La secrétaire générale de la CGT n’hésite pas à s’attaquer aux patrons de Renault et Stellantis par rapport à la voiture électrique, alors qu’ils souhaitent tous aller dans le même sens.

Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, se fait remarquer lorsqu’il s’agit de parler de voitures électriques. Déjà épinglée le 13 mai pour avoir affirmé à tort que la production de la Zoé avait été transférée en Roumanie face au président de la République, cette fois, c’est lors d’une interview sur BFM TV le 16 mai que Sophie Binet a encore tenu des propos discutables concernant la production de voitures électriques.

Selon la secrétaire générale de la CGT, la production d’un véhicule électrique à 15 000 € est possible en France. Elle s’attaque même aux déclarations récentes de Luca de Meo (patron de Renault) et John Elkann (patron de Stellantis).

« C’est une honte »

Alors qu’elle est interrogée sur les propos tenus par Luca de Meo et John Elkann dans une interview récente du Figaro, Sophie Binet n’hésite pas à affirmer à deux reprises « c’est une honte », en précisant « parce qu’ils ont une stratégie de délocalisation depuis très longtemps ».  Les patrons des groupes Renault et Stellantis se sont alliés pour demander un assouplissement des normes européennes du secteur automobile afin de pouvoir produire des voitures moins chères.

Sophie Binet - secrétaire générale de la CGT - sur le plateau de BFM TV // Source : Capture vidéo BFM
Sophie Binet – secrétaire générale de la CGT – sur le plateau de BFM TV // Source : Capture vidéo BFM

La représentante de la CGT s’oppose à alléger les normes environnementales et sociales, malgré les risques de voir grimper les prix des voitures. Elle accuse sans détours les constructeurs d’avoir massivement délocalisé pour préserver leur bilan financier : « Les constructeurs européens ont fait le choix de produire des gros véhicules chers pour avoir plus de marges ».

Une vision qui prend le problème à l’envers : ce sont justement les normes successives qui rendent la production de petites voitures non rentable. Ce que Luca de Meo et John Elkann aimeraient bien enrayer pour pouvoir de nouveau relancer des véhicules abordables produits en Europe, sans prendre de risques financiers qui pourraient fragiliser les deux groupes.

Un véhicule électrique à 15 000 € en France ?

Sophie Binet affirme également que « la CGT a un projet de véhicule électrique populaire produit en France » et que « Renault et Stellantis pourraient produire un véhicule électrique à 15 000 €, comme le fait Nissan au Japon ».

Cette déclaration soulève plusieurs questions. Difficile de savoir ce que la représentante de la CGT a en tête en annonçant que le syndicat à un projet de « véhicule électrique populaire ». Aucune précision n’a été donné lors de l’interview. On trouve néanmoins deux projets supportés par la CGT : celui de la CGT Renault et un projet de véhicule électrique nommé Gazelle Tech avec 180 km d’autonomie. Ce dernier est plus proche d’un des nombreux projets de quadricycles lourds qui ont fleuri en France ces dernières années, il n’a probablement aucune chance d’être homologué en voiture avec toutes les réglementations européennes que la secrétaire générale de la CGT ne veut surtout pas réviser.

Quant à l’exemple japonais, il est exact : la Nissan Sakura EV est bien vendue à ce tarif. Mais il s’agit d’une kei car, catégorie spécifique au Japon, limitée en dimensions (moins de 3,40 m) et en puissance (63 ch), bénéficiant d’un régime fiscal très favorable. Une réalité technique et réglementaire bien différente de l’Europe, que Mme Binet feint d’ignorer.

Nissan Sakura EV au Japon // Source : Nissan
Nissan Sakura EV au Japon // Source : Nissan

Est-ce que Renault et Stellantis pourraient produire un tel véhicule comme l’affirme la secrétaire générale de la CGT ? En l’état actuel, ce qui s’en approche le plus en Europe ce sont les quadricycles : Citroën Ami, Fiat Topolino ou Mobilize Duo (avec ou sans permis), qui sont accessibles à moins de 10 000 € ou des modèles plus chers comme Ligier Myli ou Microlino.

Les voitures électriques vendues entre 15 000 et 20 000 € en France aujourd’hui (Dacia Spring, Leapmotor T03, etc.) sont toutes fabriquées en Chine. Les modèles produits en Europe dépassent en général les 20 000 € – et même si certains modèles à moins de 20 000 € sont prévus (comme la future Twingo et une version de la Citroën ë-C3), ils seront assemblés en Europe de l’Est, à coûts réduits — ce qui ne serait pas possible en France.

Prix réel / viséLieu de productionCatégorieRemarques
Renault 5 E-Tech>25 000 €France (Douai)CitadineLa moins chère de la gamme, production française
Dacia Spring16 900 €ChineCitadineModèle le moins cher, importé et surtaxé
Leapmotor T03~17 6000 €ChineCitadineImporté et surtaxé, pas de bonus
Nissan Sakura (Japon)~15 000 €JaponKei carCatégorie spécifique au Japon
Citroën Ami / Fiat Topolino<10 000 €MarocQuadricyclePas une « vraie » voiture, permis non requis
Mobilize Duo<10 000 €FranceQuadricyclePas une « vraie » voiture, avec ou sans permis

Un dialogue de sourds

Ce qui manque en Europe, c’est une catégorie intermédiaire entre les quadricycles légers (Ami, Duo, Topolino, Microlino…) et les petites citadines comme la Fiat 500e ou la future Twingo électrique. C’est précisément ce que Luca de Meo appelle de ses vœux : un cadre spécifique pour permettre à des mini-voitures électriques simples, comme les kei cars japonaises, de se développer.

Mais Sophie Binet campe sur sa position : selon elle, « il suffit de baisser les marges, de changer de gamme et de produire des véhicules plus petits, moins polluants ». Une vision caricaturale qui ignore les contraintes réglementaires actuelles que dénoncent pourtant les patrons qu’elle critique.

Un dialogue de sourds s’installe, entre volonté politique et réalité industrielle.

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