L’Union européenne est-elle un territoire de censure avec des dirigeants qui oppressent leur peuple en les privant de liberté d’expression ? Elon Musk, une partie de la classe politique américaine (dont JD Vance) et de nombreux comptes nationalistes l’ont affirmé tout le week-end.
Les 6 et 7 décembre, l’Union européenne a été massivement attaquée par les États-Unis, avec le patron de Tesla et de SpaceX à la tête de la révolte. En cause : une amende de 120 millions d’euros infligée par la Commission européenne à X, qui ne concerne pas la liberté d’expression contrairement à ce qu’assure Elon Musk. L’Europe reproche à X de certifier des comptes sans vérifier l’identité, de ne pas publier de registre transparent sur la publicité et d’empêcher les chercheurs d’accéder aux données du réseau social. Il s’agit pourtant d’obligations légales pour un réseau social comme X, qui doit respecter le DSA (Digital Services Act) en Europe.
S’il semble évident que les autres entreprises de la Silicon Valley auraient contesté la décision par voie légale ou payé l’amende, Elon Musk a choisi l’attaque. Le milliardaire exige le démantèlement de l’Union européenne, qu’il compare au nazisme, indique que l’UE veut censurer ses habitants, retweete des comptes complotistes et interagit avec Dmitri Medvedev (ex-président russe) et Viktor Orbán (premier ministre hongrois), qui sont évidemment d’accord avec lui. L’Europe peut-elle vraiment faire comme si rien ne s’était passé ?
Elon Musk raconte n’importe quoi sur l’Europe et va beaucoup trop loin dans certains messages
En à peine trois jours, Elon Musk a publié ou retweeté plus de 350 messages (sans compter les réponses). Un grand nombre d’entre eux étaient des attaques directes envers l’Europe ou des reprises de comptes anti-Europe, en citant notamment des partis politiques d’extrême droite hostiles à l’Union européenne et généralement adeptes de théories très provocatrices (Musk suggère notamment que l’UE est responsable d’un génocide de sa population en laissant des migrants sur son territoire).
Elon Musk a aussi partagé plusieurs fausses informations : il accuse par exemple les « médias traditionnels » de ne pas dire la vérité sur une attaque à la voiture-bélier sur un marché de Noël en France. Spoiler : il s’agissait d’un accident de voiture en Guadeloupe, conducteur sous stupéfiant, pas d’une attaque terroriste.

Pendant trois jours, Elon Musk n’avait qu’un seul mot à la bouche : « abolish ». Le milliardaire a appelé à plusieurs reprises à abolir l’Union européenne, à qui il reproche de priver ses États membres de souveraineté et de liberté d’expression. En plus de ses propres tweets, Elon Musk a pu compter sur le soutien de nombreux comptes issus du mouvement de Donald Trump (JD Vance, David Sacks…) ainsi que de ses propres fans (DogeDesigner, Tesla Owners ou Mario Nawfal…), qui ont sans surprise repris la chanson tout au long du week-end.

Parmi les soutiens d’Elon Musk, il y a notamment eu Pavel Durov, qui s’est jeté sur l’occasion pour accuser la France de censurer la liberté d’expression (et l’Europe de manipuler les élections). Elon Musk a offert un large écho à sa publication, évidemment sans la moindre dose de nuance.
Pour rappel, le patron de Telegram a récemment suggéré qu’Emmanuel Macron prévoyait l’assassinat de Candace Owens, l’influenceuse complotiste qui accuse Brigitte Macron d’être un homme et en a fait un business.

Autre image qui se passera de commentaire : Elon Musk a retweeté une image montrant un drapeau nazi derrière le drapeau de l’UE. Il qualifiait l’Europe de « quatrième Reich »…

Enfin, en plus de reprendre plusieurs comptes anti-Europe, Elon Musk a aussi partagé des vidéos de Viktor Orban. Le Premier ministre de Hongrie n’a pas manqué de le soutenir pour son courage et son envie de libérer les peuples de l’Union européenne.

Soyons clairs : Elon Musk a le droit de critiquer l’Union européenne, son fonctionnement et l’amende de la Commission européenne.
Le problème est qu’il le fait en ne répondant pas aux faits reprochés (qui n’ont rien à voir avec la liberté d’expression, rappelons-le), qu’il invente des fausses informations pour discréditer l’Europe, qu’il ne semble pas comprendre le fonctionnement de l’institution et qu’il insulte virulemment toutes les personnes qui ne sont pas d’accord avec lui et radicalise de nombreuses personnes sur un sujet qu’elles ne maîtrisent pas. La nuance n’a que trop rarement sa place sur Twitter : une grande partie des fans de Musk semble convaincue que l’Europe est un territoire antiliberté. Étrangement, Elon Musk n’accuse jamais la Russie ou la Chine de faits similaires, alors qu’ils interdisent pourtant son réseau social.
L’Europe peut-elle bannir X après le nouveau coup de folie d’Elon Musk ?
En réponse à l’amende de la Commission européenne, le réseau social X a annoncé suspendre le compte publicitaire de l’UE pour l’empêcher de monétiser ses tweets. Ses responsables indiquent que la Commission trichait pour booster ses revenus, ce qu’ils considèrent comme une violation de ses conditions d’utilisation.

Reste désormais une inconnue : quelle sera la réponse de la Commission européenne ? Peut-elle rester muette, comme elle l’a été ce week-end, alors que des millions de personnes la diffament, dont le patron d’un des plus grands réseaux sociaux au monde ? Ou doit-elle répondre fermement, au risque d’amplifier l’aspect de censure largement partagé par Elon Musk ?
Le DSA, en cas d’infractions répétées et de non-paiement des amendes, permet techniquement d’aller au-delà et d’interdire un service en Europe. La démarche administrative pourrait être longue (d’abord des amendes de plus en plus fortes, puis la saisie d’un juge pour confirmer l’interdiction) mais X, s’il continue à affaiblir l’Union européenne en la discréditant, pourrait être la première victime du dispositif. Une telle interdiction coûterait des millions à X, qui se verrait privé d’un de ses plus grands marchés. Mais Elon Musk, par égo et par militantisme, est-il prêt à tout faire brûler pour discréditer l’Europe ?
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