La Commission européenne avait fait condamner Qualcomm en 2018 pour abus de position dominante. L’amende s’élevait à un milliard d’euros. Quatre ans plus tard, cette décision est annulée.

C’est un revers considérable pour la Commission européenne. Un de plus dans ses efforts de recadrer les pratiques des très grands groupes du numérique et de la tech en matière de concurrence. Dans un arrêt rendu le 15 juin 2022, le Tribunal de l’Union européenne a annulé une décision de Bruxelles datant de 2018. Celle-ci concernait l’équipementier américain Qualcomm.

C’est la troisième fois en l’espace de quelques années que la Commission se fait renvoyer dans les cordes par le Tribunal. En 2020, la justice européenne annulait la décision obligeant Apple à rendre 13 milliards d’euros à l’Irlande, faute de preuves. En 2021, Amazon échappait à une sanction de 250 millions d’euros, pour des raisons similaires. Et en 2022, c’est Qualcomm.

Des erreurs dans l’analyse de la Commission

Cette fois, c’est un problème procédural qui a conduit la juridiction du Vieux Continent à casser l’amende d’un milliard d’euros contre la société spécialisée dans les puces électroniques. « Plusieurs irrégularités procédurales ont affecté les droits de la défense de Qualcomm », commente le Tribunal dans un communiqué de presse publié ce jour.

Le Tribunal a, dans son verdict, également rejeté la pertinence de l’analyse menée par la Commission européenne pour considérer la culpabilité de Qualcomm. D’une part, les magistrats ont relevé que l’angle choisi par la Commission pour attaquer Qualcomm ne correspondait pas à celui précédemment retenu par Bruxelles pour informer la société des problèmes identifiés.

En l’espèce, l’exécutif européen s’est uniquement concentré sur un abus de position dominante dans le marché des puces 4G (LTE — Long Term Evolution), alors qu’il a transmis à Qualcomm des griefs visant un abus tant sur ce marché que sur celui des puces 3G (UMTS — Universal Mobile Telecommunications System). Cela a joué en défaveur de Qualcomm, tranche le Tribunal.

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Qualcomm est un équipementier qui fournit des solutions dans les smartphones et les tablettes, notamment. // Source : Qualcomm

Cette différence « avait une incidence sur la pertinence des données sur lesquelles se fondait l’analyse économique de Qualcomm » pour se défendre et contester les reproches formulés par la Commission. Bruxelles, en somme, aurait dû voir cet écart, entendre les arguments de Qualcomm et à tout le moins adapter et affiner son analyse.

À cela, le Tribunal ajoute une autre observation. Dans cette affaire, Qualcomm a été accusé d’avoir eu un plan anti-concurrentiel pour s’assurer l’exclusivité commerciale auprès d’Apple (qui depuis vole de ses propres ailes). En clair, si des incitations ont réduit la motivation d’Apple à aller voir la concurrence pour s’approvisionner en puces 4G, encore fallait-il qu’elle existe alors.

« Il ressort de la décision de la Commission qu’Apple n’avait pas d’alternative technique aux chipsets LTE de Qualcomm pour la majeure partie de ses besoins au cours de la période concernée », développe le Tribunal. L’analyse de Bruxelles est donc amputée de certaines « circonstances factuelles pertinentes » susceptibles de donner une vue plus complète de la situation.

De façon générale, conclut le Tribunal, la Commission n’a pas produit un dossier suffisamment étayé pour démontrer que les paiements de Qualcomm ont été véritablement de nature à détourner Apple de la concurrence pour obtenir des puces 4G, notamment pour certaines classes d’appareil — en l’espèce, certains modèles d’iPad en 2014 et 2015.

Dans ces conditions, la décision de la Commission contre Qualcomm est « entachée d’illégalité ». L’amende d’environ un milliard d’euros à son encontre n’a donc pas lieu d’être. Bruxelles a éventuellement la possibilité de former un pourvoi, mais cela ne changera plus rien aux faits. Au mieux la justice précisera certaines questions de droit.

Source : Numerama

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