L’Europe veut prouver que la Chine subventionne massivement ses voitures électriques, pour appliquer des sanctions financières. Une enquête a été lancée le 4 octobre. En moins d’une journée, les commissaires européens communiquent comme si les conclusions étaient déjà connues.

24 heures pour monter un dossier contre l’industrie automobile chinoise, cela tient du record de vitesse pour une institution européenne. L’essor de la voiture électrique chinoise en Europe, grâce à des prix tirés vers le bas, est jugé comme déloyal par l’Union européenne. Pour contenir l’invasion chinoise redoutée, l’Europe veut pouvoir sanctionner financièrement ces véhicules. Pour ce faire, elle doit prouver que la Chine triche.

Selon l’AFP, la Commission Européenne a déjà rassemblé les éléments pour provoquer l’enquête qui mènera aux éventuelles sanctions. Elle estime être « en possession d’éléments de preuve suffisants tendant à montrer l’existence de subventions et d’une menace de préjudice ».

Initialement, cette enquête antisubventions de la Commission Européenne, entamée le 4 octobre 2023, devait s’étendre sur 13 mois. Pourtant, dès le 5 octobre, soit le lendemain, les premières déclarations dans les médias font état de preuves accablantes contre la Chine, laissant entendre que le dossier serait déjà bouclé. C’est notamment le cas du commissaire européen Didier Reynders, interrogé en direct sur BFM Business le 5 octobre.

Des prix subventionnés déjà actés

Lors de son interview, Didier Reynders a indiqué ceci, à propos des véhicules électriques chinois : « On arrive à des prix dont on ne comprend pas très bien comment ils sont composés. » Compte tenu des évolutions des salaires locaux et des matières premières, le commissaire européen juge que les prix pratiqués ne peuvent pas être réalistes vis-à-vis du marché.

Volkswagen ID chinoise // Source : Volkswagen
Volkswagen ID chinoise. // Source : Volkswagen

Il se justifie en précisant : « Il y a beaucoup d’investisseurs européens en Chine, donc on a quand même une assez bonne idée du marché. » Mais, ce qu’il ne précise pas, c’est que les marques européennes aussi peuvent tirer avantage à vendre moins cher leurs modèles en Chine.

Dans sa joint-venture avec SAIC (MG), la marque allemande Volkswagen semble, par exemple, être en mesure d’être compétitive sur les prix, lorsque le véhicule est produit en Chine. Volkswagen est capable de vendre en Chine une ID.3 à partir de 15 800 € (selon Electrive), alors qu’elle est facturée en France 43 000 €. Cela soulève donc quelques questions : le constructeur allemand bénéficie-t-il aussi des subventions chinoises ? Serait-ce là le prochain scandale des constructeurs européens implantés en Chine ?

Des sanctions contre les véhicules chinois qui pourraient être précipitées

L’Europe n’hésite pas à communiquer dès à présent la liste des avantages dont bénéficieraient les entreprises chinoises, et ce, avant même les conclusions de l’enquête :

  • Crédits à taux préférentiels,
  • Exonérations d’impôts,
  • Abattement sur la TVA,
  • Facilité d’implantations,
  • Tarifs préférentiels sur les matières premières et les composants,
  • Et autres aides…

Si la communication est déjà aussi active, c’est certainement parce que l’Europe sera en mesure d’accélérer les sanctions si les preuves sont rapidement réunies. En effet, il n’est pas nécessaire d’attendre les rapports à l’issue des 13 mois d’enquête. Une mesure provisoire pourrait être prise dès le 9e mois, si le danger était considéré comme réel.

La sanction la plus simple à mettre en place pour l’Union européenne devrait être l’augmentation des droits de douane à l’importation des véhicules. Le commissaire européen chargé du Marché intérieur, Thierry Breton, a annoncé dès le 17 septembre que les droits de douane pour les voitures chinoises pourraient passer de 10 % à 20 ou 30 %. Ceci pourrait donc intervenir sur les voitures électriques dès le mois de juin 2024.

La Chine rappelle l’Europe à l’ordre

Selon Reuters, le ministère chinois du Commerce a répondu par un communiqué, indiquant que la Chine était « très mécontente ». Le gouvernement chinois estime que l’enquête de l’Europe manque de preuves adéquates et n’est pas conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce.

BYD Seal et Seal U // Source : Raphaelle Baut
BYD Seal et Seal U. // Source : Raphaelle Baut

La Chine devrait suivre de près l’évolution du dossier et le respect des procédures afin de sauvegarder les intérêts de ses entreprises. L’Association chinoise des constructeurs automobiles (CAAM) a déjà qualifié tout ceci « d’acte de protectionnisme évident », qui entraverait la croissance de l’industrie mondiale des véhicules électriques.

La Chine invite l’Europe à ne pas menacer la stabilité des chaînes d’approvisionnement et de prendre avec prudence ses décisions sur des sanctions commerciales.

Ralentir l’essor des voitures électriques chinoises est une chose, créer un conflit commercial ouvert avec la Chine en est une autre. Voilà un sujet qui fera probablement l’objet d’un édito dans notre newsletter hebdomadaire Watt Else. Abonnez-vous pour ne rien manquer de ces sujets.

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