L’interview croisée de Luca de Meo (patron de Renault) et John Elkann (patron par intérim de Stellantis) dans Le Figaro le 5 mai a mis le doigt là où ça fait mal. Parmi les différentes alertes lancées par les deux chefs d’entreprise, une déclaration de Luca de Meo a particulièrement retenu mon attention : « Ce n’est pas possible de traiter une voiture de 3,80 mètres comme une voiture de 5,5 mètres ! »
Dans une Europe obsédée par la régulation, les petites voitures se retrouvent soumises aux mêmes contraintes que les gros SUV. Cette absurdité réglementaire pénalise forcément la voiture électrique abordable et favorise de fait les modèles lourds et chers.
Une espèce en voie d’extinction
Nul besoin d’être un grand analyste pour avoir observé que les petites voitures se sont raréfiées dans les catalogues des constructeurs, aussi bien en thermique qu’en électrique. S’il est souvent reproché aux clients de bouder cette catégorie de véhicules pour des modèles plus polyvalents – sous-entendu plus grands –, il y a aussi une autre cause à leur disparition : la réglementation européenne.

En rendant les véhicules toujours plus sûrs, l’Europe a fini par tuer les modèles à moins de 15 000 €. « Il y a trop de règles conçues pour des voitures plus grosses et plus chères, ce qui ne nous permet pas de faire des petites voitures dans des conditions acceptables de rentabilité », affirme Luca de Meo. Le patron de Renault, comme tous les autres, doit jongler avec un empilement de normes : sécurité, recyclage, logiciels, aides à la conduite… jusqu’à l’absurde. Faute de rentabilité suffisante, le créneau est délaissé.
Vers une réglementation « kei cars » en Europe ?
Ce n’est pas la première fois que Luca de Meo suggère à l’Europe de créer une réglementation spécifique pour les petites voitures, un peu comme le Japon l’a fait avec ses kei cars. Une kei car est une petite voiture légère strictement limitée en taille (3,40 m de long, 1,48 m de large, 2 m de haut) et en cylindrée (660 cm³). Elle est conçue pour être économique, pratique et bénéficier d’avantages fiscaux spécifiques à la catégorie, ce qui en fait un choix populaire pour la mobilité urbaine et rurale.

Il ne s’agit pas de calquer le modèle japonais, car les enjeux européens sont bien différents. L’Europe pourrait toutefois s’en inspirer pour permettre l’émergence de véhicules simples et abordables, à mi-chemin entre le quadricycle lourd et la petite citadine, sans exiger qu’ils soient équipés comme des limousines premium. Ce serait une voie pragmatique pour élargir l’offre, en assumant une forme de sobriété. Reste à savoir si les clients européens sont encore prêts à faire des concessions sur le confort ou les performances pour un prix raisonnable. J’en doute de plus en plus.
Hypocrisie de la politique européenne
Comme souvent dans Watt Else, on retombe sur la sempiternelle incohérence bruxelloise : l’Union européenne incite à l’adoption de la voiture électrique, tout en rendant son accès de plus en plus difficile pour les classes moyennes et populaires. Chaque réglementation rend la production de voitures un peu plus coûteuse. C’est à croire que les décideurs découvrent les effets de leurs propres mesures une fois au pied du mur. Et quand ça coince, ils pointent du doigt la Chine, les constructeurs ou le consommateur… mais jamais leurs propres contradictions. On marche sur la tête.
La demande de Luca de Meo sur une réglementation différenciée pour les petits modèles n’est peut-être pas la solution idéale. En revanche, on ne pourra pas lui reprocher de ne pas essayer d’agir dans l’intérêt des clients (et de ses ventes).
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