Face à une concurrence de plus en plus agressive et nombreuse, Netflix perd des abonnés pour la première fois de son histoire. Même si le service de streaming est encore très solide, il va lui falloir effectuer des changements pour rebondir.

Comment analyser les résultats trimestriels de Netflix sans tomber dans l’exagération, d’un côté comme de l’autre ? Avec 221,64 millions d’abonnés payants dans le monde, Netflix est, de loin, le service de streaming le plus populaire de la planète. Pourtant, la presse et la bourse s’affolent. Les 200 000 abonnés qui ont quitté Netflix, une première dans l’histoire du groupe, attirent toute l’attention et font présager le pire pour l’entreprise de Reed Hastings.

Netflix va-t-il mourir ? Netflix doit-il être vendu pour être sauvé ? Au 20 avril 2022, ces questions nous semblent très prématurées, pour ne pas dire excessives. Cependant, croire que Netflix peut se contenter de ses 222 millions d’abonnés est tout aussi candide. Ces résultats trimestriels, comme les précédents, doivent déclencher une alarme générale chez Netflix qui a quelques mois pour se réinventer.

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Netflix est presque devenue une chaîne comme une autre. // Source : Quote Catalog

Les problèmes de Netflix

D’ici le trimestre prochain, Netflix ne s’attend pas à une remontada. L’entreprise prévient qu’elle anticipe le départ de 2 millions d’abonnés, ce qui confirme que l’incident du premier trimestre 2022 n’en est pas vraiment un. Il y a un problème chez Netflix, voire des problèmes.

  • Pionnier du streaming, Netflix propose depuis 2007 un abonnement pour accéder à un catalogue de films et de séries en ligne. Longtemps seul sur ce domaine, il a fini par attirer les studios historiques. Disney+, HBO Max, Paramount+, Peacock… Les ex-partenaires de Netflix sont maintenant ses concurrents, avec des services de streaming dédiés à leurs catalogues (qui vident au passage celui de Netflix). Heureusement, Netflix a su anticiper ce changement en pivotant vers les contenus originaux, ce qui ne le rend plus dépendant du dernier Marvel ou des classiques de Warner Bros. Netflix doit aussi faire face à une concurrence locale, comme Canal+ en France.
  • Malheureusement pour lui, Netflix n’est aussi plus le seul « nouveau » à produire des contenus originaux. D’autres géants de la tech, comme Amazon et Apple, sont aussi présents sur ce secteur et surenchérissent pour lui dérober les meilleures productions originales. Leurs abonnements sont aussi moins chers, puisqu’ils n’en dépendent pas intégralement.
  • Pour vivre dans cet univers de plus en plus concurrentiel, Netflix doit augmenter ses prix (il s’agit de sa seule source importante de revenus). Les crises traversées dans le monde entier contraignent pourtant à faire des économies. Netflix se trouve dans une impasse, accentuée par les plus petits prix de ses rivaux. Ses offres sont aussi plus difficiles à comprendre et peu adaptées à 2022.
  • Netflix le reconnaît lui-même, 100 millions de foyers ont accès à Netflix gratuitement, puisqu’ils utilisent le compte d’une autre personne. Paradoxalement, cette spécificité qui a fait le succès du service est en train de le tuer. Pourquoi payer une vingtaine d’euros pour quelque chose que l’on peut avoir gratuitement ?
L'arrivée de la section STAR dans Disney+ // Source : Disney+
À 8,99 euros par mois, Disney+ coûte deux fois moins cher que Netflix dans sa version équivalente. // Source : Disney+

Il est temps de repenser les offres

Amis de Netflix, si vous nous lisez, voici quelques demandes modestes d’un utilisateur de votre service qui n’a pas envie de vous voir vous faire avaler par des géants sans pitié.

En marge de ses résultats financiers, Netflix a ouvert la porte à une nouvelle version de ses offres avec une nouvelle version moins chère financée par la publicité. Bonne ou mauvaise idée ? À partir du moment où les offres sans publicités restent au catalogue, si possible au même prix, nous n’y voyons aucun inconvénient. D’autres services proposent la même chose, il n’y a donc aucune raison de crier au scandale.

Cependant, il serait faux d’imaginer que cette nouvelle offre règlera tous les problèmes. Aujourd’hui, Netflix segmente son offre en trois formules : Essentiel (1 écran, qualité SD), Standard (2 écrans, qualité HD), Premium (4 écrans, qualité 4K). Selon nous, cette arnaque a assez duré. Si elle était logique il y a 5 ans, elle ne l’est plus du tout aujourd’hui. Tous les autres services proposent la qualité maximale par défaut, Netflix vous oblige à payer plus. Ce n’est pas normal, surtout qu’elle ne répond pas à tous les besoins (un utilisateur seul, qui ne partage pas son compte, mais a une télé récente, doit payer le prix maximal).

Le prix de l'abonnement Netflix frôle dangereusement les 20 euros par mois. // Source : Netflix
Le prix de l’abonnement Netflix frôle dangereusement les 20 euros par mois. // Source : Netflix

Le succès des offres concurrentes s’explique aussi par leur simplicité. Il n’y a qu’un seul abonnement Disney+, un seul abonnement Apple TV+ et qu’un seul abonnement HBO Max. Peut-être que Netflix devrait revenir à une offre unique, avec un tarif plus respectable, tout en vendant des options alléchantes. On pourrait par exemple payer une certaine somme pour un utilisateur en plus ou pour accéder à des bouquets supplémentaires, à la manière des Channels d’Amazon.

Netflix doit-il chasser ceux qui partagent leurs comptes ?

S’il blâme beaucoup le Covid qui a fait augmenter drastiquement son nombre d’abonnés puis réduit le pouvoir d’achat de ses clients, Netflix dit aussi que les gens qui partagent des comptes freinent son business. C’est indéniablement vrai, mais est-ce la bonne cible ?

Il est certain que si Netflix récupère ne serait-ce que 10 % des 100 millions de foyers qui ne payent pas, la croissance reviendra. Mais ces personnes sont-elles prêtes à payer pour un service qui a fait sa réputation sur le partage facile de mots de passe ? Si Netflix venait à prendre des mesures fortes, comme la géolocalisation des comptes, la rogne des utilisateurs anéantirait sans doute tous ses efforts. Selon nous, il ne s’agit pas de la bonne cible. À la place, Netflix devrait réfléchir à des raisons cool pour donner envie à quelqu’un de s’abonner avec son propre compte.

L’hypothèse d’une offre unique, avec des options payantes pour débloquer des sous-comptes, nous semble une nouvelle fois plutôt bonne. Encore faut-il que les gens payent, ce qui n’est pas sûr. La multiplication des services payants donne un nouvel élan au piratage.

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Le partage de comptes, une pratique répandue.

Un catalogue trop populaire, vraiment un problème ?

Autre musique que l’on entend beaucoup ces dernières heures, la qualité du catalogue de Netflix se serait effondrée. Le service privilégierait la quantité à la qualité, ce qui ne rendrait pas son offre alléchante.

Au delà du côté subjectif de ces affirmations, nous ne pensons pas que ce « problème » mérite d’être évoqué. Netflix a en effet fait le choix de la quantité et des contenus grand public, comme de très nombreux studios pourtant très populaires (coucou Disney). Tant qu’il s’adresse au plus grand nombre, et le succès de toutes ses productions en témoigne, il n’y a aucun problème avec cette stratégie qui lui permettra toujours de bénéficier d’un très grand audimat. Les puristes préfèreront HBO et Apple, les autres trouveront toujours quelque chose à se mettre sous la dent sur Netflix.

Une autre source de revenus, vite !

Finalement, la faiblesse de Netflix n’est-elle pas que Netflix n’a rien d’autre à vous vendre que… Netflix ? Faisons rapidement le point sur ses concurrents :

  • Amazon propose tout et n’importe quoi, Prime Video est une activité parallèle conçue pour attirer des abonnés vers son service Prime.
  • Apple ne gagne probablement pas d’argent avec TV+, il s’agit d’un outil pour développer des services exclusifs à ses appareils. Il privilégie seulement les productions de qualité.
  • Disney est le plus grand studio de la planète. Il règne sur le cinéma et la télévision, possède des parcs d’attractions et gagne des milliards avec les produits dérivés et ses licences fortes (Marvel, Star Wars, etc.)
  • HBO Max réunit la qualité des programmes HBO mais aussi le catalogue historique de Warner Bros, géant du cinéma, ainsi que l’information de CNN. L’opérateur AT&T se trouve derrière.
  • Paramount+ englobe les studios Paramount et CBS, le géant de la télévision américaine.
  • Peacock, qui joue pour l’instant sur la gratuité, est la déclinaison streaming du groupe NBC, géant de l’audiovisuel aux États-Unis.

Quel est le point commun entre tous ces acteurs ? Sans leur service de streaming, ils resteraient très puissants. Netflix, lui, est un service de streaming à 100%. Sa dépendance n’est pas bonne et peut conduire à sa perte.

Amazon Prime Video propose aussi du football en France. // Source : Capture d'écran
Amazon Prime Video propose aussi du football en France. // Source : Capture d’écran

Même si Netflix peut faire plusieurs choses à court terme pour repartir sur un rythme de croissance, il doit penser au futur et devra, un jour, sortir de son modèle trop centré sur une seule chose. Acheter des droits sportifs pour venir concurrencer des chaînes traditionnelles est une solution, se lancer dans l’événementiel aussi. Mais tout ceci sera-t-il suffisant face aux autres ?

Selon nous, s’il souhaite être un géant de la tech, Netflix doit se lancer dans quelque chose qui n’a rien à voir avec le streaming. Ses premiers pas dans le jeu vidéo semblent aller dans ce sens, mais il va falloir frapper beaucoup plus fort pour développer énormément de revenus. Netflix a aussi l’option du rachat et pourrait mettre la main sur une entreprise qui fait autre chose (pourquoi pas un géant du streaming musical ou un studio gaming ?) pour réduire sa dépendance vis-à-vis de son activité SVOD. Autre possibilité, mettre le main sur une licence forte, façon Marvel ou Star Wars, pour décliner les produits dérivés et les revenus sur le long terme. Bref, il y a beaucoup à faire, et encore plein de raisons de penser que cette mauvaise passe peut être provisoire.

Source : Montage Numerama

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