora veut, par exemple, vendre son modèle comme une alternative premium (à l’image de Mini). Ce qui explique que le tarif soit supérieur à la MG4, mais un peu inférieur à la Mégane pour des véhicules de dimensions assez proches. Le positionnement tarifaire est souvent une question d’image, et pas uniquement de profit.
Malgré les apparences, MG n’est pas le plus bas
Entre la France et la Chine, il n’y a pour le moment que la MG4 de commune. Que l’on observe l’entrée de gamme ou la version la plus haute (MG4 Xpower), on obtient un écart assez proche autour de +65 %.
Pourtant, MG est la marque la plus agressive commercialement sur le territoire européen. Le constructeur MG (groupe SAIC) est particulièrement visé par le gouvernement français au moment de trouver de solutions pour priver leurs modèles de bonus. En France, la MG4 est vendue entre 29 990 € et 40 490 €. En Chine, la plage de prix s’étend de 18 200 € à 24 245 € pour des finitions assez proches.
Nio et les marques du groupe Geely tirent les prix vers le bas
Avec ses 5 modèles lancés sur le marché européen, mais aucun en France pour le moment, Nio n’affiche des prix en moyenne supérieurs de 48 %. C’est le constructeur chinois qui affiche l’écart le plus bas observé parmi 26 modèles de 12 constructeurs différents.
En Chine | En Allemagne | Variation | |
---|---|---|---|
Nio ET5 | 38 805 – 46 358 € | 59 500 – 68 500 € | +50 % |
Nio ET5 Touring | 38 805 – 46 358 € | 59 500 – 68 500 € | +50 % |
Nio ET7 | 55 734 – 63 286 € | 81 900 – 90 900 € | +44 % |
Nio EL6 (ES6) | 44 014 – 51 567 € | 65 500 – 74 500 € | +46 % |
Nio EL7 (ES7) | 57 036 – 64 589 € | 85 900 – 94 900 € | +48 % |
Selon une enquête du New York Time, Nio perd actuellement 31 000 € par modèles vendus. Le constructeur chinois ne va apparemment pas combler ses pertes en Europe. Nio adopte déjà en Chine un positionnement assez haut de gamme, il en est de même pour les premières implantations en Europe. Il aurait été difficile pour la marque de doubler ses tarifs pour satisfaire cet objectif de conquête du marché européen.
Un autre grand groupe chinois avance sans trop se faire remarquer en Europe. Geely se développe à la fois avec d’anciennes marques européennes, dont le groupe a pris le contrôle, mais aussi quelques nouvelles marques. On retrouve le groupe derrière 4 modèles que l’on a pris comme référence : Zeekr 001, Zeekr X, Polestar 2 et Smart #1.
- Smart : +52 % entre la Chine et la France
- Polestar : +54 % entre la Chine et l’Europe (pas disponible en France)
- Zeekr : +71 % entre la Chine et l’Europe (pas disponible en France)
Sans en avoir l’air, le groupe Geely – qui couvre également les marques Volvo et Lotus — produit des modèles chinois (assemblés en Chine) avec un positionnement premium très adapté au marché européen. Les marques Polestar et Smart se montrent les plus agressives sur les prix.
Sur la même ligne que Zeekr, Aiways offre aussi des prix gonflés de 71 % entre la Chine et la France. Xpeng et Seres viennent compléter le tableau avec respectivement +78 % et +86 % sur les prix chinois.
Tesla comme élément de comparaison ?
Tesla n’est certes pas une marque chinoise, mais une grande partie des modèles vendus en Europe viennent de l’usine de Shanghai. Comme il n’y a pas d’écart entre les prix des Model Y produits à Berlin et ceux de Shanghai, il semblait aussi intéressant d’observer la différence entre les prix chinois et les prix français :
Model 3 | Model Y | |
---|---|---|
Tarifs en Chine | De 33 845 à 38 530 € | De 34 522 à 45 772 € |
Tarifs en France | De 41 990 à 50 990 € | De 45 990 à 53 990 € |
Écart moyen | +28 % | +25 % |
Les voitures Tesla sont considérées assez chères en Chine. Malgré les baisses de prix successives, la marque n’a pas vraiment cassé ses tarifs là-bas. En conséquence, l’écart avec les prix européens est particulièrement faible. Tesla pourrait cependant pâtir d’une guerre commerciale entre la Chine et l’Europe. Si les frais de douanes des véhicules produits en Chine passaient de 10 à 20 ou 30 % de taxes, cela se ressentirait forcément sur les prix européens des Tesla Model 3 et Y.
Pour le moment, on peut surtout observer que les marques chinoises ont essayé de placer leurs différents modèles en fonction de la concurrence européenne, gagnant au passage parfois un peu plus de marges. En cas de sanctions européennes sur les véhicules produits en Chine, la donne pourrait changer. Pour autant, il n’est pas exclu de voir les variations de prix entre la Chine et l’Europe se réduire sans que les prix ne bougent. Certaines marques comme BYD ont largement les ressources pour le faire.
Le positionnement tarifaire des marques chinoises est particulièrement intrigant. C’est un sujet qui sera certainement à observer dans les mois à venir dans notre newsletter hebdomadaire dédiée à la mobilité électrique : Watt Else. Abonnez-vous pour ne rien manquer de ces sujets.
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