En retirant sa demande d’assistance, le Département de la Justice (DoJ) ne s’épargne pas seulement le risque d’une jurisprudence défavorable. Il envoie au monde le signal que les iPhone ne sont pas aussi bien sécurisés qu’Apple le pensait.

Le procès tant attendu n’aura pas lieu. Lundi, le Département de la Justice (DoJ) des États-Unis a annoncé le retrait de la procédure par laquelle il demandait à un tribunal californien de l’aider à déverrouiller l’iPhone 5C du tireur de San Bernadino, Syed Rizwan Farook. « Le gouvernement a désormais accédé avec succès aux données contenues dans l’iPhone de Farook et n’a donc plus besoin de l’assistance d’Apple », écrit sobrement l’administration américaine dans sa demande de retrait.

Une semaine plus tôt, alors que les auditions devant le tribunal de Riverside devaient commencer, le DoJ avait demandé à la dernière minute au président du tribunal de mettre en pause la procédure, le temps de tester une solution d’extraction des données proposée par une « tierce partie ». Selon les médias israéliens, il s’agirait de la société Cellebrite, qui fournit déjà des outils d’analyse de smartphones aux services d’enquête de très nombreux pays.

Le 23 mars 2016, le jour-même où le gouvernement annonçait avoir peut-être trouvé une solution permettant de se passer d’Apple, le FBI signait un contrat avec Cellebrite :

Le retrait de la procédure confirme que la solution proposée a fonctionné. Mais l’on ne sait toujours pas quel est le moyen technologique, matériel ou logiciel, qui a été employé. Et l’on ne sait pas non plus pour le moment si les données extraites étaient intéressantes pour l’enquête — ce qui n’est pas du tout certain, s’agissant du téléphone professionnel du suspect, qui disposait aussi d’un téléphone personnel.

Bonne ou mauvaise nouvelle pour Apple ?

Du côté d’Apple, l’annonce du retrait de la plainte n’a certainement pas l’odeur de la victoire que la firme pouvait espérer. Sauf à ce que le Département de la Justice ait de nouveaux besoins d’assistance technique à l’avenir, la justice californienne n’aura pas la possibilité de reprendre à son compte les arguments implacables d’un juge de New York, qui avait jugé la requête contraire à la Constitution américaine.

Avec ce retrait s’en va l’opportunité d’une jurisprudence ferme qui aurait évité, à Apple comme aux autres, de devoir coopérer au piratage des appareils de leurs propres clients. L’incertitude est donc nécessairement une mauvaise nouvelle.

Nous continuerons à renforcer la sécurité de nos produits à mesure que les menaces et les attaques contre nos données deviennent plus fréquentes et plus sophistiquées

Par ailleurs, et c’est sans doute le plus embêtant pour Apple, le FBI ne dit évidemment rien de la méthode utilisée pour accéder finalement au contenu de l’iPhone. Or toute cette procédure avait été une formidable publicité pour la sécurité des nouveaux iPhone, solides au point que même les meilleurs experts du FBI n’arrivent pas à les pénétrer. Cette publicité tombe. Et c’est même désormais le message inverse qui est envoyé : les iPhone sont vulnérables.

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La firme de Cupertino a donc publié un communiqué lundi, dans lequel elle se garde de tout triomphalisme et prévient qu’elle continuera à renforcer la sécurité de ses produits, n’en déplaise aux autorités :

« Depuis le début, nous nous sommes opposés aux demandes du FBI qu’Apple construise un backdoor dans l’iPhone, parce que nous pensions que c’était mal et que ça créerait un précédent dangereux. En conséquence du retrait du gouvernement, rien de cela n’est arrivé. Cette affaire n’aurait jamais dû être portée.

Nous allons continuer à aider les autorités dans leurs investigations, comme nous l’avons toujours fait, et nous continuerons à renforcer la sécurité de nos produits à mesure que les menaces et les attaques contre nos données deviennent plus fréquentes et plus sophistiquées.

Apple croit profondément que le peuple des États-Unis et à travers le monde mérite une protection des données, une sécurité, et une vie privée. Sacrifier l’un pour l’autre met seulement le peuple et les pays face à un risque accru.

Cette affaire a soulevé des questions qui méritent une discussion nationale sur nos libertés civiles, et sur notre sécurité et notre vie privée collectives. Apple reste déterminé à participer à cette discussion. »

Toute la difficulté désormais pour Apple sera de deviner comment le FBI a pu accéder aux données de l’iPhone de Farook, pour combler une brèche qui peut être exploitée, non seulement par les autorités judiciaires américaines, mais aussi par des organisations criminelles ou des états autoritaires.

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