Il n’y a aucune preuve de l’existence d’un gène de la dépression. Depuis 20 ans, la communauté scientifique cherche ce gène en vain, affirme une équipe de scientifiques dans la revue American Journal of Psychiatry (AJP).
Leur étude, publiée le 1er mai 2019, vient remettre en cause des centaines de publications scientifiques, comme le souligne Nature. Les chercheurs ont analysé 18 gènes qui ont été associés à la dépression dans de précédentes études. Ils n’ont pas trouvé que ces gènes pouvaient influencer ce risque. Depuis plus de vingt ans, la communauté scientifique s’intéressait pourtant à ce sujet.
Un gène pointé du doigt en 1996
Retour en 1996. Des scientifiques de l’Institut de psychiatrie de Londres découvrent qu’un gène, baptisé SLC6A4 (à l’origine du transporteur de la sérotonine 5-HHT) peut jouer un rôle dans « les troubles affectifs » et le risque de dépression. Une décennie plus tard, plus de 300 analyses ont été réalisées par des spécialistes du comportement, de la psychiatrie et de la pharmacologie sur ce sujet, résume une autre étude. D’autres travaux ont été publiés jusqu’à ce jour, portant leur nombre total à 450, comme le précise The Atlantic.
« Les premières hypothèses sur les potentiels gènes de la dépression étaient incorrectes. […] Nos résultats contrastent fortement avec la littérature sur les gènes candidats », écrivent désormais les chercheurs dans AJP. Ils ont procédé à une vaste analyse de données, portant sur des groupes de 62 000 à 443 000 personnes. L’objectif était de vérifier si les versions de ces 18 gènes les plus fréquemment associées à la dépression, dont le gène SLC6A4, étaient plus présentes chez les individus qui rapportaient souffrir de dépression.
« 20 ans à étudier du bruit »
Aucun lien n’a pu être mis en évidence. « Comment diable avons-nous pu consacrer 20 ans et des centaines de millions de dollars à étudier du bruit ? », s’est étonné Matthew Keller, spécialiste de la psychologie et des neurosciences à l’université du Colorado à Boulder et co-auteur de l’étude, auprès de The Atlantic. Ce travail n’est pas le premier à remettre en doute les liens entre le gène SLC6A4 et le risque de dépression. En 2005, des scientifiques ont étudié un panel de 100 000 individus et ont conclu que cette hypothèse n’était pas vérifiée.
Et si la nouvelle étude s’était trompée ? Les chercheurs admettent qu’ils ont très bien pu oublier d’autres gènes qui auraient fait l’objet d’études scientifiques moins nombreuses que pour le SLC6A4. Il se défendent cependant en disant que 9 des 18 gènes étudiés représentaient à eux seuls 86 % du total des études recensées. « La capacité à s’autocorriger est un élément essentiel de tout projet scientifique. C’est avec cela en tête que nous présentons ces résultats », écrivent-ils, espérant inciter la communauté scientifique à repenser le lien établi entre les gènes et la dépression.
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