Les déclarations passées de Donald Trump au sujet du conflit judiciaire entre Apple et le FBI au sujet du chiffrement de l’iPhone inquiètent. Quelle sera la politique du président américain en matière de cryptographie ?

À moins de vivre dans une grotte sans le moindre contact avec l’extérieur, vous n’êtes pas sans savoir que Donald Trump a été élu président des États-Unis. S’il n’entrera en fonction que le 20 janvier 2017, les questions sur son mandat affluent déjà. Le président élu a déjà livré ses vues sur un certain nombre d’enjeux. du numérique et des nouvelles technologies mais, sur d’autres sujets, l’incertitude demeure. C’est par exemple le cas de la neutralité du net.

La même interrogation existe pour le chiffrement. Donald Trump sera-t-il sur la même ligne que son prédécesseur, qui s’est employé tout au long de son deuxième mandat à ménager la chèvre et le chou ? Fera-t-il preuve d’une bienveillance inattendue pour la protection et la confidentialité des données ou, au contraire, cherchera-t-il à durcir le ton au nom de la lutte antiterroriste ?

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CC Jeso Carneiro

Ces questions préoccupent l’Association Internet. C’est pourquoi le lobby des géants de la tech — 40 sociétés en sont membres, de Google à Facebook, d’eBay à Airbnb, en passant par Netflix, Amazon, PayPal, Snapchat, Twitter, Yahoo, Dropbox, LinkedIn… — vient d’adresser un long courrier à Donald Trump pour lui exposer ses priorités dans le secteur. Priorités que Donald Trump aurait tout intérêt à embrasser, selon le message implicite transmis par ces entreprises.

Née en 2012, l’Association Internet a milité pour empêcher l’émergence de lois similaires au PIPA (Protect IP Act) et au SOPA (Stop Online Piracy Act) en faisant du lobbying auprès du législateur. Ces deux textes avaient entraîné un débat très vif aux USA ; leurs détracteurs craignaient un affaiblissement de la liberté d’expression et un ralentissement du développement du net au nom de la lutte contre la contrefaçon. Par la suite, le rôle de l’Association Internet s’est élargi à d’autres thématiques.

Le chiffrement, une priorité

Le courrier couvre un certain nombre de sujets, de la réforme de la surveillance électronique — dont la révélation par Edward Snowden en 2013 a fait scandale — à la révision de l’Electronic Communications Privacy Act (ECPA), jugée vétuste, et qui peut obliger une société à donner à la police l’accès à des données hébergées sur des serveurs, tout en lui interdisant de le faire savoir aux suspects qui font l’objet de la perquisition.

Le chiffrement est aussi mentionné : « Un chiffrement fort est essentiel à la sécurité nationale et individuelle. La cryptographie est la clé de la défense nationale et elle protège également le système financier ainsi que les infrastructures critiques de notre pays. Il protège aussi les usagers des gouvernements répressifs qui cherchent à étouffer la parole et la démocratie, et il préserve les utilisateurs des acteurs néfastes qui cherchent à voler leurs données sensibles », peut-on lire dans la missive des géants de la tech.

Un chiffrement fort est essentiel à la sécurité nationale et individuelle

« Les lois qui obligent les entreprises à créer des vulnérabilités dans les produits et les services nuisent à la vie privée et mettent en danger la sécurité nationale. La prise en charge d’une cryptographie forte rend l’Amérique plus sûre », poursuit l’association, dans une allusion évidente à la fusillade de San Bernardino, survenue le 2 décembre 2015 en Californie.

Cette affaire avait mis au premier plan médiatique la question du chiffrement et les problèmes qu’il pose aux forces de l’ordre.  À l’époque, le FBI avait poursuivi en justice Apple pour qu’il débloque le contenu chiffré de l’iPhone du principal suspect, ce qu’Apple n’avait finalement pas eu à faire. Le conflit s’était alors terminé sans qu’une jurisprudence ne permette de déterminer l’obligation (ou non) qu’aurait un fabricant de téléphones de pirater les appareils de ses propres clients, lorsque les autorités ont besoin d’y avoir accès.

Mais ce n’est peut-être que partie remise.

Toujours est-il que les géants de la tech peuvent avoir des inquiétudes légitimes sur ce que va faire Donald Trump en matière de chiffrement. Après tout, c’est bien lui qui, commentant l’affrontement judiciaire entre le FBI et Apple, déclarait : « pour qui se prennent-ils chez Apple ? Ils doivent débloquer [cet iPhone] ». Il avait même été jusqu’à appeler au boycott de la firme de Cupertino si elle persistait à refuser d’aider la police fédérale américaine « Ce qu’on devrait faire, c’est boycotter Apple jusqu’à ce qu’ils donnent le code [au FBI] ».

De manière générale, le chiffrement ne sert pas qu’à agacer le FBI. Comme le rappelle l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) dans un passionnant web-documentaire, « la cryptologie fait partie intégrante de notre quotidien depuis l’avènement d’Internet. Aujourd’hui incontournable, cette science du secret offre des possibilités sans équivalent connu à ce jour ». Elle assure tout à la fois la confidentialité, l’authenticité, l’intégrité et la non-répudiation.

Reste à savoir si Donald Trump sera sensible aux arguments de l’Association Internet. Si le président-élu a donné le sentiment d’avoir légèrement adouci les angles depuis le scrutin du 8 novembre, ses déclarations passées nourrissent légitimement les inquiétudes. Pour beaucoup de leaders des nouvelles technologies et du numérique, l’affaire est de toute façon entendue : la présidence du Républicain sera « désastreuse pour l’innovation ».

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