Le chiffre mentionné par cette étude américaine est impressionnant : Tesla aurait perdu plus d’un million de ventes, à cause de l’engagement politique d’Elon Musk. Mais est-ce réaliste ? A priori, non.

Le chiffre a de quoi étourdir : plus d’un million de ventes envolées pour Tesla depuis qu’Elon Musk s’affiche politiquement. C’est ce qu’estime une étude du National Bureau of Economic Research (NBER), relayée par Reuters le 28 octobre 2025, et rédigée par des économistes de l’Université de Yale.

Les positions pro-Trump d’Elon Musk, ses dons aux Républicains et sa participation au gouvernement américain ont détourné les acheteurs démocrates des véhicules de la marque. Début 2025, certains analystes attribuaient un peu rapidement la baisse des ventes de Tesla à un boycott généralisé, mais la situation était loin de refléter ce discours. Cette étude ne commet-elle pas le même biais, en attribuant tout à la politique ?

Elon Musk fait-il fuir les acheteurs ?

Elon Musk a longtemps été le meilleur commercial de Tesla. Parmi les propriétaires de véhicules de la marque, on trouve souvent des clients qui croient au personnage de l’entrepreneur visionnaire. Mais cette aura autour du patron de Tesla a pris du plomb dans l’aile ces dernières années. C’est notamment le cas depuis son rachat de Twitter (X) et avec la multiplication de ses publications politisées ou clivantes, qui ont rapidement commencé à faire polémique.

Elon Musk Donald Trump
Après plusieurs mois d’alliance, Elon Musk s’était retiré du gouvernement Trump. // Source : Molly Riley

Selon un document de travail du National Bureau of Economic Research (NBER), Tesla aurait vendu entre 1 et 1,26 million de véhicules de moins aux États-Unis entre 2022 et 2025 à cause de ce que les chercheurs appellent « l’effet partisan Musk ». Les ventes auraient pu être 67 à 83 % plus élevées sans cette politisation. C’est surtout la proximité affichée du patron avec Donald Trump et son rôle au sein du Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE) qui aurait créé la rupture avec une partie de la clientèle démocrate, jusque-là fer de lance des acheteurs de véhicules électriques.

L’étude souligne aussi un effet inverse : la perte de Tesla aurait profité à ses concurrents, dont les ventes de véhicules électriques et hybrides auraient progressé de 17 à 22 % durant la même période. En Californie, son bastion historique, Tesla aurait vu ses immatriculations reculer de 9,4 % au troisième trimestre 2025, sa part de marché tombant à 46,2 %. Pour les chercheurs, le lien de cause à effet ne fait aucun doute sur la responsabilité d’Elon Musk pour justifier ce déclin.

Le sens du timing

Le fait que l’étude apparaisse à moins d’une semaine de la réunion des actionnaires Tesla du 6 novembre 2025 n’est probablement pas fortuite. Ce rendez-vous sera aussi l’occasion d’un vote pour décider de l’attribution (ou non) de la rémunération de 1 000 milliards de dollars d’Elon Musk. Il est très probable qu’une telle publication cherche à influencer le vote, d’une manière ou d’une autre.

Il est difficile de nier que la personnalité d’Elon Musk influence la perception de Tesla à l’international (sauf au Chine) : l’entreprise et son fondateur sont depuis longtemps indissociables. Mais réduire un million de ventes manquées à un seul facteur politique paraît quelque peu tiré par les cheveux, même si cela est réparti sur plusieurs années, avec une nette accélération récente. Et il n’y a pas que cet aspect de l’étude qui coince.

Tesla Cybertruck vandalisés à la peinture // Source : @wow_report1 sur X
Tesla Cybertruck vandalisés à la peinture. // Source : @wow_report1 sur X

Des chiffres difficiles à croire, et pour cause

Derrière le chiffre choc du « million de ventes perdues », l’étude du NBER ne parle que des États-Unis. Les chercheurs croisent des données d’immatriculations américaines avec le vote des comtés : ils n’évoquent ni l’Europe, ni la Chine, autrement dit, rien sur 70 % des ventes mondiales de Tesla. Difficile d’imaginer un million de Tesla supplémentaires vendues uniquement sur le sol américain. La marque domine déjà largement les ventes de voitures électriques aux États-Unis, malgré la chute de ses ventes. Une telle augmentation serait donc tout simplement spectaculaire.

Et surtout, les chercheurs n’observent aucune vente réelle manquée. Ils modélisent un scénario où, sans le « Musk partisan effect », les comtés démocrates auraient continué à acheter plus de Tesla. C’est une projection statistique, pas un bilan comptable. Leur modèle repose sur des hypothèses très scolaires : que chaque Tesla non vendue correspond à une autre voiture électrique achetée ailleurs, et que tout le reste (concurrence, prix, nouveaux modèles) reste constant. Autant dire qu’il s’agit là d’une vision purement théorique, éloignée du marché réel.

Pendant sa meilleure année (2023), Tesla a produit à l’échelle mondiale 1 845 985 véhicules électriques, et ce chiffre est tombé à 1 773 443 véhicules en 2024. On peut donc imaginer qu’une partie de ces 70 000 véhicules d’écart, et éventuellement une marge de progression des ventes, couvriraient jusqu’à un potentiel de 300 000 véhicules manquants à l’international, donc environ 100 000 véhicules pour le territoire américain.

Le Tesla Model Y roule en totale autonomie avec le FSD à la Gigafactory de Berlin // Source : Tesla AI
Le Tesla Model Y roule en totale autonomie avec le FSD à la Gigafactory de Berlin. // Source : Tesla AI

Le ralentissement a été plus marqué en 2025. Certains l’ont attribué à un boycott massif, aux États-Unis comme en Europe, mais la reprise des ventes avec l’arrivée du Model Y restylé (au second trimestre) a vite montré que l’effet politique restait marginal face au creux naturel du cycle produit quand on renouvelle le bestseller de la marque.

Oui, Tesla a sans doute perdu une partie de son potentiel commercial. C’est indéniable, certains clients ne veulent plus rien avoir à faire avec Tesla. Mais imaginer un million de ventes manquées rien qu’aux États-Unis relève plus de la fiction statistique que du marché réel. Ce chiffre spectaculaire a surtout valeur de signal politique : il est une manière d’alimenter le débat, plus que de décrire la réalité économique. Attention à ne pas tomber dans le piège des chiffres chocs.

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