Depuis le début de la campagne vaccinale, nous assistons à une valse des pourcentages exprimant l’efficacité des vaccins contre le covid. D’où sortent ces chiffres ? Comment expliquer leurs variations ? Explication avec Bruno Lina, virologue.

97 %, 87,3 %, 50 %, les chiffres s’enchaînent sans se ressembler et tentent tous de dire l’efficacité des vaccins contre le Covid-19. Mais comment mesure t-on exactement l’efficacité des vaccins ? Et que signifie cette efficacité ? Faisons le point pour y voir plus clair.

L’efficacité d’un vaccin, c’est quoi au juste ?

Questionnons d’abord la notion d’efficacité. Lorsque les chercheuses et les chercheurs évaluent un vaccin, ils peuvent interroger :

  • Sa capacité à faire éviter une forme asymptomatique de l’infection à la personne vaccinée ;
  • Sa capacité à faire éviter une forme symptomatique de l’infection à la personne vaccinée ;
  • Sa capacité à faire éviter une forme grave de l’infection à la personne vaccinée ;
  • Sa capacité à produire une immunité stérilisante. Bruno Lina, virologue au centre international de recherche en virologie au CHU de Lyon, précise : « Ce serait alors un vaccin capable d’immuniser contre l’infection, qui permettrait ainsi de ne pas développer la maladie, de ne pas avoir de symptômes, de ne pas être hospitalisé, de ne pas être porteur asymptomatique, et de ne pas contaminer de tierces personnes. »

« Pour les vaccins contre le covid, le risque de portage viral n’a pas été évalué, explique Bruno Lina. C’est pour cela que des personnes vaccinées peuvent être porteuses asymptomatiques ou avec peu de symptômes, même si leur nombre est réduit par la vaccination. À l’heure actuelle, en France, nous sommes le plus souvent focalisés sur la prévention des formes graves, qui permet d’éviter la saturation hospitalière — un indicateur clé pour décider des mesures de freinage épidémique.

Essais de phase 3

Telle que définie par les chercheuses et les chercheurs, l’efficacité du vaccin est d’abord évalué en phase 3 de l’essai clinique. À ce stade, on mène une étude de cohorte sur le plus grand nombre de personnes possibles, de préférence dans un espace où le virus circule activement. Au sein de cette cohorte, la moitié des participants et participantes reçoit le vaccin et l’autre un placebo.

Chaque personne vit sa vie normalement. Fatalement, une part se contamine et développe des symptômes. On mesure alors la part de personnes vaccinées parmi les personnes contaminées. S’il y a moins de personnes vaccinées parmi les personnes contaminées, on estime que le vaccin est efficace. Mais, en vertu d’un consensus international, ce n’est que s’il est au moins efficace à 50 % qu’il pourra être mis sur le marché.

Une efficacité à l’échelle du groupe

Mais que signifie ce pourcentage d’efficacité ? Mettons qu’un vaccin est efficace à 70 %. On pourrait, par un raccourci, être tenté de penser que l’on a 30 % de risque d’attraper la maladie en ayant été vacciné. En réalité, ce n’est pas que cela indique. Cela signifie que dans un groupe de plusieurs milliers de personnes non vaccinées où l’on détecterait 100 cas d’une maladie quelconque, on n’aurait que 30 cas si tout le monde était vacciné. Ainsi, l’efficacité est mesurée à l’échelle d’un groupe et il est quasi-impossible de déterminer les risques à l’échelle individuelle.

Mais cela n’est pas figé : dans une étude préliminaire publiée en juin, et réalisée sur des chimpanzés, des chercheurs ont essayé d’évaluer l’efficacité d’un vaccin en fonction de la réponse immunitaire individuelle. C’est une piste à explorer pour évaluer plus finement l’efficacité vaccinale, mais nous n’y sommes pas encore !

À l’épreuve des mutations

« La situation la plus simple serait d’avoir un virus stable, qui ne mute pas, ne développe pas de résistance au vaccin tel qu’il a été développé, explique Bruno Lina. Or, avec le covid, ce n’est pas le cas. Le virus mute et l’efficacité moléculaire du vaccin varie selon les mutations du virus. » C’est la raison pour laquelle les pourcentages d’efficacité changent depuis le début de la campagne vaccinale. Alors, il faut réévaluer constamment l’efficacité vaccinale au prisme des variants et ce, en temps réel.

« Pour ce faire, il existe deux méthodes, commente Bruno Lina. La méthode observationnelle, d’abord. Elle peut être très utile mais comporte de nombreux biais puisqu’elle est aléatoire et qu’il n’y a pas de groupe contrôle. Elle tend à surestimer l’efficacité vaccinale. » L’autre méthode est ce que l’on appelle le « test negative design » (TND) . Celle-ci permet d’avoir une évaluation plus juste, à un instant T, en population réelle. Elle permet ainsi de mesurer l’efficacité réelle du vaccin à un moment précis relativement au comportement du variant dominant en circulation. « On observe alors la proportion de personnes contaminées symptomatiques parmi les individus vaccinés et non vaccinés. »

L’analyse, au sein d’un groupe, sera stratifiée en fonction de plusieurs paramètres : la dose de vaccin (non vacciné, vacciné partiellement, totalement vacciné), la tranche d’âge, le sexe, la présence ou l’absence de conditions à haut risque, la ou les semaines de l’année, le temps écoulé depuis la vaccination et tout autre facteur modificateur de l’effet identifié. On pourra aussi considérer la gravité des symptômes développés par la personne contaminée, si elle est hospitalisée, placée sous oxygène, intubée, ou encore si elle décède. Tous ces résultats, forts utiles, n’auront néanmoins qu’une validité temporaire.

Par ailleurs, comme le précise Bruno Lina, « le TDN ne permet pas de mesurer l’efficacité du vaccin contre le portage asyptomatique, contrairement à la méthode observationnelle qui donnera une tendance générale. C’est ainsi que l’on peut donner des chiffres comme ‘le vaccin réduit de 6 à 8 fois la contagiosité’. » Enfin, le virologue souligne : « Dans toute mesure de l’efficacité vaccinale, il y a un intervalle de confiance. Cela signifie que pour comparer l’efficacité de deux vaccins et dire que l’un est plus efficace qu’un autre, il faut que les intervalles ne se superposent pas. En outre, il faudra aussi comparer la durée de la protection.»  À garder en tête lorsqu’on lira des comparaisons parfois hâtives.

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