Le média allemand Handelsblatt a eu accès à 100 Go de données émanant de Tesla. Cette fuite permet d’avoir des informations supplémentaires sur la gestion des données personnelles, les accidents d’Autopilot, les freinages fantômes et les protocoles du SAV.

Malgré la clause de confidentialité signée par le personnel Tesla, de plus en plus de documents internes fuitent. Dans des volumes aussi importants (100 Go), c’est par contre inédit. Le média Handelsblatt, qui n’en est pas à son coup d’essai sur des révélations concernant Tesla, a donc lancé une enquête approfondie. Elle les a menés à interroger des personnes dans plus de 10 pays pour corroborer les documents qu’ils ont étudiés.

Dans ce long article publié sur Handelsblatt le 25 mai, le média dresse un portrait pas toujours flatteur de la marque américaine. Il faut dire qu’entre les grandes promesses de son patron, Elon Musk, et la réalité, il y a souvent tout un monde. De cette enquête du média allemand, il y a quatre éléments marquants.

1. Des données clients sans grande protection

Qu’il s’agisse de données de ses clients ou de son personnel, Tesla ne semble pas avoir mis en place les sécurités nécessaires pour protéger les informations sensibles. Le média allemand précise même que les données clients sont « en abondance » dans les différents fichiers qu’ils ont obtenus.

Store Tesla  // Source : Tesla
Store Tesla // Source : Tesla

Ce qui a d’ailleurs permis aux journalistes de facilement aller interroger certains des clients, qui avaient émis des rapports d’incidents auprès de Tesla, suite à des problèmes d’Autopilot. Les journalistes ont pu aisément vérifier que les données présentes dans les rapports d’incidents reçus correspondaient bien à des plaintes réellement formulées par les clients. Ils ont aussi pu avoir la version des clients par rapport aux incidents, y compris pour des affaires qui n’ont pas été médiatisées. Après l’affaire de l’utilisation des caméras à l’insu des clients, il est difficile d’être vraiment surpris.

Le média a également pu consulter des fichiers listant plus de 100 000 salariés (actuels ou anciens) avec leurs données personnelles respectives : numéro de sécurité sociale, adresse email privée, numéro de téléphone personnel, coordonnées bancaires et montants des salaires…

Les autorités allemandes ont également reçu ces données. Une procédure pour non-respect de la protection des données personnelles (RGPD) va très certainement être diligentée.

2. Plus de 3 000 plaintes sur les aides à la conduite reçues par Tesla

Parmi les documents récupérés, le média a eu accès à un fichier contenant pas moins de 3 000 entrées. Il liste toutes les préoccupations des clients sur des comportements anormaux de leur Tesla sur une période s’étendant de 2015 à 2022. Ceci concerne essentiellement des critiques et signalements autour du système Autopilot et FSD. Handelsblatt a ainsi pu décompter :

  • 2 400 réclamations pour des accélérations involontaires du véhicule,
  • 1 500 liées à des problèmes de freinage,
  • 139 cas de freinage d’urgence involontaire,
  • 383 freinages fantômes signalés.

Il ne s’agit ici que des éléments remontés par les clients à Tesla. La réalité, notamment concernant les freinages fantômes, affiche des chiffres bien plus élevés. Il y a par ailleurs plus de 1 000 crashs recensés dans les fichiers, dans lesquels les clients étaient clairement identifiés.

3. Accélération involontaire et freinage fantôme : un danger bien connu en interne

Tesla est forcément au courant des problèmes que rencontrent ses voitures. Rien n’échappe à l’entreprise. Mais la marque a développé une maîtrise parfaite dans l’art de masquer la poussière sous le tapis.

Une présentation interne de mai 2018 en témoigne. Il s’agit apparemment d’un support de présentation pour une réunion entre ingénieurs afin d’analyser les erreurs. Au milieu d’une dizaine de catégories de problèmes, le média a relevé, concernant le freinage et les accélérations involontaires, la mention : « Dangereux – sans avertissement préalable, risque direct pour la sécurité du client»

Quand le média a demandé à Tesla de commenter le document, le constructeur a demandé à ce que le document soit supprimé.

La Tesla Model 3 avec système d'ultrason // Source : Tesla
La Tesla Model 3 avec système d’ultrason // Source : Tesla

La suppression des radars semble avoir réduit les plaintes des clients concernant les accélérations et les freinages d’urgence involontaires. Le problème est apriori purement logiciel, des sortes de faux positifs qui induisent le véhicule en erreur sur les dangers immédiats présents sur la route. L’intelligence artificielle a encore beaucoup à apprendre.

4. SAV : jamais de traces écrites

Les clients qui ont déjà traité avec le SAV l’ont probablement déjà remarqué, mais les documents des Tesla-Files le confirment. Les employés gérant les plaintes du service après-vente ne confirmeront jamais aucun problème technique rencontré par écrit. Les échanges se font de vive voix, et bien sûr, jamais de message laissé sur un répondeur non plus.

Intervention sav Tesla // Source : Tesla
Intervention sav Tesla // Source : Tesla

C’est indiqué dans une des notes reçues dans les 100 Go de données. Si des informations doivent être transmises, elles ne doivent l’être que « VERBALEMENT au client », une précision indiquée en gras dans le document. Les agents sont formés pour offrir le moins d’éléments possibles pour éviter que le client puisse se retourner contre la marque.

Difficile de savoir si Handelsblatt a déjà révélé toutes les informations découvertes dans cette montagne d’informations. Jusqu’à maintenant, il n’y a pas de grandes surprises dans tous les éléments publiés le 25 mai ou, du moins, rien qui pourrait mettre en péril l’image de Tesla. Même si la mauvaise protection des données personnelles donnera certainement fort à faire à l’entreprise et pourrait lui coûter cher.


Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !