C’est presque devenu un classique pour répondre à des accusations de pollution : dire que l’accusateur pollue aussi, pour le simple fait qu’il possède un iPhone. Pas un smartphone, non : un iPhone. Cette réflexion, en plus d’être contre-productive, est fausse. Oui, un iPhone pollue, mais pas plus que d’autres smartphones.

Nos smartphones, parce qu’ils sont des appareils électroniques complexes, nécessitent moult étapes de fabrication et sont remplis de métaux rares, qui sont des matériaux polluants. À toutes les étapes de leur vie, ils produisent des déchets et émettent des gaz à effet de serre (GES), comme tous les appareils électroniques.

Les iPhone polluent-ils plus que les autres, comme certaines associations écologiques le suggèrent parfois ? La réponse est non, dans le sens où ils émettent autant de GES que d’autres smartphones équivalents.

« Et l’Apple que tu as dans la poche, est-ce qu’écologiquement il assure ? » : quand Jonathan Cohen défendait Vincent Bolloré

En septembre 2023, l’acteur Jonathan Cohen participait à l’avant-première du film Une année difficile, un long-métrage réalisé par Éric Toledano et Olivier Nakache. Ce film parle d’associations et de jeunes militants écolos.

Sans surprise, il n’en fallait pas moins pour que les questions posées après les projections en avant-première parlent d’écologie. Un spectateur demande alors à l’acteur : « J’ai vu que le film était financé par le Groupe Canal, et je sais que Vincent Bolloré est tout sauf un militant écolo, comment avez-vous fait ? »

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Lors d’une avant premiere un journaliste essaye d’epingler #jonathancohen concernant #bollore et l’ecologie #canalplus #sentinelle #vincentbolloré

♬ Monkeys Spinning Monkeys – Kevin MacLeod & Kevin The Monkey

Jonathan Cohen répond : « Trouve-moi un militant écolo parmi toutes les chaînes, parmi toutes les plateformes, parmi tous les moyens de communication, parmi tout mon pote… Donc on ne rentre pas dans ce débat-là. Tu veux que je te dise pourquoi ? Parce que ce serait du temps perdu. » L’acteur découvert dans Serge le Mytho, mais aussi et surtout dans La Flamme et Le Flambeau, ajoute : « Et l’Apple que tu as dans la poche, est-ce qu’écologiquement il assure ? ».

C’est cette petite phrase qui interroge. Jonathan Cohen, comme d’autres, ne cible pas le smartphone en général, mais l’iPhone. Une réflexion qui est régulièrement assénée sur les réseaux sociaux pour dénoncer les appels écologistes de militants, envoyés depuis des iPhone. Sous-entendu : l’iPhone pollue, en avoir un reviendrait à polluer et donc à ne pas avoir le droit de critiquer d’autres personnes sur la pollution qu’elles émettent. Sauf que la réalité est bien plus complexe que ça.

Une réaction qui fait écho au meme « We Should Improve Society Somewhat » // Source : Matthews Bors via Know Your Meme
Une réaction qui fait écho au meme « We Should Improve Society Somewhat » // Source : Matthews Bors via Know Your Meme

Un smartphone, que ce soit un iPhone ou pas, ça pollue

Un iPhone, c’est un téléphone portable. Il s’agit d’un objet électronique rempli de métaux rares, fruit d’une conception minutieuse qui requiert beaucoup de procédés de fabrication. Dans tous les cas, et peu importe le discours des marques, un téléphone portable est polluant. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie l’écrit noir sur blanc : « ce petit objet connecté pose de lourds problèmes sociaux et environnementaux, pour l’essentiel liés à sa fabrication ». Il s’agit d’appareils « rarement conçus pour durer » et pas encore assez recyclés.

Nous parlerons par la suite uniquement d’émissions de gaz à effet de serre et de dioxyde de carbone. Les smartphones ne polluent pas seulement d’un point de vue climatique : ils entraînent aussi la pollution des sols et de l’eau, par les déchets qu’ils produisent ou par les conséquences de l’extraction minière. Comme le dit le dicton : le smartphone qui pollue le moins, c’est celui que vous n’achetez pas ou celui que vous possédez déjà. Reste bien sûr la question de la nécessité d’avoir un smartphone, mais c’est une autre histoire.

L'iPhone 16 rose.  // Source : Alfred Tertrais / Numerama
L’iPhone 16 rose. // Source : Alfred Tertrais / Numerama

D’autant plus que l’iPhone, dans sa conception, n’est pas exempt de défaut. Si Apple travaille de plus en plus là-dessus (et y est quelque peu obligé), le remplacement des pièces reste difficile, par exemple le changement de batterie. Sur ce point, Apple dit avoir permis l’accélération du retrait de la batterie de 75% entre l’iPhone 15 et l’iPhone 16, avec un nouveau mécanisme sans colle.

56 kg de CO2eq pour un iPhone 16 : comment Apple arrive à ce calcul

Apple publie pour chacun de ses produits un rapport sur l’impact environnemental. Prenons l’exemple de l’iPhone 16/16 Plus. Un iPhone 16 de base avec 128 Go de stockage émet 56 kg de CO2eq. Le CO2eq, ou équivalent CO2, c’est la quantité de dioxyde de carbone émise. Il s’agit d’une unité de mesure créée par le GIEC pour comparer les impacts des différents GES. Ce qui facilite grandement le calcul des émissions de GES et ainsi celui du réchauffement climatique. Pour arriver à cette valeur, Apple prend en compte toutes les étapes de vie de son téléphone :

  • Conception et matériaux (extraction, production et transport),
  • Fabrication et assemblage,
  • Emballage et transport (jusqu’aux centres de distribution régionaux);
  • Utilisation (pour une période de trois ans en moyenne),
  • Recyclage (avec le transport des centres de collecte aux centres de recyclage, énergie utilisée pour la séparation mécanique et le déchiquetage des pièces).

Pour son calcul des émissions, Apple se base sur trois normes ISO, tout en reconnaissant que « la modélisation des émissions de carbone est entachée d’une incertitude inhérente due principalement à la limitation des données. » Voici la répartition des émissions de GES calculées :

  • Production : 80%,
  • Transport : 3%,
  • Utilisation : 18%,
  • Traitement de la fin de vie : moins de 1%.

Voici les émissions de GES des iPhone 16 en fonction des modèles et des configurations. Pour les modèles Pro, la répartition des émissions est similaire.

ConfigurationiPhone 16iPhone 16 PlusiPhone 16 ProiPhone 16 Pro Max
128 Go56 kg de CO2eq60 kg de CO2eq66 kg de CO2eqX
256 Go61 kg de CO2eq64 kg de CO2eq72 kg de CO2eq74 kg de CO2eq
512 Go74 kg de CO2eq77 kg de CO2eq84 kg de CO2eq86 kg de CO2eq
1 ToXX95 kg de CO2eq97 kg de CO2eq

Concernant le calcul de l’utilisation de l’iPhone au cours de sa vie (durant trois ans), il serait sous-estimé selon l’entreprise Greenly. Pour elle, l’utilisation ne représenterait pas 10 kg de CO2eq environ, mais plutôt 60 kg de CO2eq environ.

Comment réduire les émissions de GES d’un téléphone portable ?

Pour réduire au plus les émissions de gaz à effet de serre, Apple compte sur des métaux recyclés. Aujourd’hui, l’iPhone « contient plus de 30% de matériaux recyclés […] ce qui réduit les émissions totales du produit d’environ 8%. » Dans son rapport, le fabricant dit cartographier « de nombreux matériaux, certains jusqu’à la source minérale » en établissant des normes dont l’application est vérifiée par des audits tiers.

La répartition de l'empreinte carbone de l'iPhone 16 // Source : Apple
La répartition de l’empreinte carbone de l’iPhone 16 // Source : Apple

L’électricité utilisée par Apple et ses fournisseurs aussi est prise en compte : Apple se targue d’avoir « 100% d’électricité à faible teneur en carbone » pour sa production. Entendez : un mix entre nucléaire et énergies renouvelables (solaire, hydroélectrique, éolien etc.). En faisant ça, le fabricant indique avoir réduit les émissions de ses produits de 20 %. Concernant le transport, Apple privilégie naturellement les bateaux-cargos et le train pour les expéditions depuis ses usines. Ce qui ne l’empêche pas de livrer les premières unités des nouveaux iPhone en avions : on a même pu les suivre à la trace cette année.

Apple fait la promotion de son « approche durable » de la tech sur son site // Source : Numerama
Apple fait la promotion de son « approche durable » de la tech // Source : Numerama

Quant à l’utilisation, Apple indique que ses iPhone 16 et 16 Plus consomment moins d’énergie que les autres. La marque met aussi en place « des projets énergétiques à faible émission de carbone ». Il s’agit d’une forme de compensation de l’énergie que vous utilisez pour recharger votre appareil.

Enfin, il reste le recyclage lorsque l’iPhone est en fin de vie. Dans l’immense majorité des pays où l’iPhone est vendu, Apple propose des programmes de collecte/reprise et de recyclage d’anciens appareils. L’objectif : récupérer le plus de métaux en consommant le moins d’énergie possible. Pour cela, Apple a conçu trois robots : Daisy (que Numerama est allé voir), Taz et Dave. Mais, pour le moment, il n’y a pas assez d’appareils à recycler. Les consommateurs gardent souvent leurs anciens produits.

La comparaison des émissions de GES avec les autres smartphones

Afin de savoir à quel point l’iPhone 16 pollue plus ou moins que d’autres smartphones, nous l’avons comparé avec d’autres modèles haut de gamme sortis cette année, à des prix de vente effectifs équivalents :

  • Samsung Galaxy S24 : 46 kg de CO2eq ;
  • Fairphone 5 : 42 kg de CO2eq ;
  • Google Pixel 8 : 64 kg ce CO2eq ;
  • Xiaomi 14 : 53 kg de CO2eq ;
  • Honor Magic 6 Pro : 67,5 kg de CO2eq ;

À titre de précision, le calcul de l’empreinte carbone du Samsung Galaxy S24 ne prend pas en compte le recyclage, qui ne représente toutefois qu’une infime partie des émissions de GES de la vie d’un smartphone. Certains produits, comme le OnePlus 12, ne donnent pas de chiffre : la marque ne produit pas de rapports environnementaux pour ses produits. Tous les fabricants utilisent les mêmes normes pour calculer les empreintes carbone : les ISO 14040, ISO 14044 et ISO 14067, que ce soit pour le Fairphone 5, le Pixel 8, le Xiaomi 14 ou encore le Honor Magic 6 Pro. Elles sont relatives à l’empreinte carbone des produits durant leur vie (de la fabrication au recyclage).

Pour rappel, un iPhone 16 de base émet 56 kg de CO2eq. Parmi les modèles alternatifs, il y a le Honor Magic 6 Pro et le Google Pixel 8 qui émettent davantage. Toutefois, le Galaxy S24, le Xiaomi 14 et le Fairphone 5 émettent moins de CO2eq. À gamme équivalente, par rapport à des smartphones Android, l’iPhone peut émettre davantage de gaz à effets de serre que d’autres, ou en émettre moins.

Pourquoi l’iPhone ne pollue pas plus que les autres

Apple intègre l’argument écologique dans la promotion de ses iPhone depuis quelques années. Dernier exemple en date : les iPhone 16. Sur son site, Apple se targue d’avoir des data centers alimentés à 100 % avec de l’énergie renouvelable, des emballages d’iPhone composés à 100 % de fibres, du lithium à 95 % recyclé dans la cathode de la batterie, de l’or 100 % recyclé dans le connecteur USB-C et les câbles des caméras ainsi qu’une feuille de cuivre entièrement recyclée dans le chargeur MagSafe. Des efforts qui, certes, restent minimes face à l’empreinte carbone et aux métaux rares requis pour fabriquer d’autres composants.

iPhone 16 Plus  // Source : Alfred Tertrais / Numerama
iPhone 16 Plus // Source : Alfred Tertrais / Numerama

Autre point de vue à prendre en compte : la durée de vie. Depuis toujours, les iPhone sont connus pour leur « longévité ». Tout d’abord, en termes de suivi logiciel : que ce soit du point de vue de la sécurité ou des fonctionnalités, les iPhone sont mis à jour régulièrement durant plusieurs années. Par exemple, iOS 18 est compatible avec les iPhone XR, iPhone XS et iPhone XS Max, sortis en 2018, soit il y a plus de six ans. Aujourd’hui, seuls Fairphone, Samsung et Google font autant. Puisque ce sont des modèles haut de gamme, les iPhone durent plus longtemps : on peut les conserver cinq ans, voire plus en remplaçant la batterie. Un argument aussi valable pour les autres smartphones Android haut de gamme.

Sur son site, Apple met en avant ses chiffres de réduction des émissions de GES // Source : Numerama
Sur son site, Apple met en avant ses chiffres de réduction des émissions de GES // Source : Numerama

Apple souhaite atteindre la neutralité carbone d’ici 2030. Fabriquer des produits neutres en carbone est physiquement impossible, mais l’entreprise a une méthode : la compensation carbone. Depuis quelques années, elle achète des « crédits carbone », qui financent des projets écologiques permettant de capturer du CO2 dans l’atmosphère. Une méthode loin d’être efficace et qui demande de vérifier si les programmes de captation sont bien effectués. Les partenaires d’Apple ont d’ailleurs été vivement critiqués sur ce point. Des enquêtes ont montré que la norme Verra n’était pas tout à fait respectée.

Un jour, Apple vendra des iPhone « neutres en carbone ». Pas au sein de l’Union européenne qui interdira cet argument marketing, mais très probablement dans le reste du monde. Pour le moment, le constructeur le fait avec ses Apple Watch et son tout dernier Mac mini.

Apple a la puissance d’être plus écologique

En termes de ventes de smartphones, Apple domine le marché aux côtés de Samsung. Avec des dizaines de millions d’iPhone vendus chaque année, Apple est l’un des plus grands industriels du monde. Qui dit industrie, dit optimisation : Apple sait fabriquer en masse, de manière optimisée et donc à moindre frais pour chaque unité. Ses usines font tout pour économiser des matériaux et de l’énergie. Ces économies multipliées par tous les appareils fabriqués par Apple en font descendre l’empreinte carbone. Par ailleurs, avec son gigantesque carnet de commandes, Apple peut choisir ses fournisseurs et sous-traitants : il a le pouvoir de faire pression sur eux en matière d’émissions de GES.

La marque « Carbon Neutral » d'Apple // Source : Apple
La marque « Carbon Neutral » d’Apple

Avec sa valorisation à 3 470 milliards de dollars et ses 96 milliards de bénéfices en 2023, Apple est l’une des entreprises privées les plus puissantes du monde. Elle peut tailler dans sa marge pour l’écologie et c’est ce qu’elle fait. Parmi les rapports environnementaux que nous avons pu consulter, ceux d’Apple étaient parmi les plus précis, chiffrés et concrets. Mis à part Fairphone dont l’écologie est le fer de lance, très peu de constructeurs rivalisent aujourd’hui avec Apple en matière d’écologie. Avec son image de « luxe accessible » et parfois son image d’entreprise capitalistique maléfique, Apple a tout intérêt à prendre part à l’effort écologiste. Avoir un iPhone ne sera jamais écolo, loin de là, mais quitte à avoir un smartphone, l’iPhone n’est pas le pire choix que l’on peut faire.

Source : Numerama

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