Avec son processeur M1, Apple entre dans une nouvelle ère. Le MacBook Pro M1, vendu 1 449 €, est une claque technologique qui promet de faire des vagues sur le marché de l’informatique grand public et professionnelle.

Si l’on s’extrait des communiqués de presse promettant révolution tous les quatre matins, la tech grand public avance le plus souvent à petits pas. Et en étant habitué par le doux ronron de la pseudo-nouveauté, on en vient à oublier ce qui constitue une véritable rupture. Le smartphone était une rupture. Peut-être que le processeur Apple Silicon M1 présent dans les nouveaux MacBook Air, MacBook Pro et Mac mini sera aussi considéré comme tel.

Après une semaine d’utilisation d’un MacBook Pro entrée de gamme équipé d’un processeur M1, brisons le suspense : nos attentes étaient basses et Apple les a explosées. Jamais n’avions-nous vécu un tel bouleversement de la technologie grand public. Les détails seront donnés dans ce test, mais d’emblée, on peut affirmer qu’aujourd’hui, un MacBook Pro à 1 449 € est plus confortable, plus puissant, et plus silencieux qu’un même MacBook Pro vendu plus de 2 000 € il y a quelques semaines. Et ce n’est que le début.

Le verdict

Pour paraphraser les Guignols de l’info reprenant une phrase que Steve Jobs n’a jamais prononcée : ceci est une révolution. Avec son MacBook Pro M1, Apple prouve trois choses : qu’il est désormais capable de produire des machines moins chères et plus performantes que la concurrence ; qu’il a réussi le bond si difficile vers des processeurs ARM pour des équipements de bureau puissants ; qu’il est au début d’un cycle qui a toutes les chances de le porter en leader du marché des processeurs d’ici quelques années.

Avec ce processeur M1, Tim Cook tient peut-être son « moment iPhone », celui où un produit va durablement changer l’informatique grand public et professionnelle qu’on connaît. Et contrairement à l’iPhone, qui a mis plusieurs générations avant de montrer ses plus belles facettes, le MacBook Pro M1 est déjà un produit désirable, qui fait bien plus que répondre aux attentes des consommateurs sur ce type de machine.

On a désormais qu’une envie : découvrir comment Apple Silicon se traduit dans des produits encore plus ambitieux, des iMac Pro aux MacBook Pro les plus puissants.

Notre test en vidéo

Le M1 au cœur du Mac

Nos MacBook de test

Nous avons utilisé deux MacBook au catalogue pour nos tests. Le sujet du test est le MacBook Pro (2020) M1, 8 Go de [autolink post="730345"]RAM[/autolink], vendu 1 449 €. L’outil de comparaison est le MacBook Pro (2020) Intel Core i5 10e Gen, 16 Go de RAM, vendu 2 129 €.

Plutôt que de consacrer une partie au design extérieur, qui n’a pas changé pour les MacBook Pro 13 pouces et MacBook Air (à part de légers détails sur le clavier), évoquons rapidement la séquence qui a débuté à la WWDC 2020 et qui vient clore une épopée de 14 ans. Jusqu’à ce mois de novembre 2020, Apple et Intel travaillaient main dans la main pour équiper toute la gamme Mac. Tous les Mac (et a fortiori macOS, le système d’exploitation) tournaient alors sous une architecture nommée x86, avec des processeurs Intel.

À la WWDC 2020, Apple a annoncé un changement de stratégie radical : utiliser ses propres processeurs et ses connaissances issues du monde du mobile, le tout sur une architecture nommée ARM. Dis comme cela, cela peut paraître anecdotique pour le béotien, mais la tâche est ardue : elle implique de changer la manière de fonctionner du système d’exploitation, mais aussi de tous les logiciels. Car le fait est que les logiciels conçus pour x86 et les processeurs Intel ne peuvent pas tourner sur un processeur ARM sans une astuce — sur laquelle Microsoft et Qualcomm se sont déjà cassé les dents avec l’oubliable et médiocre Surface Pro X.

Ce qui se cache sous le capot du M1 // Source : Capture d'écran Numerama

Ce qui se cache sous le capot du M1

Source : Capture d'écran Numerama

Pour résoudre ce problème au cœur de l’usage, Apple a imaginé deux solutions. D’abord, encourager les développeurs à créer des logiciels « universels », c’est-à-dire compatibles aussi bien avec le processeur Apple M1 qu’avec des processeurs Intel. Ensuite, proposer un petit logiciel maison nommé Rosetta 2, dont la tâche est de convertir les logiciels qui ne seraient pas disponibles, dans un premier temps, en version Apple M1. Pas besoin d’avoir fait spé math pour comprendre l’équation : si une partie de la puissance du processeur est allouée à cette conversion, elle est soustraite de celle allouée à l’exécution des tâches.

Dès lors, Apple part avec une longueur de retard, vu que les partenaires au lancement des MacBook M1 ne sont pas nombreux. Mais il avance déjà que même sans ces partenaires, aussi fondamentaux soient-ils pour un usage normal d’un Mac, le processeur M1 a des avantages indiscutables.

  • Reposant sur une architecture mobile et gravé à une finesse de 5 nm encore inégalée, il est économe en énergie — ce qui permet à Apple d’afficher 20h d’autonomie à son MacBook Pro.
  • Apple maîtrisant désormais le logiciel et le matériel, il peut optimiser tout à la fois son système d’exploitation et ses logiciels pour qu’ils soient plus efficaces — ce qui va de Safari et la gestion du flux vidéo de la webcam à la suite logicielle iWorks, jusqu’aux applications professionnelles Final Cut Pro, Logic Pro ou X Code.
  • Le processeur étant plus économe et plus efficace, il peut se permettre d’être refroidi différemment : sans ventilateur sur les MacBook Air et avec une meilleure gestion de la dissipation de chaleur sur les MacBook Pro.

Tout cela, sans même compter sur l’argument principal, brut : le processeur M1 passe la barre des 3 Ghz en monocœur, ce qui lui donne une longueur d’avance sur de nombreux concurrents.

Cela étant posé, voyons comment Apple a résolu tous ces problèmes.

À l’usage, un Mac M1 est un Mac

Notre plus grosse appréhension quand nous avons découvert le Mac M1 concernait les logiciels tiers et notamment les logiciels professionnels. Il suffit de regarder les recrutements et la R&D d’Apple autour des processeurs pour comprendre qu’ils sont prêts à relever tous les défis matériels. Mais le logiciel, c’est autre chose, et Apple ne maîtrise pas tout. C’est avec une certaine fébrilité que nous avons commencé à télécharger notre pack de base : Chrome et Firefox.

Les deux applications, encore au format x86, s’installent naturellement. Puis vient le moment de les lancer : 5 secondes passent, 10, 20. On se dit qu’on a déjà perdu Apple dans le gouffre temporel redouté. Mais il n’en est rien : la première exécution d’un logiciel x86 déclenche Rosetta 2 qui fait son travail de conversion, en arrière-plan. Les deux navigateurs finissent par se lancer et à leur réouverture, ils se lancent tout aussi vite ou plus vite que sur le Mac x86 Core i5 10e Génération que nous avons à notre disposition. Leur usage est parfaitement transparent : pas la moindre latence, pas le moindre souci de compatibilité. Et même avec des dizaines d’onglets ouverts et un Google Meet en cours, on se surprend à apprécier le silence : le processeur M1 ne transforme pas un MacBook Pro en soufflerie industrielle comme le font les processeurs Intel.

Vos usages ne changeront pas // Source : Capture d'écran Numerama

Vos usages ne changeront pas

Source : Capture d'écran Numerama

Cette expérience, nous avons pu la répéter sur tout notre workflow. Et même s’il n’entre pas dans des domaines hyperspécialisés (comme la virtualisation), certains logiciels posent des challenges à macOS, comme Antidote, le correcteur orthographique que nous utilisons. Il s’agit d’un logiciel très performant, mais un brin archaïque, composé d’une application lourde et d’une extension navigateur. L’application doit avoir le droit de contrôler le champ texte du navigateur, ce qui pose des problèmes de sécurité évidents et demande de configurer des exceptions. Eh bien sachez que le lien entre Chrome (x86 émulé par Rosetta) et Antidote (x86 émulé par Rosetta) sur un Mac M1 s’est fait sans la moindre douleur.

En bref, en une petite heure, on s’est aperçu à quel point Apple avait fait le travail avec Rosetta 2. Aucun de nos outils n’a résisté à l’utilitaire de conversion qui ne se montre jamais à l’écran. Quelques autres sont déjà nativement disponibles pour processeurs ARM (comme Affinity Photos, que nous préférons à Photoshop).

Chrome avec 23 onglets ouverts, dont des pages lourdes, ne rame pas et ne déclenche même pas le ventilateur // Source : Capture d'écran Numerama

Chrome avec 23 onglets ouverts, dont des pages lourdes, ne rame pas et ne déclenche même pas le ventilateur // Source : Capture d’écran Numerama

Nous avons donc pu nous concentrer sur le reste et faire attention aux détails. Le premier, qui choque suffisamment pour que nous le répétions plusieurs fois, c’est le silence. Le ventilateur de notre MacBook Pro ne s’est presque jamais allumé au cours de la trentaine d’heures que nous avons passée dessus. Quand il l’a fait, c’était de manière très légère, presque imperceptible. Dans des situations où le MacBook Intel chauffe et souffle, le MacBook M1 est parfaitement inaudible — c’est dire à quel point la gestion de la puissance et la dissipation passive sont efficaces. Même les pires positions de télétravail (salut le canapé) qui ont tendance à faire chauffer les machines ne déclenchent pas le ventilateur du M1. Même le jeu vidéo World of Warcraft, lancé pendant une heure à la définition native, tournant admirablement bien, n’a poussé les ventilateurs qu’à une puissance à peine audible.

Les autres détails promis par Apple se dévoilent petit à petit lors de notre expérience. Oui, regarder la batterie ne pas se vider est impressionnant. L’icône de la barre des tâches semble figée à mesure que la journée passe et il est possible de passer une journée entière sur des tâches bureautiques sans charger ce MacBook — 10 % de batterie correspondent à peu près à une heure d’usage, sans ménager l’appareil. Bien entendu, les tâches lourdes en continu demandent de brancher l’ordinateur plus régulièrement.

On s’aperçoit également que le processeur gère beaucoup mieux la webcam, qui est toujours la même caméra 720p que sur les précédents MacBook. Mais la différence est flagrante : le processeur d’image du M1 enlève le bruit, précise les détails et fait ressortir les visages comme jamais. L’expérience est remarquable lors de réunions en vidéo, si classiques en ce moment. Combinez cela avec les trois micros à faisceaux directionnels empruntés au MacBook Pro 16 pouces et au silence du ventilateur, et vous aurez une machine de guerre pour vos rendez-vous en télétravail, tout à la fois surcompétente sur l’image et sur le son.

La nouvelle gestion de la caméra et le flou léger de Google Meet donnent un résultat bluffant // Source : Capture d'écran Numerama

La nouvelle gestion de la caméra et le flou léger de Google Meet donnent un résultat bluffant

Source : Capture d'écran Numerama

Pour être tout à fait transparents, nous avons réussi à mettre en défaut le processeur M1 sur deux tâches (au-delà de la virtualisation déjà mentionnée). La première, c’est l’exécution d’un logiciel 32 bits x86 (Tous Comptes Faits). Ici, macOS demande de s’adresser au développeur afin qu’il modernise son produit (ce que les utilisateurs de Tous Comptes Faits ont déjà fait, la version 64 bits est en bêta).

La deuxième, c’est l’exécution d’un programme x86 pas entièrement téléchargé. Battle.net, le logiciel permettant de lancer les jeux Blizzard, permet de jouer à un jeu vidéo avant que son téléchargement soit terminé : il charge d’abord les fichiers nécessaires au lancement du jeu, puis va télécharger les fichiers nécessaires dans l’ordre où le joueur en a besoin. On comprend que Rosetta ne soit pas capable de convertir cette option de confort : l’utilitaire, qui n’a pas les fichiers complets et doit en plus en convertir d’autres à mesure que le jeu les appelle, n’a pas fonctionné. Mais une fois le jeu téléchargé, la conversion s’est faite sans le moindre problème.

La cerise sur le gâteau

C’est un fait : Apple a réussi son pari. Travailler sur un MacBook Pro entrée de gamme à 1 449 € équipé en M1 avec 8 Go de RAM est aujourd’hui déjà plus confortable que travailler sur un MacBook Pro milieu de gamme équipé en Intel Core i5 avec 16 Go de RAM. Découvrir cela aurait déjà été une bonne surprise, compte tenu des défis d’Apple sur ce projet. Ce que nous avons découvert également est ce qui a vrai potentiel de décrochage de mâchoire et ce pourquoi on peut parler strictement de rupture technologique : le MacBook Pro M1 surclasse les processeurs concurrents, même sur des logiciels qui ne sont pas conçus pour lui.

Pour savoir si une application est native (Universel), émulée (Intel) ou vient d'iOS (Apple Silicon), il suffit de faire clic droit et Lire les informations // Source : Capture d'écran Numerama

Pour savoir si une application est native (Universel), émulée (Intel) ou vient d'iOS (Apple Silicon), il suffit de faire clic droit et Lire les informations

Source : Capture d'écran Numerama

Nous avons commencé notre série de benchmarks en ouvrant un projet de plus de 50 go sur Adobe Premiere Pro. Le logiciel de montage vidéo que nous utilisons à la rédaction n’est pas conçu pour les processeurs M1, mais il se lance sur le MacBook Pro M1 sans souci grâce à Rosetta 2. Nous avons lancé le même fichier sur un MacBook Pro équipé d’un Intel Core i5 de dernière génération (été 2020) et lancé un export en 1080p, aux mêmes paramètres, sur les deux machines. Résultat : le MacBook Intel a mis 13 minutes dans un concert de ventilateurs assourdissant, quand le MacBook M1 a mis 11 minutes dans un silence quasi total. 2 minutes gagnées avec un logiciel pas optimisé et sur une machine 640 € moins cher ? C’est du jamais vu.

Nous avons poursuivi nos tests avec Cinebench, le benchmark de Cinema 4D. Le processeur Apple M1 est hallucinant de rapidité pour exécuter le rendu 3D, aussi bien en monocœur qu’en multicœurs. Dans les captures d’écran ci-dessous, vous verrez à quelle position se classe le M1 par rapport à des processeurs embarqués dans des ordinateurs portables, mais aussi dans des ordinateurs de bureau. À titre d’information, le Threadripper d’AMD qui explose tout le monde sur du multicœur et se fait dépasser au classement simple cœur coûte un peu plus de 1 700 €. Soit plus que le MacBook Pro entier sur lequel nous avons lancé ce test.

Le résultat Cinebench du Apple M1 en simple cœur // Source : Benchmark Numerama

Le résultat Cinebench du Apple M1 en simple cœur

Source : Benchmark Numerama

Le résultat Cinebench du Apple M1 en multi-cœurs // Source : Benchmark Numerama

Le résultat Cinebench du Apple M1 en multi-cœurs

Source : Benchmark Numerama

Nous avons demandé à notre confrère Cassim Ketfi de lancer le benchmark sur un ZenBook 14 Ultralite, embarquant les derniers processeurs Intel de 11e génération dans un ordinateur à un peu moins de 1 600 €. Verdict : 1 361 en cœur unique, 5 101 en multicœurs. Notre MacBook M1, moins cher, est à 1 495 et 7 448.

Sur les logiciels Apple conçus pour les processeurs M1, ce constat est encore amplifié : le processeur M1 va plus vite. Un export de 30 secondes en 4K60 avec un filtre sur iMovie met 13 secondes sur le MacBook M1 et 36 secondes sur le MacBook Intel. La tâche est trois fois plus rapide sur le MacBook le moins cher. Et les premiers utilisateurs qui ont reçu un MacBook Pro M1 confirment ces tests dans des situations encore plus radicales, comme ce vidéaste chinois qui a montré que son MacBook Pro M1 exportait plus vite un fichier Final Cut Pro que son iMac Pro Intel, machine vendue à partir de 7 779 €. Son expérience est encore plus bluffante : plus l’export est complexe, plus le processeur M1 gagne de la vitesse sur le processeur Intel.

Ces tests et benchmarks vont sans nul doute se multiplier. La conséquence est énorme pour le marché de l’informatique grand public : un MacBook avec un processeur de première génération conçu par Apple est aujourd’hui plus puissant et moins cher que la plupart des concurrents sur la même gamme de produits. Cela pose, s’il le fallait, des bases solides pour la stratégie Apple Silicon : quand le géant de Cupertino s’attaquera dès l’année prochaine à des gammes plus élevées, répondant à d’autres besoins, il partira déjà avec une longueur d’avance.

Impressionnant.

Le MacBook Pro M1 // Source : Julien Cadot pour Numerama

Le MacBook Pro M1

Source : Julien Cadot pour Numerama

Le verdict

Pour paraphraser les Guignols de l’info reprenant une phrase que Steve Jobs n’a jamais prononcée : ceci est une révolution. Avec son MacBook Pro M1, Apple prouve trois choses : qu’il est désormais capable de produire des machines moins chères et plus performantes que la concurrence ; qu’il a réussi le bond si difficile vers des processeurs ARM pour des équipements de bureau puissants ; qu’il est au début d’un cycle qui a toutes les chances de le porter en leader du marché des processeurs d’ici quelques années.

Avec ce processeur M1, Tim Cook tient peut-être son « moment iPhone », celui où un produit va durablement changer l’informatique grand public et professionnelle qu’on connaît. Et contrairement à l’iPhone, qui a mis plusieurs générations avant de montrer ses plus belles facettes, le MacBook Pro M1 est déjà un produit désirable, qui fait bien plus que répondre aux attentes des consommateurs sur ce type de machine.

On a désormais qu’une envie : découvrir comment Apple Silicon se traduit dans des produits encore plus ambitieux, des iMac Pro aux MacBook Pro les plus puissants.


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