Une étude de l’Institut Mobilité en Transition répond aux patrons de Renault et Stellantis : la hausse des prix dans l’automobile n’est pas due aux normes environnementales ni au passage à l’électrique. Ce sont surtout les constructeurs eux-mêmes qui ont relevé la facture.

Pourquoi les voitures neuves sont-elles devenues si chères ? Tenter de le justifier, c’est un peu comme essayer de définir qui de l’œuf ou la poule est arrivé le premier. Les constructeurs automobiles soutiennent que la sur-réglementation européenne a beaucoup contribué à la situation actuelle. C’est d’ailleurs pour cette raison que Luca de Meo (Renault) et John Elkann (Stellantis) ont appelé à ce qu’une nouvelle catégorie de véhicules avec des normes moins strictes voit le jour, pour proposer des petites voitures abordables.

Toutefois, tout le monde n’est pas d’accord avec l’idée que les normes successives renchérissent le prix des voitures neuves. Pour certains spécialistes du secteur automobile, la hausse des prix est également motivée par la recherche de profit des constructeurs. C’est la raison de la publication de l’étude du think tank Institut Mobilité en Transition (IMT) ce 22 mai 2025 : faire la lumière sur la question.

L’augmentation des prix des voitures est d’abord un choix industriel

L’étude IMT-CWays ne nie pas le fait que les prix ont augmenté, mais elle les décompose et les quantifie. Entre 2020 et 2024, le prix moyen d’un véhicule neuf a grimpé de 6 800 €, soit +24 % toutes motorisations confondues. Ce qui est intéressant, c’est l’origine de cette hausse :

  • 6 % viennent de facteurs subis (inflation des matières premières, salaires, coûts d’énergie),
  • 12 % proviennent de facteurs choisis : montée en gamme, disparition de l’entrée de gamme, choix de produire des modèles plus lourds et mieux margés,
  • 6 % seulement sont liés à l’électrification et aux normes environnementales.

Autrement dit, les constructeurs seraient les principaux responsables de la hausse, en décidant de vendre moins de voitures, mais plus chers. Parmi les 12 % qui incomberaient aux constructeurs, 8 % correspondent à une montée en gamme des véhicules proposés au catalogue, et 4 % au « pricing power », qui correspond à une augmentation de la profitabilité d’un modèle déjà existant.

Carlos Tavares - CEO Stellantis - au 125 ans Fiat  // Source : Fiat
Carlos Tavares revendiquait le pricing power au sein des marques Stellantis. // Source : Fiat

La stratégie du « pricing power » a notamment été renforcée, ou couverte, par la crise du covid. L’ancien patron de Stellantis, Carlos Tavares, ne s’en cachait pas, les prix des véhicules du groupe ont gonflé alors celui-ci était censé réaliser des économies d’échelle avec ses 14 marques. Une stratégie dont les limites se sont révélées récemment, notamment lors du départ de Carlos Tavares, fragilisé par le ralentissement des ventes.

Cependant, Stellantis n’est pas le seul à avoir profité des crises successives pour faire grimper les prix. La « renaulution » du groupe Renault a fait de même, et c’est particulièrement visible chez la marque Dacia avec une hausse de +44 % de son prix moyen, selon l’étude. Renault a surtout déplacé ses ventes de modèles citadins (segment B) vers des modèles plus grands (segment C et D).

Renault Mégane e-tech // Source : Renault
Renault Mégane e-tech arrivait après la Zoé. // Source : Renault

Dans tous les cas, la suppression des citadines à bas prix, la généralisation des SUV, et un positionnement haut de gamme assumé entraînent la situation actuelle sur les prix des véhicules. Selon l’étude IMT, les normes CAFE et GSR2 n’auraient quant à elles qu’un impact limité dans la gamme de véhicules proposés par les constructeurs, ce que les industriels réfutent de leur côté. Les constructeurs justifient eux la disparition des petites voitures (de segment A) à cause des problèmes de rentabilité de production : c’est pour cela qu’ils ont poussé les clients vers des modèles de tailles et d’équipements supérieurs. C’est aussi pour cette raison qu’ils aimeraient créer l’équivalent des Kei Cars japonaises en Europe. On en revient à la poule et à l’œuf : dans le cas présent, les torts sont certainement plus partagés qu’ils n’y paraissent.

Et l’électrification dans tout cela ?

La voiture électrique est souvent accusée d’avoir fait flamber les prix des véhicules, alors qu’en y regardant de plus près, les voitures thermiques et les hybrides rechargeables ont tout autant vu leur prix augmenter sur cette période. Seuls les prix des full hybride n’ont que peu augmenté, ce qui explique aussi une part de leur succès actuel. Le passage de certains modèles d’une version thermique à une version électrique (comme la Fiat 500) a quand même fait mécaniquement augmenter les tarifs au sein de la marque.

Production de la Fiat 500e à l'usine de Mirafiori // Source : Fiat
La Fiat 500e est l’exemple de la transition électrique + montée en gamme + pricing power. // Source : Fiat

Sur les voitures électriques en particulier, les prix ont augmenté de +17 % en moyenne, mais pas à cause des batteries, dont le coût a baissé sans être forcément répercuté sur le prix de vente. L’étude pointe surtout un changement de mix produit : on vend moins de petites voitures électriques (segment B) et plus de modèles SUV ou familiaux (segment C et au-delà).

  • En 2020, 73 % des VE vendus étaient du segment B,
  • En 2024, c’était seulement 34 %. À l’inverse, les C-SUV, D-SUV et berlines haut de gamme ont explosé.

Cela s’explique par la disparition de la Renault Zoé, qui a largement manqué ces dernières années, même si le modèle a été remplacé dans les ventes par des Peugeot e-208 ou Opel Corsa-e plus chères. Il convient de rappeler que la Zoé n’a plus été commercialisée faute de respecter les normes GSR2, ce que l’étude ne mentionne pas. Chez Renault, il a fallu attendre l’arrivée de la R5 et de la R4 pour récupérer des électriques du segment B, même si ces nouveautés ont un tarif plus élevé que la vieillissante Zoé.  

Les immatriculations du marché français démontrent assez bien que les Français choisissent quand même majoritairement les véhicules électriques abordables quand ils sont proposés par les constructeurs automobiles au bon prix. Quitte à acheter un Tesla Model Y, plus grand, mais à peine plus cher qu’un véhicule français plus compact.

Et maintenant ?

Un élément de la conclusion de l’étude IMT-CWays interpelle tout de même. Reprenant les demandes des constructeurs, le document indique : « Introduire de la flexibilité règlementaire et réduire l’ambition environnementale européenne. Cette demande avancée par les constructeurs ne reflète pas qu’Euro6DFull et GSR2 n’ont généré aucune augmentation visible des prix finaux, et que les surcoûts ont été absorbés sans dommage pour la rentabilité. »

Il serait intéressant d’avoir la réponse chiffrée de la part des constructeurs sur ce que coûtent précisément les aides à la conduite imposées par la norme GSR2 sur une citadine. L’étude laisse tout de même peu de place à la nuance en attribuant l’essentiel de la responsabilité aux constructeurs. Les décisions des clients et les dirigeants politiques (locaux et européens) ne sont jamais remises en question.

Renault 4 et Twingo au Mondial de Paris 2024 // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
À partir de 20 000 € pour une Twingo, 28 000 € pour la R4. // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

Finalement, l’une des conclusions de l’étude revient exactement à ce qu’ont demandé Luca de Meo et John Elkann, dans l’interview qui a déclenché cette étude : « Créer une catégorie de petits véhicules, en prenant exemple sur les ‘Kei Cars’ japonaises, aidée fiscalement ou réglementairement à l’échelle européenne. Cette solution permettrait selon certains dirigeants du secteur d’offrir de petits véhicules sous les 15 000 €, d’enrayer les spirales inflationnistes des prix et de baisse des volumes. »

L’affaire rappelle les récentes déclarations de la responsable de la CGT, Sophie Binet. De nouveau, on assiste à un dialogue de sourds, dans lequel finalement tout le monde semble d’accord sur l’essentiel : soutenir une filière locale, décourager les véhicules lourds et accélérer le développement de modèles abordables et plus respectueux de l’environnement.

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