Attendez-vous à des débats brûlants : la vidéosurveillance algorithmique est de retour. Autorisée de manière exceptionnelle du 19 mai 2023 au 31 mars 2025 dans le cadre de la loi Jeux olympiques, elle pourrait, si les politiques parviennent à faire voter une nouvelle loi, devenir courante pour sécuriser les lieux publics comme les transports en commun. C’est en tout cas la volonté de la région Île-de-France, de sa présidente Valérie Pécresse, d’Île-de-France Mobilités et de la SNCF, qui ont présenté une version évoluée de la technologie, basée sur un modèle de langage vidéo (VLM), à l’occasion de la journée de mobilisation contre les violences faites aux femmes dans les transports le 9 décembre 2025.
Pour accélérer le débat, la région Île-de-France dévoile les résultats d’un sondage IPSOS réalisé sur une partie de la population francilienne. Les chiffres sont clairs : 89 % des femmes seraient favorables à l’installation d’une IA capable d’analyser les flux des caméras en temps réel, 88 % de la population générale aussi. Seuls 3 % des gens se qualifieraient comme opposés, ce qui incite la région à vouloir accélérer.
« Trouve quelqu’un en train d’arracher un sac » : la vidéosurveillance à l’heure de l’IA générative
Contrairement à la reconnaissance faciale, qui est strictement bannie en France, la reconnaissance algorithmique n’identifie pas les individus en temps réel. Elle ne collecte d’ailleurs pas d’informations sur des attributs physiques comme la couleur de peau, mais peut servir à identifier quelqu’un en fonction de sa taille ou de ses vêtements.
Concrètement, la reconnaissance algorithmique consiste à « connecter » les caméras déjà installées dans l’espace public à un « cerveau ». Une intelligence artificielle traite tous les flux en permanence, ce qui dispense des humains d’être devant des écrans où rien ne se passe.


À chaque fois qu’un événement se passe : la caméra alerte un opérateur humain à proximité pour lui faire consulter les images. Elle permet, selon la région, d’intervenir plus vite et de remonter plus vite à la source d’une image. Un système de prompt permet d’interroger le logiciel avec des questions comme « est-ce que cette personne a été victime d’une agression ? », « trouve quelqu’un en train de courir » ou « personne qui a tenté d’arracher un sac ». Le logiciel peut, normalement, retrouver la scène en quelques secondes.

« On est dans une situation assez paradoxale puisque l’IA se développe partout, absolument partout, dans des usages personnels qui sont très performants, et on s’interdit de l’utiliser là où elle pourrait être extrêmement utile et dans un environnement très cadré », indique Hélène Brisset, la directrice du numérique d’Île-de-France Mobilités. Les pouvoirs publics déplorent une situation où les caméras filment la plupart des incivilités, mais où il est souvent trop tard. La reconnaissance algorithmique, aujourd’hui interdite, vise à régler ce problème.
« Il n’y a plus un fabricant européen de caméras, de hardware, mais on a un savoir-faire logiciel », met de son côté en avant Matthias Houllier, responsable de l’entreprise Wintics qui développe l’intelligence artificielle testée actuellement par la région Île-de-France.

Pour être adoptée, une telle technologie devrait être soumise à un long débat parlementaire, qui pourrait ne pas se concrétiser avant la prochaine élection présidentielle. Des propositions de loi sont déjà déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat : reste à savoir quelle forme prendra le projet une fois discuté et modifié.
La vidéosurveillance algorithmique risque d’inquiéter les défenseurs de la vie privée : elle offre un outil puissant aux autorités pour traquer un individu avec beaucoup moins d’effort. La Cnil avait déjà alerté sur son utilisation en 2024, en citant notamment « un risque accentué de surveillance généralisée ». Valérie Pécresse, de son côté, indique ne pas voir de problème : « je ne vois pas quelle liberté ça peut enfreindre à part celle du prédateur », indique la présidente de la région Île-de-France.
Des résultats mitigés pendant les JO, qui s’expliquent par une utilisation mal ciblée selon la région
En attendant une éventuelle adoption, que disent les chiffres sur l’utilisation de la reconnaissance algorithmique pendant les Jeux olympiques de Paris 2024 ? Les chiffres ne vont pas forcément dans le sens des autorités : sur toute la période d’expérimentation, le dispositif n’a conduit qu’à 7 interventions réelles (principalement pour des intrusions dans les tunnels ou des bagages oubliés). Un chiffre faible par rapport aux 100 signalements quotidiens générés par la machine, qui étaient parfois des « faux positifs ». La détection de colis abandonnés, notamment, s’est révélée difficile à détecter pour l’IA, qui peinait à comprendre les déplacements humains.
Un échec ? Pas pour la région Île-de-France, qui plaide les circonstances atténuantes. Le dispositif humain et policier était tel pendant les JO que les caméras n’avaient, paradoxalement, pas grand chose à identifier. Pour Valérie Pécresse, l’erreur a été de cantonner l’IA aux grands événements plutôt qu’au quotidien des Franciliens. « On va sécuriser les concerts de Beyoncé et les Coupes du monde plutôt que de sécuriser une femme qui va travailler à 5 heures du matin ou une jeune fille qui va au lycée », indique-t-elle. Numerama. La nouvelle version du dispositif, basée sur un VLM, serait entraînée pour détecter les agressions et pas seulement les intrusions. Reste désormais à convaincre les législateurs : la vidéosurveillance algorithmique, au moment de l’écriture de ces lignes, est interdite en France.
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