L’Europe a une étrange fascination (morbide) : prédire régulièrement la mort de Tesla à plus ou moins longue échéance. Mais pourquoi ?

Début 2025, entre les dérives politiques d’Elon Musk et les baisses des ventes de Tesla, il a vite été décrété qu’un véritable boycott de la marque avait débuté. Tout ceci devait signer le début de la fin du constructeur américain. Si certains clients potentiels se sont bien détournés de la marque, Tesla se trouvait surtout dans le creux de la vague à cause du renouvellement de son bestseller, comme en témoignent les chiffres des derniers mois. Néanmoins, à chaque fois que les résultats du constructeur vacillent, le même discours ressurgit inlassablement dans certains médias européens : « Tesla va mourir ».

L’ex-patron de Stellantis, Carlos Tavares, a même abordé le sujet dans sa biographie, ainsi qu’en interview, en indiquant que la marque ne résisterait pas forcément aux dix prochaines années. Ce qui donne du poids à ce propos dans les analyses des médias. Mais alors que la question a été posée hier au nouveau patron de Stellantis, Antonio Filosa, lors de la journée de la filière automobile du 4 novembre, on n’a pas vraiment le même son de cloche.

« Je demanderai à Elon à mon retour aux US »

Parmi les sujets chers à Carlos Tavares, il y a celui du darwinisme automobile qui va pousser de nombreux constructeurs automobiles à disparaître d’ici 10 ans. Il a souvent défendu l’idée qu’environ cinq groupes seulement résisteront (Toyota, Hyundai, BYD…). Quelques années en arrière, il aurait pu croire que Tesla serait l’un d’eux, mais depuis sa vision a évolué. Selon sa biographie, « Tesla Inc. est dans une impasse stratégique » car il ne pourra pas s’allier avec des constructeurs historiques. En revanche, avec Elon Musk à sa tête, l’entreprise a un autre atout dans sa manche : « Quand une histoire tourne au vinaigre, il lui suffit de changer le plan, c’est-à-dire de raconter une autre histoire, comme il l’a fait avec le potentiel de la voiture autonome quand les ventes des Tesla ont commencé à fléchir, loin de la croissance promise de 50 % par an… Cela tiendra-t-il ? Je pense que Tesla finira par être complètement distancé par les constructeurs chinois, et que Musk finira par évoluer vers un autre secteur. »

Alors que l’actuel patron du groupe Stellantis, Antonio Filosa, s’exprimait sur la stratégie du groupe vis-à-vis de 2035, de la réglementation européenne, de la concurrence chinoise ou des robotaxis lors de la journée de conférence de la filière automobile (PFA), il a également été interpellé sur ce que disait son prédécesseur à propos de Tesla et de sa difficulté à survivre aux prochaines années. Rien qu’à l’attitude d’Antonio Filosa sur scène, la surprise n’était pas feinte : « Je demanderai à Elon ce qu’il en pense en rentrant aux États-Unis ». Le nouveau patron du groupe Stellantis, même s’il est né en Italie, est essentiellement basé aux États-Unis pour diriger l’entreprise, avec une vision probablement plus américaine qu’européenne.

Antonio Filosa (patron de Stellantis) lors de la journée de la filière automobile 2025 // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Antonio Filosa (patron de Stellantis) lors de la journée de la filière automobile 2025 // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

Il ne partage pas vraiment l’avis de Carlos Tavares. Au contraire, pour lui, Tesla a été une grande source d’inspiration pour l’industrie : « Ils ont introduit un tout nouveau système de fabrication innovant. Ils ont introduit de très grandes innovations dans le domaine des logiciels et, bien entendu, de très nombreuses choses autour de l’électrification », avant d’ajouter : « Je ne sais pas exactement ce qui attend Tesla dans les dix prochaines années, mais je dirais simplement que l’entreprise est une source d’inspiration pour beaucoup d’entre nous et qu’elle a été à l’origine de nombreuses innovations dans notre secteur. »

Ce désaccord illustre aussi un certain pessimisme très européen. La vision américaine pousse à encourager l’autre à réussir, plus qu’à lui souhaiter d’échouer. Mais pourquoi veut-on absolument imaginer la fin de Tesla ?  

Une mauvaise lecture des chiffres à l’échelle des médias

Ce discours soutenu par Carlos Tavares semble inspirer. Le 4 novembre, La chronique éco de François Lenglet sur RTL était titrée : « Elon Musk a tué Tesla ». La première partie partageait les résultats de l’étude sur la potentielle perte d’un million de ventes, dont nous parlions quelques jours plus tôt sur Numerama. La conclusion de la chronique sur l’avenir de Tesla était sans appel : « Les ventes restent médiocres, c’est dû au fait que la gamme est très pauvre, avec les mêmes modèles reliftés depuis 15 ans », avant d’ajouter : « il est tout à fait vraisemblable que la marque soit morte, tant que Musk est à sa tête ». Parlant de la bascule vers les robotaxis et l’IA, le chroniqueur affirme : « la division auto sera vendue un jour ou l’autre ».

D’autres médias reviennent également, ces derniers jours, sur un mauvais mois d’octobre pour Tesla à l’échelle de l’Union européenne pour sonner le glas de la marque. Tout ceci est certes un coup dur pour la marque qui doit composer avec un marché bien plus concurrentiel, mais de là à prédire la mort du constructeur, c’est évidemment exagéré.

Le Tesla Model Y roule en totale autonomie avec le FSD à la Gigafactory de Berlin // Source : Tesla AI
Le Tesla Model Y sortant en conduite autonome de la Gigafactory de Berlin // Source : Tesla AI

Il convient de rappeler que les ventes Tesla fonctionnent sur un cycle de 3 mois : le dernier mois du trimestre est un sprint de livraisons où Tesla a tendance à dominer le marché de l’électrique (et pas seulement), le mois suivant encaisse un creux, et le deuxième mois relance la machine pour le dernier mois. Ainsi, septembre a été un bon mois en Europe pour Tesla : le Model Y est devenu le modèle le plus vendu toutes motorisations confondues — pas si mal pour une boîte mourante.

Rappelons tout de même qu’au plus fort de l’activité Tesla, en 2023, l’Europe représentait approximativement 20 % du volume des ventes de Tesla. Un chiffre en baisse en 2025, mais il n’y a pas vraiment de quoi faire péricliter l’entreprise tant que la Chine et les USA continuent de vendre suffisamment. Alors forcément, les résultats actuels de l’entreprise ne sont pas en phase avec les promesses de croissance qu’Elon Musk vantait quelques années plus tôt. Le contexte économique était très différent également, et les constructeurs européens en savent quelque chose. Tesla finira peut-être par se détourner du marché des voitures particulières, mais de là à lui écrire un éloge funèbre plusieurs années en avance, il y a un gouffre.

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