Prenez une grosse pincée du film Battle Royale, une demi-critique du capitalisme à la Hunger Games, une petite dose du succès Fortnite et une île perdue comme Koh Lanta, Denis Brogniart en moins. Secouez énergiquement, puis savourez la première saison de Squid Game.
Sortie fin septembre sur Netflix, la série sud-coréenne a créé la surprise en devenant aussitôt un phénomène. Listée numéro un par la plateforme dans plus de 90 pays, elle a généré 16 milliards de vidéos sur TikTok. Mais Squid Game mérite-t-elle son succès ? La réponse est plutôt mitigée.
À la fin, il n’en restera qu’un
Le premier épisode s’ouvre sur la vie de Seong Gi-Hun, un père de famille endetté qui ne cesse de parier ses maigres revenus dans des courses de chevaux. Jusqu’à ce qu’il rencontre un étrange homme en costume dans le métro, qui lui propose de rejoindre un jeu spécial. Isolé sur une île, au milieu de 456 participants en grande difficulté financière, Gi-Hun va devoir survivre à six jeux pour enfants. Chaque joueur et joueuse va risquer sa vie pour gagner la somme de 45,6 milliards de wons (environ 33 millions d’euros).
Un jeu de massacre orchestré par le réalisateur sud-coréen Hwang Dong-hyuk et inspiré par un genre très populaire, majoritairement japonais : le survival game. De King’s Game à Judge, les mangas regorgent d’œuvres cruelles, qui ne laissent qu’un seul survivant. En décembre 2020, Netflix avait déjà adapté l’un d’entre eux, Alice in Borderland, avec un principe similaire : dans ce qui ressemble à un univers parallèle, la majorité de la population a disparu, ne laissant qu’une poignée d’irréductibles, obligés de s’affronter pour subsister.
Cette série japonaise, renouvelée pour une seconde saison, avait déjà fait un carton sur la plateforme, sans devenir un programme inoubliable. Mais il est difficile d’éviter la comparaison entre Alice in Borderland et Squid Game. Trahisons à gogo, casting en demi-teinte, personnages exécrables, manque de cohérence… les deux séries se ressemblent sur de nombreux aspects. Pourtant, Squid Game parvient à tirer son épingle du jeu, grâce à quelques originalités.
Misère ou tuerie, il faut choisir
Avec ses couleurs pop, ses formes géométriques et son armée rose intrigante, la série sud-coréenne propose un univers coloré, bourré de références culturelles et facilement imitable (préparez vos costumes d’Halloween). Il n’en faut pas plus pour que ces éléments prennent part intégrante dans la pop culture, à l’image des masques de La Casa de Papel ou des blasons de Game of Thrones. À tel point que ces symboles sont déjà utilisés dans la vraie vie, de façon un peu inquiétante. Ainsi, la poupée tueuse du premier jeu de Squid Game, le « Un, deux, trois, soleil ! », fait régner l’ordre sur un passage piéton aux Philippines…
Mais la puissance de ces jeux chatoyants vient surtout de leur signification politique. Très tôt dans la série, plusieurs personnages se détachent : Gi-Hun, donc, un père catastrophique et insupportable, mais aussi un vieillard mourant, un mafieux en quête de richesse, une jeune femme combative à la recherche de ses parents, un ancien trader brillant déchu et un immigré pakistanais souhaitant mettre sa famille à l’abri. Précarisés par une société sans merci, ces protagonistes mènent une existence morne et terne, tandis que les jeux leur promettent des billets dorés.
La réalisation appuie avec brio ce contraste politique : leurs vies sont si minables dans une société si corrompue, que s’entre-tuer semble être la meilleure option. Et c’est là toute la cruauté de Squid Game, en comparaison des autres œuvres du genre : si la majorité des joueurs le demande, la tuerie peut cesser à tout moment. Là où le bain de sang est inévitable dans Alice in Borderland, Battle Royale ou Hunger Games, la série Netflix montre plutôt la difficulté de faire des choix. Chacun de ces joueurs a décidé de rester sur cette île, et de décimer ses semblables, pour une cagnotte alléchante.
Les dés toujours pipés
Sur ce point, Squid Game a largement été comparée au film Parasite, de Bong Joon-ho, couronné de récompenses en 2019. Outre le fait que les deux œuvres soient sud-coréennes, elles partagent également une volonté de critiquer la hiérarchie des classes sociales dans la société. Si les organisateurs du jeu affirment que les six épreuves permettent, pour une fois, aux participants de se battre sur un pied d’égalité, la réalité est toute autre. Même dans ces conditions extrêmes, les rapports de pouvoir et de domination ne changent guère.
Le problème, c’est que la comparaison avec Parasite ne tient guère longtemps. Très vite, Squid Game dérive sur un final classique, sans surprise. Et les neuf épisodes de cette première saison ne remettent jamais en question notre position sadique de spectateur, installé confortablement dans son canapé devant ces massacres à la chaîne. Le malaise est bien réel, et installé par de belles idées de mise en scène.
Mais la lenteur et le manque de cohérence de l’ensemble empêchent une immersion totale. On peut citer le principe même de la compétition, autour de jeux pour enfants, qui ne tient plus lors de la cinquième épreuve, ou une enquête policière inutile, qui ne permet pas d’approfondir d’autres éléments plus intéressants.
Et que dire du dénouement, qui repose sur des scénarios vus et revus dans d’autres œuvres du genre. La série ne donne pas assez de profondeur aux personnages pour que la mort tragique de certains d’entre eux nous émeuve réellement. Bref, malgré quelques retournements inattendus, Squid Game est souvent confuse et peu captivante.
Populariser le survival game
Malgré tout, le succès de la série ne peut être ignoré. Il faut dire que ce jeu du calamar a au moins le mérite de ne pas mettre en scène des adolescents. Squid Game développe de réels problèmes d’adultes, ce qui lui permet de toucher un public plus large que ses prédécesseurs.
Et puis, une série live orientée survival game et proposée par l’un des plus grands diffuseurs de notre époque, cela reste rare. Tout comme Alice in Borderland, Squid Game fait office de pionnière. Si l’animation japonaise a largement investi le genre, elle touche généralement un public déjà averti, là où la version en prises de vues réelles prend une dimension plus internationale.
Pour autant, le succès de la série semble exagéré compte tenu de sa qualité moyenne. Pour nous, c’est un game over. D’autres programmes de la plateforme de SVOD méritent bien plus le détour. Notre guide des meilleures séries sur Netflix et notre sélection de films pourront vous donner quelques idées.
Le verdict
Squid Game
Voir la ficheOn a aimé
- Un univers pop
- Un (léger) propos sociétal
- De beaux costumes pour Halloween
On a moins aimé
- Un manque de cohérence
- Quelqu’un a compris les règles de ce jeu ?
Déjà encensée à travers le monde, Squid Game ne tient pas toutes ses promesses. Si elle contient un engagement politique intéressant, la série sud-coréenne ne va pas au bout de ses idées. Reste une réalisation parfois originale, de nouvelles icônes de pop culture et la volonté de populariser un genre de niche, encore peu connu dans nos contrées : le survival game. Sans être révolutionnaire, Squid Game pourra divertir de manière sanglante, lors des longues soirées d’automne.
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