La saga Dead Space, tombée dans l’oubli après un troisième opus détesté, renaît de ses cendres grâce à un remake flamboyant du tout premier. Sous sa nouvelle robe, le jeu d’horreur SF est toujours aussi incroyable.

Au risque de ranger la modestie au placard, je ne suis pas quelqu’un qui est très sensible aux œuvres ancrées dans le genre horreur. Mettez-moi un film, enfermez-moi dans une maison hantée, plongez-moi dans un jeu vidéo flippant, rien n’y fait. Les jump-scare et autres artifices utilisés par les artistes pour faire perler des gouttes de sueur froide dans le dos des téméraires ne sont que des échecs. Mais une franchise me pousse aussi à affirmer qu’il y a toujours une exception.

Cette exception s’appelle Dead Space.

Dead Space est sorti en 2008, sur Xbox 360, PlayStation 3 et PC. Il a été développé par Visceral Games, studio qui n’existe plus aujourd’hui. Dans le genre survival-horror, surtout alimenté par la saga Resident Evil, sa réussite est immédiate. Elle a ensuite été magnifiée dans une suite encore plus trépidante, avant de se prendre un mur avec un troisième opus à côté de la plaque. Il aura précipité la chute tout à la fois de Dead Space et de Visceral Games (deux ans après la sortie de Dead Space 3). En 2023, Electronic Arts décide de commander un remake de celui par qui tout a commencé à Motive. Et on est ravi de renfiler le costume d’Isaac Clarke avec une vision qui en a fait une œuvre culte.

Dead Space // Source : Capture PS5
Une lueur d’espoir ? // Source : Capture PS5

De la bonne SF d’horreur

Disponibilité

Le remake de Dead Space est disponible à compter du 27 janvier sur PS5, Xbox Series X, Xbox Series S et PC.

Pour qui serait familier avec le premier Dead Space, ce remake ne trahit en aucun cas les fondations narratives du récit original. Il s’articule toujours autour d’Isaac Clarke, un ingénieur dont le prénom et le nom font référence à des auteurs majeurs de la SF (Isaac Asimov et Arthur C. Clarke). Il se retrouve plongé dans un enfer spatial en rejoignant l’USC Ishimura, vaisseau de minage qui méritait ses services pour une réparation. C’était sans compter la découverte d’un véritable mal qui rôde, lié à un monolithe étrange et à une religion bien opaque. Il est perpétré par des créatures particulièrement agressives, baptisées les Nécromorphes. Avec des outils de fortune, Isaac doit survivre et désépaissir un mystère également lié à sa propre femme.

Le travail sur le design sonore confine toujours autant au sublime

Si elle peut paraître très convenue (un monolithe qui contamine les gens ?), l’histoire de Dead Space reste d’une efficacité redoutable. Elle mélange des enjeux immenses, avec des objectifs plus intimes, à mesure qu’Isaac Clarke sombre dans la folie au contact des horreurs qu’il croise. Pour justifier le statut de remake, Motive a quand même retravaillé certains points, notamment l’approfondissement de plusieurs sous-intrigues ou l’ajout d’autres embranchements (par des quêtes secondaires). Les grandes lignes demeurent les mêmes, mais quelques parenthèses font leur apparition pour rendre l’expérience encore plus marquante. Elles feront certainement le bonheur des fans qui s’amuseront à jouer aux jeux des sept différences — ce qui vaut aussi pour le destin de certains personnages secondaires.

Dead Space // Source : Capture PS5
Ah oui, les monolithes… // Source : Capture PS5

C’est bien davantage la réalisation qui frôle le respect dans ce Dead Space, revigoré par un moteur 3D bien plus évolué et un projet parti d’une feuille blanche (avec un patron malgré tout déjà bien complet à suivre). Sans être aussi beau que The Callisto Protocol (son fils spirituel, disponible quelques semaines avant), le remake profite d’un rendu graphique modernisé pour appuyer toujours plus son ambiance lugubre. Grâce à des éclairages plus réalistes, Dead Space devient paradoxalement plus sombre et oppressant. Le tout est enrobé dans une réalisation en plan-séquence qui, sans atteindre la réussite créative de God of War Ragnarök dans la science du cadrage, assure une continuité totale dans l’aventure (sans aucun temps mort, ni chargement).

On est par ailleurs ravi de constater que le travail sur le design sonore confine toujours autant au sublime, dans le sens horrifique du terme. Dead Space, c’est cette alternance permanente entre les silences glaçants et les cris d’effroi. On se prend à rêver d’être en quête d’une vaine lueur d’espoir, au beau milieu des bruitages pensés pour inquiéter (une douche qui se déclenche sans prévenir, le boucan abrutissant d’une pale d’un immense ventilateur qui fait tout vibrer au rythme des changements d’éclairage). Dans sa propension à chahuter la joueuse et le joueur avec trois fois rien et à instaurer une atmosphère tout sauf accueillante, Dead Space reste un maître.

Lumières éteintes Lumières allumées

Le gameplay de Dead Space reste incontournable

La remise au goût du jour de Dead Space profite en outre à son gameplay qui, il faut bien le reconnaître, n’a pas pris une ride. Ce constat s’explique surtout par le fait qu’aucun autre jeu ne s’est vraiment aventuré, encore moins épanoui, dans cette mécanique du démembrement. Pour se débarrasser des Nécromorphes, Isaac Clark a mieux fait de tirer sur leurs bras et leurs jambes, plutôt que de viser la tête. Cette autre manière de viser change vraiment l’approche dans sa manière de vivre un jeu de tir. On apprend alors d’autres réflexes, s’efforçant d’abandonner ses vieux réflexes (on dit toujours de viser la tête…) pour jouer autrement. C’était un gameplay très frais en 2008, et ça l’est toujours en 2023.

On notera au passage que la réalisation revigorée offre l’opportunité aux développeurs de rendre les effets gores encore plus saisissants. Concrètement, en tirant plusieurs fois sur la même partie du corps, vous verrez petit à petit la peau, la chair et les os se déchiqueter avec une précision chirurgicale (sans mauvais jeu de mots). Les technologies visuelles de 2008 n’autorisaient pas d’aller aussi loin dans l’argument viscéral. Ce n’est sans doute pas pour rien que plusieurs acteurs s’amusent à multiplier les projets de remake dans le genre horreur — de Resident Evil à Silent Hill. Grâce à une partie visuelle plus solide, l’horreur devient beaucoup moins ridicule et grotesque, plus saisissante à en devenir captivante.

Dead Space // Source : Capture PS5
Le tram Dead Space n’est pas votre tram (parfois il s’arrête seul et vous fait penser qu’il ne redémarrera jamais 👻) // Source : Capture PS5

Motive a réalisé quelques changements à la marge, dans le sillage du système d’amélioration des armes (légèrement remanié), des déplacements libres — mais compliqués — en apesanteur ou encore de l’intégration d’événements aléatoires quand on franchit les dizaines de portes de l’USC Ishimura (spoiler : les ennemis peuvent venir de partout ou… ne pas venir du tout). Avec ces évolutions, couplées à des environnements retravaillés eux-aussi, le remake de Dead Space encourage beaucoup plus l’exploration. Il y a même des salles et des coffres fermés par un niveau de sécurité nécessitant d’accomplir d’abord une série d’objectifs annexes. C’est un redécoupage un peu pervers. Tandis que rien n’invite à passer du temps dans cette carcasse déshumanisée et labyrinthiques, les développeurs trouvent des moyens de prolonger la souffrance.

Dead Space // Source : Capture PS5
Dead Space, c’est du sang (et le sang) // Source : Capture PS5

Le verdict

En 2008, Dead Space terrorisait les joueuses et les joueurs avec son atmosphère lugubre, son gameplay viscéral et son récit SF aux relents psychologiques. En 2023, le remake devrait réitérer ces exploits, ravivant les cauchemars de certains, en instillant des nouveaux dans la tête des autres. Sous la houlette du studio Motive, Isaac Clarke retrouve autant sa voix que la voie, dans une aventure revigorée par une réalisation sublimant l’ambiance et le design sonore.

Il faut dire aussi que personne n’est vraiment parvenu à faire du Dead Space après Dead Space. Cette saga méritait bien plus qu’une retraite forcée après un troisième épisode travestissant tout ce qui a été si solidement établi par attrait du grand spectacle. C’est finalement un juste retour des choses : cette production majeure de la SF d’horreur ne pouvait renaître qu’en repartant de la base. En espérant que, cette fois, le décollage ne sera pas suivi d’un crash. Car, dans l’oubli, plus personne ne vous entend crier.


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