Dans sa première version, ce concept de remorque qui prolongeait l’autonomie des voitures électriques s’appelait EP-Tender. Après 12 ans, l’entreprise n’a pas réussi à aller jusqu’au bout de l’idée et a été liquidée en décembre 2024, et pourtant, les équipes n’ont pas baissé les bras. Ce 24 novembre 2025, le moment de la vengeance d’EP-Tender est arrivée, sous le nom Far-A-Day.
Les porteurs du projet sont persuadés que c’est une solution intéressante pour mettre fin à la surenchère dans la taille des batteries – toujours plus grosses – pour quelques trajets occasionnels. Certains considéraient qu’ils arrivaient trop tôt et que le marché n’était pas prêt, mais est-ce vraiment la seule raison du premier échec ? Sur le papier, l’idée pourrait trouver un écho favorable auprès d’un public sensible au discours, mais la réalité semble quand même peu favorable à la proposition.
Far-A-Day : qu’est-ce que c’est ?
Le principe repose sur une petite remorque équipée de 60 kWh de batterie qui vient se connecter en 2 minutes à une voiture électrique pour proposer jusqu’à 300 km d’autonomie supplémentaire. Quand la batterie est vide, l’automobiliste peut s’arrêter à une station pour en prendre une nouvelle. L’idée de base est que cette manipulation se fait automatiquement sur un véhicule déjà équipé. C’est un principe similaire à celui de la batterie externe que l’on branche à son smartphone pour lui redonner de l’autonomie, si ce n’est que cette batterie externe mobile est sur deux roues et qu’elle roule derrière la voiture électrique.
Les entrepreneurs ne manquent pas d’arguments, le principal étant de rendre « les longs trajets possibles pour tous, sans acheter une voiture hors de prix », selon la publication Linkedin de Jean-Baptiste Segard, le co-fondateur. Le prix des voitures électriques étant corrélé à la taille de la batterie et donc à son autonomie, cela permettrait de vendre plus facilement des véhicules plus adaptés à un usage au quotidien, mais sans rendre impossible les longs trajets. Techniquement, à part l’absence de recharge rapide (CCS), il n’y a pas vraiment de frein aux longs trajets avec une voiture électrique à petite batterie, mais cette solution se veut beaucoup plus rapide.
Cela tombe bien : en France, on trouve de nombreuses voitures électriques aux batteries raisonnables : Renault Twingo, Dacia Spring, Fiat 500e, Peugeot e-208, Citroën ë-C3… En théorie, c’est donc un vivier pour Far-A-Day.
De nombreux défis à relever
La nouvelle entreprise prévoit déjà une mise en place d’un premier corridor en France (Paris-Bordeaux) en 2026. D’ici à 2027, 30 stations pourraient avoir été déployées pour couvrir 80 % des longs trajets. Ces premiers chiffres nous laissent perplexes à plus d’un titre, que ce soit sur le maillage réel du besoin des Français, que sur le coût de telles implantations supportées par l’entreprise, et encore plus sur le fait que les véhicules cibles soient vraiment compatibles.

Si la première version du projet a échoué, c’est en partie parce que le système visait des Renault Zoé qui ne pouvaient pas tracter. Ce qui est généralement le cas de nombreuses voitures à vocation urbaine. Ainsi, même si le choix des modèles s’est multiplié, nous voilà de retour à la case départ : l’ensemble des modèles cités plus tôt est en incapacité de traîner une remorque de 200 kg.
L’idée même de devoir tracter un poids supplémentaire avec une remorque (qu’il faut savoir gérer par mauvais temps ou même pour les dépassements) et qui va forcément impacter l’aérodynamisme semble contreproductive : autant que vendre le smartphone le plus fin jamais produit pour lui accoler une batterie externe qui double sa taille dès le milieu de la journée. La remorque va forcément augmenter la consommation du véhicule, même si ce n’est que ponctuel, par rapport à une batterie embarquée. Est-ce vraiment pratique ? Est-ce réellement économique ? Difficile à dire.
À écouter les créateurs de ces projets, les évolutions des batteries à venir ne seront pas forcément la solution appropriée : « On fait rêver avec des promesses technosolutionnistes. Mais à la fin on arrive dans le mur. » Pourtant, les progrès des batteries et de la recharge sont indéniables, alors que ce projet n’arrive pas à une réalité concrète après déjà 13 ans.
Il viendra ensuite la question de l’échelle. Impossible d’atteindre une taille critique en s’appuyant uniquement sur le marché français de quelques Parisiens qui s’expatrient sur une côte deux fois dans l’année. Or, l’Europe n’est prévu que dans un second temps. Si en plus, la solution nécessite un équipement spécifique en amont, les particuliers ne seront probablement pas partants. Combien d’années faudra-t-il pour amortir l’équipement supplémentaire avec la location ponctuelle des remorques de charge ? C’est là, l’un des nerfs de la guerre. La solution pourrait éventuellement intéresser quelques administrations ou sociétés qui pourront plus facilement en rentabiliser l’usage.
Même si l’on souhaite encourager les entrepreneurs à innover, les débouchés de ce projet semblent tellement minces qu’il est difficile de le voir s’imposer comme une alternative viable. Voilà qui ira sûrement rejoindre les projets indépendants de charge par induction, les voitures solaires, voire le battery swap (même si ce dernier pourrait encore émerger). Tous partent d’une idée qui se défend, mais entre la théorie et la réalité, il y a tout un monde.
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