Le lancement en Corée de la petite Kia Ray, selon les informations de The Korea Economic Daily le 20 août 2023, ravive le débat sur l’absence, en Europe, d’une véritable sélection de voitures de moins de 4 mètres à motorisation 100 % électrique. Pour se justifier d’avoir abandonné le segment A (celui des voitures de moins de 3,70 m), les constructeurs diront que les conducteurs ont délaissé ces modèles pour des plus grands. C’est juste. Ou plutôt, ça l’était particulièrement pour les voitures thermiques, mais ça l’est un peu moins sur les « chères » voitures électriques.
Il suffit d’un coup d’œil aux immatriculations françaises de voitures électriques de l’année, pour se rendre compte que les petites voitures électriques ont encore la cote. Dacia Spring, Fiat 500e, Renault Twingo et Mini électrique sont dans le Top 10 des voitures les plus achetées en France. Elles ont toutes comme point commun d’être des voitures électriques de moins de 4 mètres, et deux font même partie du fameux « segment A » délaissé. Mais, pourquoi n’y en a-t-il pas plus à vendre ?
Les normes européennes posent problème pour ce segment de véhicules
Les constructeurs ont justifié la disparition des petits modèles par les normes trop contraignantes imposées par l’Europe. Forcément, avec le temps, ces petites voitures doivent répondre aux mêmes exigences en termes de sécurité que de plus grandes voitures.
Plusieurs modèles de mini-citadines, diffusées avec de petites motorisations essence, n’ont plus été renouvelés : Citroën C1, Peugeot 108, Ford Ka, Opel Adam… La Renault Twingo ou la Smart ForTwo ont été temporairement sauvées par un passage au 100 % électrique. Néanmoins, la retraite de ces deux modèles est déjà actée pour les prochains mois. Plus étonnant encore, la Volkswagen e-Up a été mise à la retraire, avant d’être réintégrée dans le catalogue jusqu’à 2025.
Les normes de sécurité semblent avoir bon dos. Il ne faut pas oublier que la Dacia Spring a débarqué sur le marché avec un magnifique score de 1 étoile au crash-test EuroNCAP. Il est donc possible de produire une petite voiture électrique, homologable en Europe, sans forcément la doter de l’électronique d’une grande berline de luxe.
Ces mini-citadines rattrapées par la réalité économique : elles ne sont pas rentables
Il ne faut pas chercher bien loin : la principale raison derrière cet abandon des petites citadines, c’est qu’elles n’offrent pas de rentabilité aux constructeurs. Le sujet des marges et des prix de vente a d’ailleurs été abordé dans un édito récent de notre newsletter Watt Else. Face à des SUV, sur lesquels les marques margent allègrement, une petite citadine n’est qu’un produit d’appel, sur lequel le constructeur ne gagne pas ou peu d’argent. Il faut donc faire du volume pour que tous les investissements soient rentabilisés, ce qui n’est plus vraiment la priorité de certains groupes.
Le coût de la batterie joue également un rôle non négligeable dans cette situation. Il est difficile de proposer aujourd’hui des autonomies trop limitées, même pour un véhicule à vocation purement urbaine. Une batterie d’environ 25 kWh (à chimie NMC chez les européens) va donc représenter déjà de 15 à 30 % de la valeur du véhicule. Cela explique notamment pourquoi les Renault Twingo ZE, Fiat 500e, Volkswagen e-Up ont vu leur prix autant grimper ces deux dernières années.
À ce petit jeu, l’écart entre une mini-citadine et citadine de plus de 4 mètres s’est réduit. Cela explique aussi pourquoi une faible différence de prix incite le client à prendre un peu plus grand, et donc un peu plus polyvalent. L’argument du constructeur est sauf.
Et ailleurs dans le monde ?
Les constructeurs européens vont continuer à proposer quelques références, comme la Fiat 500e, mais il est assez probable que les futurs modèles visent tous plutôt les 4 mètres et plus (Renault 5, VW ID.2, etc.).
Pour les constructeurs américains, une Tesla Model 3 est déjà une petite voiture électrique, il ne faudra donc pas compter sur eux pour proposer des véhicules électriques au format de poche.
À l’opposé, en Chine, les mini-citadines sont légion. Le meilleur exemple est certainement celui de la Wuling Mini EV qui, en deux ans, a été vendu à plus d’un million d’exemplaires, ce qui est énorme. C’est loin d’être le seul modèle de cette catégorie à rencontrer un vif succès.
Comment expliquer une telle différence ? Sur son marché local, la Wuling Mini EV vaut autant que certains vélos à assistance électrique en France. Le prix ultra-abordable est permis par des coûts de développement et de fabrication réduits. Le segment des petites voitures électriques abordables s’est donc développé rapidement. Les constructeurs chinois peuvent facilement miser sur le volume pour gagner de l’argent.
Pourquoi ces modèles chinois ne sont pas vendus en Europe ?
En expédiant ces voitures à l’étranger, les marques chinoises perdent immédiatement la rentabilité sur ces véhicules. Il faut refaire tout un processus d’homologation pour respecter les normes européennes, voire modifier le modèle initial pour l’adapter. Ce n’est pas la sécurité qui pêche, la Chine a énormément durci ses règles de sécurité. Cependant, il y a quand même des différences entre les modèles chinois pour la Chine et ceux pour l’export. Il faut aussi ajouter à ces modifications : les frais de douanes, les frais de transport maritime, les frais du réseau de vente européen…
Bref, à la sortie de la Chine, il faut quasiment ajouter de 10 000 à 15 000 € au prix pratiqué en Chine pour pouvoir envisager la vente en Europe d’une mini-citadine. Cela peut rester attractif du point de vue du client européen. En revanche, c’est peu motivant pour le constructeur qui doit être certain que les volumes de vente soient à la hauteur pour rentrer dans ses frais.
Il n’est pourtant pas complètement exclu que des marques comme MG (MG2) ou BYD (Seagull) proposent prochainement leur petite citadine en Europe en récupérant le marché délaissé par les marques européennes.
Pour Kia Ray, il n’est que bien peu probable de la voir arriver en Europe pour les raisons mentionnées précédemment. Elle va probablement rester cantonnée au marché coréen.
De petites voitures électriques à moins de 20 000 € (hors bonus) ne sont pas pour demain, et c’est bien dommage. Il risque bientôt de ne plus rien rester entre la voiture sans permis électrique (ex : Citroën Ami ou Microlino), et la gamme des citadines type Peugeot 208 et prochains modèles à venir.
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