Nouvelle console aux caractéristiques très particulières, quelle expérience la Switch offre-t-elle aux studios qui se lancent dans le développement de leur jeu ? Nous avons interrogé les principaux intéressés.

La Wii U hante encore les cauchemars des développeurs, traumatisés par le calvaire subi pour concevoir des titres sur la console de Nintendo. L’ombre de ce lourd héritage planait logiquement sur la Switch avant son arrivée.

La faible et tardive communication de Nintendo à propos des spécificités techniques de sa dernière console n’a pas été non plus des plus rassurantes, et l’on commençait très sérieusement à se demander ce que pourrait donner le développement de nouveaux titres sur la Switch.

La firme japonaise semble toutefois s’ouvrir davantage aux éditeurs tiers et aux studios indépendants :  le 28 février dernier, elle annonçait notamment une collaboration avec une trentaine d’indés pour préparer la sortie de leur titre dans les mois à venir. Nous avons donc interrogé les premiers concernés : les développeurs qui planchent sur des titres Switch en projet.

Nous nous sommes notamment intéressés aux enjeux de développement pour une console qui se veut modulable à l’envi, soumise au besoin de répondre à un large panel d’usage de joueurs. Une caractéristique qui ne peut être ignorée puisque la Switch possède un écran détachable, que l’on peut utiliser en guise de tablette ou de mini-TV, avec la possibilité également de joindre les Joy-Con pour assembler sa manette ou de conserver chaque partie dans une main.

La Switch, plus accessible que la Wii U

Nous sommes partis à la rencontre de Jérémy Zeler-Maury, directeur des studios Midgar dont le travail consiste, entre autre, à réaliser le portage sur Switch du jeu Splasher et de Hover : Revolt of Gamers. Jérémy nous explique d’abord les différences entre PC et console :  « Quand on travaille sur console, généralement on programme de la même manière que sur PC. Ce qui change, ce sont les outils qu’on va utiliser pour ‘compiler’ notre jeu, et les outils qu’on va utiliser pour l’envoyer sur la console. Le langage de programmation supporté est souvent le C++, qui est le standard de nos jours. On peut également programmer en C# via des moteurs de jeu comme Unity. Le moteur se charge de transformer en code natif. »

La Wii U était une console terrifiante niveau développement

La Switch a pour premier bon point d’être compatible avec les moteurs comme Unity et Unreal Engine. Un soulagement quand on sait qu’une grande partie des jeux développés sur PC recourent au même moteur. Si le travail de portage sur console reste une activité contraignante due à l’exigence de l’architecture des machines, elle en demeure toutefois grandement facilitée par une homogénéisation des outils.

« La Wii U était une console terrifiante niveau développement, confie Jérémy Zeler-Maury, mais pour la Switch, Nintendo a heureusement choisi de faire des outils simples et visuels qui marchent bien et qui sont à la portée de tous les développeurs de jeu. »
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Des caractéristiques ergonomiques simples et efficaces

Côté matériel, nous avons voulu connaître les enjeux de développement pour une console hybride dont l’ambition est de s’adapter à de nombreux usages, que ce soit dans le salon sur la TV, chez des amis ou en mobilité.

Là aussi, les développeurs semblent être conquis par l’initiative de Nintendo et la volonté de faire de la Switch une console facilement abordable pour tout créateur de jeu, ou pour un simple portage de jeu existant. « Splasher et Hover ont été designés avant l’arrivée de la Switch, précise Jérémy Zeler-Maury, ainsi ils ne sont pas faits pour exploiter les spécificités de la console du côté des contrôles, mais le portage reste très soigné. Tous les modes de base sont supportés (Joy-Con détachés, Console en mode portable, sur le support et avec une manette pro), »

Pour Aurélien Regard, créateur de The Next Penelope et prochainement d’Away, la Switch est plus que convaincante : « Le sentiment général autour de moi, chez les autres copains devs, c’est que tout est sur la bonne voie ce coup-ci. Pas de ratio d’écran compliqué, une puissance largement suffisante pour faire de chouettes jeux, une interface utilisateurs rapide qui pour la première fois donne envie d’explorer le store… »

Il poursuit : « Le seul détail technique à prendre en compte, c’est la différence de puissance entre le mode salon et le mode portable, mais ça reste plus simple à gérer que deux écrans par exemple. Surtout pour des gens qui font déjà des réglages ‘high/medium/low’ sur leurs versions PC. »

La Switch, la meilleure console portable ?

Concernant les performances, Nintendo semble laisser la course à la plus grosse pour Microsoft et Sony et s’oriente visiblement vers des usages nomades voire mobiles. Une idée partagée par Daniel Borges, programmeur au studio Manufacture 43, dont le shmup Pawarumi est en préparation, notamment sur la Switch.

« La Nintendo Switch délivre totalement sa promesse de console hybride, déclare-t-il, on y retrouve tous les avantages des consoles de salon, des consoles portables mais aussi toutes les nouveautés qui sont apparues ces dernières années sur téléphones mobiles, tout en conservant l’ADN des consoles made in Nintendo. Ainsi, là ou les dernières consoles portables de Nintendo et Sony se prenaient une concurrence forte et frontale avec les smartphones, la Switch se libère de cette difficulté et lui promet un bel avenir. »

Aujourd’hui, beaucoup de développeurs sont effrayés par les processus pour développer sur console

L’approche de Nintendo pour la Switch, très similaire au développement smartphone, possède le potentiel de constituer un nouvel attrait pour les développeurs indépendants, qui semblait anxieuse à l’idée de se lancer dans l’aventure. Ici, la firme propose un kit techniquement accessible au plus grand nombre, à un prix abordable, avec la possibilité de créer des projets avec une philosophie mobile.

« Aujourd’hui,beaucoup de développeurs sont effrayés par les processus pour développer sur console, explique Jérémy Zeler-Maury, mais je pense que Nintendo a fait un très bon travail pour rendre ça accessible, tout en étant loin des marchés saturés comme Steam ou l’Apple Store/Google Play. »

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Daniel Borges termine son analyse par une anecdote qui semble corroborer la stratégie de Nintendo avec sa nouvelle console : « Charles Vernier [artiste 3D à Manufacture 43, ndlr] est récemment retombé par hasard sur une vieille interview de Shigeru Miyamoto à l’occasion de la sortie de la Gameboy Color. Il y raconte déjà à l’époque que la seule machine concurrente lui faisant réellement peur est le mobile ! Ils ont manifestement enfin trouvé une solution au problème. »


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