Une canicule extrême s’est abattue sur la France fin juin 2025. Lors des canicules ou des vagues de chaleur, on sait que la chaleur peut être difficile à supporter pour l’organisme. Pour être plus cash et poser les termes : la chaleur tue et en particulier les personnes les plus fragiles — plus de 15 000 en 2003, plus de 3 500 en 2024.
Dans certaines configurations, un bon ventilateur bien dirigé peut suffire à soulager : il ne refroidira que marginalement la pièce, mais vous apportera un peu d’air frais de manière directionnelle.
Mais quand on a épuisé toutes les solutions improvisées, la climatisation est le meilleur moyen de limiter la sensation de chaleur dans des espaces clos (à la maison, au bureau, en voiture). Les climatologues estiment que la température pourrait monter de 2 à 6 degrés C à la fin du siècle, par comparaison avec la période préindustrielle. Dès lors, la question de la survie dans les espaces clos, aussi bien que celle du confort individuel, vont se poser de plus en plus et la climatisation des lieux va devenir, comme le chauffage en hiver, un sujet de discussion prioritaire.
Ce qui relève du privé sera aussi un débat pour le public : écoles, hôpitaux, maternités, maisons de retraites et tous les lieux public accueillant des personnes fragiles devront se poser la question et agir vite.
Pour garder la tête froide et questionner les idées reçues, encore faut-il avoir des informations à jour sur la climatisation.

Comment fonctionne un climatiseur ?
Bien qu’il existe une grande variété de climatiseurs, leur principe est toujours le même : produire de l’air frais — jusqu’ici, rien de compliqué — en prélevant la chaleur qui se trouve dans le lieu à rafraîchir. Un climatiseur fonctionne comme une pompe à chaleur air-air : il extrait la chaleur d’un endroit pour la rejeter ailleurs, comme dans un réfrigérateur.
Pour faire cela, le climatiseur a besoin d’un liquide frigorigène, c’est-à-dire d’ « un fluide qui permet la mise en œuvre d’un cycle frigorifique », nous explique Wikipédia. À l’intérieur du climatiseur, le fluide frigorifique change d’état, afin de dégager ou récupérer la chaleur latente aux endroits souhaités.
À l’intérieur d’un climatiseur, on trouve également un compresseur : il donne « l’énergie mécanique » dont le fluide frigorigène a besoin pour changer d’état. Il contribue à augmenter la pression et la température de ce fluide.
Cet appareil renferme également un condenseur : comme son nom l’indique, il est l’endroit où le fluide se condense — il passe de l’état gazeux à un état liquide. Lors de cette condensation, le gaz cède son énergie et sa chaleur au milieu destiné à être chauffé.

Un réducteur de pression, parfois présenté à tort comme un détendeur, sert à abaisser la température et la pression nécessaires pour que le liquide passe de l’état liquide à gazeux rapidement.
Enfin, un échangeur évaporateur assure l’évacuation du fluide : lors de sa transmission à l’air, il assure le refroidissement désiré. Après le passage dans cet évaporateur, le cycle peut reprendre : le fluide frigorigène revient vers le compresseur pour recommencer un nouveau cycle frigorifique.
Ce que l’on oublie souvent, c’est que les climatiseurs modernes ne servent pas qu’en été : en hiver, ils deviennent des pompes à chaleur inversées et permettent de chauffer les espaces. En prime, ils le font de manière bien plus efficace qu’un radiateur et n’utilisent pas, en France, d’énergie polluante comme le fioul ou le gaz. Et c’est important à prendre en compte !
Pourquoi pense-t-on qu’un climatiseur pollue ?
Grosso-modo, on peut citer trois sources de « pollution » liées à la climatisation qui reviennent dans les débats : la consommation énergétique, le rejet de chaleur et la fuite du fluide frigorigène.
L’énergie décarbonée à la base d’un usage responsable de la climatisation
La première source de pollution d’un climatiseur vient de l’énergie qu’il consomme. Dès lors, ce n’est pas la même chose de climatiser (ou de chauffer) en Allemagne, où l’énergie électrique est très carbonée et en France, où le mix électrique est extrêmement peu carboné.
Avec notre production basée sur le nucléaire et les énergies renouvelables, la France peut-être un El Dorado des usages liées à l’électricité, qu’il s’agisse de déplacement (train, voiture électrique), d’industrie, d’informatique (data centers) ou de gestion de la température. En plus, en été, le réseau électrique français est très loin d’être en tension : nous avons de l’électricité décarbonée disponible, prête à être utilisée. Le parc de panneaux solaires tourne à plein régime pile quand on en a besoin pour climatiser. C’est plutôt l’hiver, avec le chauffage, que le réseau est en tension — pourtant, cela ne viendrait à l’esprit de personne de remettre en question le droit de chauffer un appartement ou une école primaire.
Oui, la climatisation rejette de la chaleur
Impossible de nier le fonctionnement même de la climatisation qui n’échappe pas à la thermodynamique : elle rejette localement de la chaleur à l’extérieur pour refroidir l’intérieur.
« L’une des conséquences des îlots de chaleur urbains en été est une utilisation accrue de la climatisation dans les zones urbanisées, qui, en refroidissant l’intérieur des bâtiments, libère de la chaleur résiduelle dans l’atmosphère », notent les auteurs dans le résumé d’une étude parue en 2012. Mais ces rejets de chaleur au niveau de la rue sont à remettre dans le contexte des îlots de chaleur urbains, qui surchauffent les villes quoi qu’il arrive, climatisation ou non.
Dans un article du CNRS, Valéry Masson, directeur de l’équipe de recherche sur le climat en ville au Centre national de recherches météorologiques, donne des ordres de grandeur : « Le chauffage et l’air chaud relâché par les climatisations jouent un rôle supplémentaire, mais plus faible. Le soleil de midi émet 800 watts par mètre carré, la moitié de cette énergie est stockée, puis libérée, par des surfaces telles que le béton. En comparaison, les émissions humaines correspondent à quelques dizaines de watts par mètre carré », peut-on lire.
Dès lors, à l’échelle d’une ville prise dans un îlot de chaleur, l’impact des rejets locaux liés à la climatisation sur la température est faible. Végétaliser la ville pour baisser la température globale extérieure aurait plus d’impact qu’un refus catégorique de la climatisation pour des raisons écologiques.
Reste un problème à résoudre que l’étude de 2012 mettait en évidence : la climatisation rejette localement, dans la rue, du chaud. Quiconque est déjà passé à côté d’une voiture ou d’un bus par 35 degrés sait à quel point cela peut être inconfortable, voire dangereux si c’est prolongé. Pour cela, des solutions existent en ville : comme l’air chaud monte, il est essentiel de placer les moteurs extérieurs des climatiseurs en hauteur et non au rez-de-chaussée des bâtiments. Les immeubles les mieux équipés ont d’ailleurs des moteurs communs sur le toit, limitant ainsi l’impact du rejet de chaleur au maximum : personne ne risque de croiser ce flux d’air.
Il semble donc nécessaire d’avoir un encadrement public qui ne rejette pas la climatisation par principe, mais qui encadre son installation. Une bonne planification urbaine permettrait d’installer des climatiseurs en minimisant l’impact dans la rue — qu’il soit calorifère ou esthétique, les rangées de moteurs n’étant jamais très élégants.
Le problème des réfrigérants
Enfin, le gaz réfrigérant peut être une source de pollution… si la climatisation fuit ! Dans une utilisation normale, aux normes, les gaz tournent en circuit fermé parfaitement hermétique et ne s’échappent pas. C’est pour cela que les pompes à chaleur doivent être révisées tous les ans. Bien entretenues, il n’y a aucune raison qu’elles les libèrent dans l’atmosphère.
Dans un rapport très précis proposé par l’État du Maine, aux États-Unis, il a été montré que seuls 2 % des climatiseurs des particuliers fuyaient plus ou moins (certains peu, d’autres complètement) — ce qui donne en moyenne seulement 1 % de fuite. On est très loin d’un scénario catastrophe et, comme tout objet technique, la climatisation a bien évolué depuis sa démocratisation.
En clair, si les climatiseurs sont bien entretenus, les fuites sont rares, mais lorsqu’elles se produisent, elles peuvent avoir un impact climatique disproportionné à cause du fort potentiel de réchauffement global des HFC. Ne zappez pas l’entretien !
Un climatiseur coûte cher à utiliser : vrai ou faux ?
L’autre question qui revient souvent, c’est celle du coût d’utilisation d’un climatiseur. Émissions de télévisions bâclées et mauvais calculs nous ont mis dans la tête que climatiser était extrêmement coûteux. Récemment, un JT de M6 l’a estimé à 60 € par jour, sans réfléchir à l’absurdité d’une telle somme, d’autant qu’elle englobait également les ventilateurs.
L’erreur essentielle vient de la confusion entre la consommation et la puissance thermique de la pompe à chaleur. Lorsqu’une PAC réversible est donnée pour « 5 kW », on parle de sa puissance thermique, c’est-à-dire sa capacité à produire de la chaleur ou du froid selon le mode utilisé. La consommation électrique réelle de la PAC sera bien inférieure à cette puissance thermique, grâce à son rendement élevé (exprimé par le COP, coefficient de performance). Par exemple, si une PAC a un COP de 4, cela signifie qu’elle consomme 1 kWh d’électricité pour produire 4 kWh de chaleur. Il est donc complètement absurde de prendre la donnée de restitution de la chaleur ou du froid et de la multiplier par le nombre d’heures d’usage pour trouver la consommation d’une pompe à chaleur.
Le coût d’utilisation de la climatisation est dépendant de tas de paramètres : l’abonnement à l’énergie choisi, la surface couverte, le type de climatiseur installé, la température souhaitée, etc. L’exemple ne fait pas loi, mais dans un logement de 60 mètres carrés double vitré, en plein mois de juin avec des températures entre 30 et 36 degrés à l’extérieur et une température demandée entre 25 et 26 degrés à l’intérieur, Numerama a mesuré un surcoût de 1,30 € à 2 € par jour, soit une quarantaine d’euros par mois.

C’est une somme qui n’est pas neutre, mais qui est bien plus faible qu’un chauffage en hiver. D’ailleurs, c’est tout l’impensé de la climatisation en France : en moyenne, elle peut faire baisser les coûts liés à la température, puisqu’elle est bien plus efficace qu’un radiateur quand elle est utilisée l’hiver pour chauffer. Miser sur une pompe à chaleur en France pour se chauffer l’hiver et se refroidir l’été est dans bien des cas une source d’économie et de transition énergétique nettement positive, dans un pays où le chauffage au gaz ou au fioul n’a pas disparu.
Dans les pays du Nord de l’Europe, non sujets aux canicules, le passage massif aux pompes à chaleur pour le chauffage a eu un impact environnemental positif sur le bilan carbone du bâti : 72 % d’émissions de CO2 en moins en Finlande, 83 % en Norvège et 95 % en Suède. Et quand on s’équipe en pompe à chaleur, il faut se souvenir que la moyenne d’utilisation de la climatisation en France est de 40 jours par an, contre 180 pour le chauffage entre octobre et avril.
Peut-on se passer de climatisation ?
Quand on sait tout cela et qu’on s’est aussi débarrassés de la croyance que la climatisation donne des virus, la question finale est peut-être la suivante : a-t-on besoin de climatisation ? Tout va dépendre de la situation de chacune et chacun. Personnes âgées, malades, enfants en bas âge, télétravailleurs et télétravailleuses ont de nombreuses raisons de penser sérieusement à rafraîchir leur intérieur en cas de coup de chaud.
Pour les autres, si le gros de la journée se passe dans un bureau climatisé, alors les heures de la soirée passées chez soi ne méritent peut-être pas d’investir. Un bon ventilateur peut suffire. D’autant que la facture peut être salée : un petit climatiseur mobile qui chauffe en hiver coûte quelques centaines d’euros ; une PAC gainable installée dans un faux plafond ou des combles dépasse souvent la dizaine de milliers d’euros. Les configurations impliquant des splits sont, côté tarif, au milieu de ces deux extrêmes. Notez enfin que plus la climatisation est intégrée, moins elle consomme et subit de déperdition énergétique.
Pour les lieux publics, c’est une autre histoire : en France, on préfère encore les fermer par temps de canicule plutôt que les climatiser, imposant un chômage aux employés et la nécessité pour les parents d’enfants scolarisés de trouver un mode de garde dans l’urgence. Mais même à l’extrême gauche de l’échiquier politique, idéologiquement décroissant, le déploiement de la climatisation dans les lieux prioritaires ne fait plus aucun doute.
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