Une étude surprenante vient de paraitre en cette fin novembre 2025 dans la revue Nature. Elle révèle l’origine d’un pied humain, étudié depuis plus de 15 ans et datant d’il y a 3,4 millions d’années, soit plus vieux, ou au minimum contemporain, de l’australopithèque Lucy elle-même.

C’est une histoire qui s’étend sur plus de 15 ans : l’histoire d’un pied qui a traversé les âges pour révéler des informations surprenantes venant du passé.

Découverts initialement en 2009, les os de ce pied humain datant d’il y a plusieurs millions d’années viennent d’être rattachés à une espèce d’hominidés un peu plus vieille, ou au moins contemporaine, à l’australopithèque Lucy. Les résultats de cette recherche, dirigée par un scientifique de l’Université d’État de l’Arizona (ASU), ont été publiés dans la revue Nature le 26 novembre 2025.

Orphelin depuis plus de 15 ans, le fossile a enfin une espèce attitrée

L’histoire commence donc il y a plus de 15 ans, quand des chercheurs découvrent les os d’un pied humain dans des couches archéologiques vieilles de plusieurs millions d’années, dans la vallée de l’Afar en Éthiopie. Ils estiment l’âge des os fossilisés à 3,4 millions d’années, sans pour autant identifier avec certitude l’espèce à laquelle ils appartiennent.

À l’annonce de sa découverte en 2012 dans un article de Nature, ce pied sera gratifié d’un nom : le pied de Burtele.

« Lorsque nous avons découvert le pied en 2009 et l’avons annoncé en 2012, nous savions qu’il était différent de l’espèce de Lucy, Australopithecus afarensis, largement connue depuis cette époque », raconte Yohannes Haile-Selassie, professeur à l’ASU, dans un communiqué de l’Université en question.

« Cependant, il n’est pas courant dans notre domaine de nommer une espèce en se basant sur des éléments post-crâniens — c’est-à-dire des éléments situés sous le cou », ajoute-t-il. Avant de continuer : « Nous espérions donc trouver un élément situé au-dessus du cou, en lien évident avec le pied. Le crâne, les mâchoires et les dents sont généralement les éléments utilisés pour identifier une espèce. »

Le professeur Yohannes Haile-Selassie et son équipe lors d'une opération de fouilles suite à la découverte d'un hominidé à Woranso-Mille // Source :  Dale Omori
Le professeur Yohannes Haile-Selassie et son équipe lors d’une opération de fouilles à la suite de la découverte d’un hominidé à Woranso-Mille. // Source : Dale Omori

Des dents avaient pourtant aussi été découvertes dans la même zone. Toutefois, les chercheurs n’étaient pas certains qu’elles appartenaient à la même couche archéologique, et donc à la même période.

2015. La découverte d’Australopithecus deyiremeda, une nouvelle espèce, est annoncée. Elle a été révélée dans la même zone que le mystérieux pied de Burtele mais, à leur grand dam, les scientifiques n’ont pas pu l’associer avec certitude à cette nouvelle espèce.

2025. Ce n’est qu’aujourd’hui, 10 ans après cette première annonce, qu’enfin le pied fossilisé orphelin a pu rejoindre l’espèce Australopithecus deyiremeda.

Les informations détenues dans les os d’un pied

Le site archéologique où les os du pied de Burtele ont été retrouvés est un site extrêmement important où ont été détectées, à la même période, la présence de deux espèces d’hominidés.

« Le pied de Burtele, appartenant à l’espèce A. deyiremeda, est plus primitif que celui de l’espèce de Lucy, A. afarensis », explique le communiqué.

A. deyiremeda avait un gros orteil opposable, c’est-à-dire pouvant être mis en opposition aux autres doigts, pulpe contre pulpe (comme notre pouce). Ce gros orteil était indispensable pour l’escalade, tout comme le fait que les orteils de ces hominidés étaient plus longs et plus flexibles.

Le pied de Burtele et ses éléments en position anatomique. // Source : Yohannes Haile-Selassie/ASU
Le pied de Burtele et ses éléments en position anatomique. // Source : Yohannes Haile-Selassie/ASU

Cette découverte implique que lorsque A. deyiremeda marchait sur ses jambes, son appui se faisait plutôt sur son 2e orteil que sur son gros orteil, contrairement à nous.

« Cela signifie donc que la bipédie — la marche sur deux jambes — chez ces premiers ancêtres humains se manifestait sous diverses formes », décrit Yohannes Haile-Selassie. « La découverte de spécimens comme le pied de Burtele indique qu’il existait de nombreuses façons de marcher sur deux jambes au sol ; il n’y en avait pas une seule avant une période plus tardive. »

Des informations coincées jusque dans les dents

En recueillant des échantillons provenant des dents, les chercheurs se sont rendu compte que, bien qu’A. deyiremeda ait côtoyé A. afarensis, leur régime alimentaire était différent.

« Je crois que la plus grande surprise a été que, malgré notre prise de conscience croissante de la diversité de ces premières espèces d’australopithèques (premiers hominines) — en termes de taille, de régime alimentaire, de modes de locomotion et d’anatomie —, ces premiers australopithèques semblent remarquablement similaires dans leur manière de grandir », explique Gary Schwartz, l’un des auteurs de l’étude.

Fragments d'un os d'un spécimen juvénile avant assemblage. L'échantillon a été découvert en 29 morceaux, dont 27 ont été récupérés par tamisage et tri de la terre tamisée. // Source : Yohannes Haile-Selassie/ASU
Fragments de BRT-VP-2/135 avant assemblage. L’échantillon a été découvert en 29 morceaux, dont 27 ont été récupérés par tamisage et tri de la terre tamisée. // Source : Yohannes Haile-Selassie/ASU

Étudier la manière de se déplacer et de manger de ces deux espèces permet aux scientifiques de comprendre comment elles ont coexisté sans se pousser l’une et l’autre à l’extinction.

« Toutes nos recherches visant à comprendre les écosystèmes passés, datant de millions d’années, ne relèvent pas uniquement de la curiosité ou de la volonté de déterminer nos origines », souligne le professeur Haile-Selassie. Avant de conclure : « Elles témoignent également de notre désir d’en apprendre davantage sur notre présent et notre avenir. »

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