Oui, le chargeur doit disparaître des boîtes de smartphone.

Hier Apple, aujourd’hui Samsung. Les bruits de couloir se multiplient sur le sujet : les prochains smartphones des grandes marques pourraient être livrés sans chargeur. Sur les réseaux sociaux, les réactions sont mitigées : plusieurs internautes ne peuvent s’empêcher de lancer une pique à l’une ou l’autre des entreprises, accusée à chaque fois de maximiser ses profits au détriment du client.

Mais si l’on y réfléchit quelques secondes, ces rumeurs ne sont pas un si, mais un quand. Et on aurait tendance à répondre : le plus vite possible.

Un engagement environnemental

Dans le viseur de l’écologie depuis de nombreuses années, les marques de l’électronique grand public n’ont pas toutes été attentistes. La première raison, c’est que d’une part, de manière tout à fait cynique, il ne faut jamais oublier que leur business n’existera plus si la planète ne survit pas ou qu’une crise économique suit une crise écologique qui empêchera leurs affaires de prospérer. D’autre part, parce que l’écologie est autant une nécessité qu’une valeur qui peut faire décider, en 2020, d’un achat. Apple n’a pas attendu que l’écologie soit un sujet pour améliorer ses processus de fabrication, son recyclage, sa consommation électrique, son suivi durable des produits et son approvisionnement en minerais rares — aux côtés de Microsoft, HP, et Alphabet (Google), Apple surclasse les entreprises de la tech.

Samsung, de son côté, a plusieurs fois été pointé du doigt : on se souvient de l’action de Greenpeace qui avait plombé sa conférence du MWC, de l’épisode Galaxy Note 7 qui a gâché tant de ressources ou du simple fait qu’il se positionne en dernier dans le classement de l’Enough Project sur l’extraction des terres rares déjà cité. Que ce soit pour parfaire une image de bon élève du milieu ou pour rattraper un retard sur ces questions, les deux entreprises ont des cartes à jouer sur le terrain de la durabilité.

On attend donc que les deux marques soient les premières à donner l’exemple, d’autant que cet engagement pourrait freiner la vague des marques entrantes chinoises, volontairement low cost, qui cumulent des processus de fabrication opaques et une certaine frénésie à sortir des modèles jetables tous les quatre matins.

Et commencer par éliminer les chargeurs et les écouteurs comme des éléments dûs aux clients est un pas qu’il faudra franchir.

Vous avez déjà un chargeur

Comme le sac jetable devenu optionnel à la sortie des supermarchés et, dans des pays moins en retard que la France, le ticket de caisse, le chargeur pourrait devenir une option. En 2019, Apple a même été jusqu’à l’absurde sur cette question : l’iPhone 11 est livré avec le même chargeur que celui de l’iPhone 4, sorti en 2010. Cela signifie qu’une personne ayant acheté un smartphone ces 9 (ou 10) dernières années, ce qui est fort probable dans la mesure où le cycle de renouvellement tourne autour de 3 à 4 ans, possède exactement le même objet que celui fourni dans la boîte du dernier iPhone. En 2 ou 3 exemplaires.

Sans même parler du fait que ces produits sont aujourd’hui très largement intercompatibles. L’USB-C, si décrié au départ parce qu’il forçait à changer de format d’accessoire, a beaucoup fait en ce sens. Aujourd’hui, un même type de chargeur permet de brancher une Switch, un MacBook Pro, un smartphone Samsung — seul l’iPhone n’a pas encore un embout USB-C, mais peut se charger avec un câble USB-C vers Lightning. Le pire qu’il puisse arriver, c’est d’avoir une charge lente, si le bloc d’alimentation n’est pas bien dimensionné.

Au-delà de l’USB-C, tout le monde s’est un jour retrouvé à avoir oublié son chargeur et a utilisé celui d’un ami en branchant simplement son câble au port USB de son bloc d’alimentation — le temps des chargeurs propriétaires où chaque téléphone avait son embout de charge cylindrique et un fil soudé à l’adaptateur est bien révolu. On peut enfin évoquer les chargeurs multiprises, de très bonne facture aujourd’hui — la rédaction utilise des Anker depuis plusieurs années. Voire, les prises USB directement dans le mur des logements et des hôtels qui se multiplient.

Avec autour de 200 millions d’iPhone vendus par an et près de 300 millions de smartphones Samsung, ce sont donc près de 500 millions de blocs d’alimentation qui sont expédiés chaque année pour, peut-être un usage négligeable ou redondant. Il en va de même des écouteurs : aujourd’hui, le kit main libre de base fourni avec la plupart des smartphones est un accessoire bas de gamme, facilement cassé et vite remplacé — quand il n’est pas tout simplement laissé dans la boîte.

Le chargeur livré avec l'iPhone 11 était déjà dans la boîte de l'iPhone 4 // Source : Capture d'écran Numerama

Le chargeur livré avec l'iPhone 11 était déjà dans la boîte de l'iPhone 4

Source : Capture d'écran Numerama

On pourra rétorquer que tout le monde n’a pas cet équipement chez soi et qu’un produit inutilisable sorti de boîte pourrait être une déception — voire être illégal. Mais l’urgence climatique doit faire bouger les lignes et remettre en cause ce superflu que l’on prend pour acquis. De plus en plus de consommateurs sont aussi aujourd’hui prêts à accepter un peu d’inconfort pour faire un effort. Tout l’enjeu sera, pour les entreprises, de montrer qu’elles en font un aussi.

Et ce n’est pas le cas à l’heure où ces lignes sont écrites.

Aujourd’hui, sur le magasin en ligne d’Apple, le vieux chargeur hérité de l’iPhone 4 coûte 25 €. Le nouveau chargeur, adapté aux usages modernes coûte 35 €. Un câble de 1 mètre, USB-C ou USB-A, coûte 25 €. Pour le client qui souhaiterait les deux composants haut de gamme, la facture s’élèverait à 60 € : un prix indécent pour pouvoir recharger un produit que l’on vient de payer cher.

Il faudrait, pour convaincre qu’il ne s’agit pas que d’une décision financière, que le prix de ces produits lors de l’achat d’un smartphone soit symbolique. Pas gratuit (qui refuserait quelque chose de gratuit ?), mais suffisamment bas pour que l’option soit une réflexion : 10 €, ou 15 € pour le pack d’accessoire. En usant de psychologie inversée, il pourrait même être économisé sur le prix d’achat : payez moins cher votre iPhone ou votre Samsung Galaxy en refusant d’avoir des objets que vous avez déjà est un message qui passe mieux que payez plus pour avoir des objets qui étaient fournis dans la boîte l’an passé.

À ce jeu, Free a été malin : les accessoires de la Freebox Pop sont proposés en option à tous les clients. Ceux qui n’ont pas besoin de lecteur TV ou de répéteur peuvent tout simplement ne pas les commander. Si le prix de l’abonnement ne change pas, une réduction de 10 € par objet est faite sur la première facture. Un modèle à imiter ?

 

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