Le nouveau bonus écologique n’est pas encore acté qu’il fait déjà couler beaucoup d’encre. Il a donc été choisi pour l’édito de la newsletter Watt Else du 14 septembre. Derrière un joli emballage qui le fait passer pour une évolution plus soucieuse de l’impact sur le climat de la voiture électrique, se cache en fait un discours politique très protectionniste.

Le gouvernement veut punir les voitures électriques chinoises de leur success story en France. Mesure écologique ou protectionniste, au final ne s’emmêle-t-il pas un peu les pinceaux ? Le 5 septembre dernier, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, s’est exprimée sur TF1 à propos du futur bonus écologique et son propos fait réagir les constructeurs. 

La ministre semble avoir une idée très arrêtée sur les modèles qui auront accès au bonus et ceux qui seront exclus du dispositif. Le texte définitif n’est pourtant pas encore acté et les « scores écologiques », reposant sur 6 critères, ne sont pas encore calculés. Quand on connaît le résultat d’une compétition avant qu’elle ait eu lieu, c’est qu’il y a de la manipulation dans l’air.

Dacia Spring et MG4 délibérément mises hors course

À écouter la ministre sur TF1, les victimes du bonus sont donc déjà connues : « Dans les conditions actuelles de production, les modèles comme la Dacia Spring ou des modèles de type MG ne devraient pas bénéficier du bonus écologique l’année prochaine. » Qu’il est merveilleux d’observer que le gouvernement à tout compris aux besoins du marché de la voiture électrique (ironie) et qu’il vise à sanctionner aveuglément les voitures offrant le meilleur rapport qualité/prix. 

Ministre Agnes Pannier-Runacher, sur le bonus éco // Source : Extrait vidéo TF1
Ministre Agnes Pannier-Runacher, sur le bonus éco // Source : Extrait vidéo TF1

Sous couvert d’écologie, le gouvernement veut retirer le bonus à la voiture électrique qui est actuellement : la plus légère, la moins chère et avec les consommations parmi les plus basses du marché. On se moque souvent de la Dacia Spring, mais elle est tout ça ! Ne me dites pas que retirer le bonus à cette voiture, pour le donner à des « SUV/Crossover Urbain » qui consomment davantage, mais sont fabriqués en France dans une usine du siècle dernier, a vraiment une vocation écologique et non démagogique.

Des usines chinoises tournant uniquement au charbon, vraiment ? 

Cette phrase issue de l’interview est à l’image de ce prisme politique déformé : « Aujourd’hui, on a des entreprises en France et en Europe qui fabriquent en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre, et à l’autre bout du monde, on fabrique avec de l’électricité qui est au charbon avec une empreinte environnementale qui est très élevée. »

Rien de nouveau sous le soleil, des personnalités politiques relaient des clichés, parce qu’elles n’ont aucune connaissance du sujet sur lequel elles doivent s’exprimer. Un voyage dans les usines automobiles autour du monde serait peut-être un bon moyen de leur faire réaliser le retard pris en Europe (même s’il commence à être rattrapé), par rapport aux constructeurs chinois tant critiqués. Alors que les premiers panneaux solaires installés par Stellantis sur l’usine de Sochaux sont applaudis des deux mains, des constructeurs comme BYD, Tesla, MG en implantent en masse sur leurs usines dernier cri (et économes en énergie) pour favoriser un maximum l’autoconsommation depuis plusieurs années déjà.

Gigafactory Tesla  // Source : Tesla
Gigafactory Tesla // Source : Tesla

La riposte des constructeurs étrangers : la dérogation

Face à un bonus qui ressemble à une mesure discriminatoire, la CSIAM (Chambre Syndicale Internationale de l’Automobile et du Motocycle) s’étonne également de la position prise par la ministre avant l’application du décret. La chambre syndicale indique qu’elle sera très attentive à la suite des travaux de préparation du décret et apportera tout son soutien à MG Motor.

Livraison des MG4 // Source : MG
Livraison des MG4 // Source : MG

MG n’a d’ailleurs pas dit son dernier mot. En plus des offres promotionnelles du moment à 99 €/mois, le constructeur veut se battre pour être jugé équitablement sur le futur bonus. Le décret prévoit un processus dérogatoire pour les entreprises qui considèrent que les valeurs standards (du pays) ne correspondent pas à la réalité de l’entreprise. Il restera à MG à fournir les justificatifs nécessaires pour que le calcul soit remis à jour dans un délai de 7 mois. Concrètement, si le site de production (chinois) utilise une énergie renouvelable, au lieu du charbon, il pourra demander un nouveau calcul de son score écologique. 

Le groupe BMW utilisera certainement aussi ce recours pour la future Mini électrique. Pendant un temps, celle-ci sera fabriquée en Chine, et Mini n’aimerait pas se voir privé du bonus alors que son usine a une consommation de CO2 quasi neutre. Tesla serait aussi légitime à en faire la demande pour la Model 3 produite dans sa Gigafactory de Shanghai. Quant à BYDLa Dacia Spring est l’électrique préférée des Français depuis déjà 3 mois ou Leapmotor, ils pourraient suivre le mouvement également. Le gouvernement français n’imaginait quand même pas que les constructeurs chinois n’allaient pas se battre ? 

L’Europe commence à son tour à évoquer de possibles sanctions contre les véhicules chinois. Sauf que le discours d’Ursula von der Leyen, ce 13 septembre, ressemble à une allumette craquée dans un environnement hautement inflammable : attention au retour de flamme.

Entre les politiques et les constructeurs, les débats autour de la mobilité électriques sont nombreux. Inscrivez-vous à notre newsletter Watt Else pour suivre de près les actualités sur ce sujet et d’autres.

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