AlgoTransparency est une initiative open source qui vise à mesurer la surreprésentation de certains candidats à la présidentielle sur YouTube. À l’heure où de nombreux votants préfèrent les chaînes des candidats aux messes télévisées, cette question a toute son importance.

Le temps de parole surveillé par le CSA régule les débats télévisés autant que les sujets de fond, notamment à cause des petits candidats comme les appellent les grands médias. Mais à l’heure de YouTube, nous pouvons autant interroger la notion de petits candidats que de grands médias.

Comme le note très justement l’organisation AlgoTransparency28 millions de concitoyens consomment chaque mois des contenus sur YouTube. Un chiffre qui permet de relativiser la toute puissance du poste de télé dans notre rapport à l’information, notamment politique.

D’autant qu’en France, le YouTube Game comme l’appellent les vidéastes est très politisé. Le service de Google sert à retrouver des émissions déjà diffusées, mais également à accéder à des contenus inédits comme des meetings, des événements et surtout des formats exclusifs comme ceux développés par la France Insoumise (FI), En Marche ! ou encore le Front national.

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CC Masaki Tokutomi

YouTube n’est pas tenu de respecter le temps de parole, et pourtant…

Or il faudrait être aussi aveugle à ces mutations que le CSA pour ne pas y déceler des enjeux pour l’équité du temps de parole. Surtout lorsque la gestion des recommandations de YouTube est opaque et se moque tout à fait des règles françaises concernant la parole politique.

Pour des raisons d’abord commerciales, l’algorithme de la plateforme met en avant des vidéos politiques plutôt que d’autres mais ne se justifie nullement de ses choix éditoriaux. Des choix qui peuvent pourtant avoir des conséquences puissantes sur la visibilité d’un candidat à l’élection présidentielle. D’où le besoin pour AlgoTransparency d’élaborer une méthodologie permettant de voir quels candidats sont avantagés par Google — sciemment ou non — et lesquels souffrent d’un défaut de visibilité à cause d’un algorithme bien mystérieux.

Selon l’organisation, YouTube favoriserait très largement Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et François Asselineau. Un constat qui surprendra ceux qui estiment qu’il y des petits et des grands candidats.

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Pour réaliser leur étude, les bénévoles ont construit un programme (open source) qui permet de simuler un utilisateur lambda qui chercherait seulement le nom d’un candidat sur la plateforme. Ensuite, le robot va compiler et retenir les 20 propositions faites par YouTube.

L’étude, commencée le 27 mars et terminée ce 10 avril, se compose de données récoltées chaque jour. En effet, le robot a traité durant ce laps de temps une requête par jour et par candidat pour ensuite s’intéresser aux propositions de YouTube.

Des choix incompréhensibles !

Ces propositions pourraient paraître comme sans importance, mais leur visibilité entraîne mécaniquement une plus forte demande de ces contenus. Ainsi, YouTube va en quelque sorte vous guider, voire vous forcer la main, à regarder ses propositions. Or lorsque Jean-Luc Mélenchon est recommandé par le site de Google dans 22,9 % des requêtes et que Nathalie Arthaud, elle, ne l’est que dans moins de 1 % des requêtes, il y a comme un problème…

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Par ailleurs, le trio de tête (Mélenchon, Le Pen, Asselineau) apparaît dans 60 % des requêtes, qu’importe le candidat recherché. L’organisation promouvant un algorithme transparent pour la plateforme vidéo explique : « L’algorithme de YouTube recommande des vidéos comprenant le nom “Asselineau” deux fois plus que celles comprenant “Poutou” et plus de deux fois plus que celles comprenant “Hamon”, tandis que les intentions de vote respectives de ces candidats varient inversement. »

Plus étonnant encore, pour la requête Emmanuel Macron, la seconde vidéo la plus recommandée par l’algorithme est Pourquoi vais-je voter Asselineau ?  Selon les chiffres d’AlgoTransparency, cette vidéo est 10,4 fois plus suggérée par YouTube que la moyenne de tous les contenus suggérés pour cette requête alors même qu’elle n’a que très peu de vues (moins de 2 000 à l’heure où sont écrites ces lignes).

Pour suivre chaque jour l’évolution des favoritismes algorithmiques de YouTube durant la présidentielle, l’association Data For Good réalise au quotidien une visualisation claire des fameuses recommandations sur le site d’AlgoTransparency. À défaut de réveiller les pouvoirs publics sur la question de l’équité du temps de parole au XXIe, AlgoTransparency tente au moins de réveiller les citoyens.  


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