Une canicule extrême et tardive s’empare de la France depuis le 17 août 2023. Il faut s’attendre à des pics de température à 40° C dans le sud du pays ces prochains jours. Désormais, on doit s’habituer à parler de canicule, de dôme, de plume ou de vague de chaleur de plus en plus fréquemment. Ainsi qu’adopter de multiples astuces pour supporter un peu mieux les fortes chaleurs. En raison du changement climatique, la France devrait connaître des bouleversements dans les décennies à venir, dont des vagues de chaleur qui risquent bien de se multiplier.
De telles hausses des températures rappellent aussi à notre souvenir l’épisode de canicule survenu entre juin et août 2003 en Europe. Selon l’Inserm, 15 000 décès ont été causés par cette vague de chaleur hors du commun en France, par rapport à la mortalité habituellement enregistrée à cette période de l’année. Plus récemment, l’été 2022 a été le plus chaud jamais enregistré en Europe et il serait responsable de plus de 60 000 décès.
Si l’on comprend sans mal qu’une chaleur excessive est néfaste pour le corps humain — passer quelques minutes dans un open space non climatisé en plein été permet de s’en apercevoir –, les effets exacts de ce « coup de chaud » sur l’organisme sont moins connus. Sans prétendre à l’exhaustivité, il est en tout cas possible de lister certaines réactions corporelles liées à une exposition à la chaleur.
Il y a deux types de « coups de chaud »
En 2012, le Dr Pierre Hausfater, spécialiste en médecine interne, et Bruno Riou, chef du service de réanimation de l’Hôpital Pitié-Salpétrière, expliquaient comment survient « le coup de chaleur », qui est « une pathologie rare voire exceptionnelle en France en condition climatique habituelle ».
Les spécialistes différencient deux types de coups de chaleur : le coup de chaleur environnemental, qui se produit lors d’ « une vague de chaleur exceptionnelle » et touche surtout « la population âgée », et « le coup de chaleur d’exercice » qui touche une population jeune, et survient lors d’épreuves physiques réalisées dans des conditions de forte chaleur.
L’équilibre entre la production et la perte de chaleur par le corps influence directement la température corporelle. Comme l’expliquent Pierre Hausfater et Bruno Riou, le corps évacue la chaleur par la peau, à travers différents processus (comme l’évaporation ou la conduction). Pour réguler sa température centrale, le corps possède des neurones thermosensitifs, qui se trouvent dans l’hypothalamus. Il s’appuie aussi sur des « récepteurs thermosensibles » situés dans la peau et dans les muscles.
Comment se traduit le coup de chaud sur cette régulation ? Lorsque le corps accumule de la chaleur exogène, il peut se retrouver en hyperthermie : sa température s’élève au-dessus de sa valeur normale, de 37 à 37,5 ° Celsius — au-delà de 41,5 ° C, le risque de décès est possible, car des problèmes irréversibles peuvent atteindre le cerveau.
Pourquoi le corps ne parvient-il plus à se réguler en cas de canicule ?
Lors de cette hyperthermie, les spécialistes notent que la chaleur a pour effet de faire dilater les vaisseaux cutanés, qui se trouvent sous la peau — ceux qui sont responsables de sa vascularisation. Le débit sanguin devient plus élevé, afin de favoriser encore plus les échanges de chaleur dans le processus de la sudation. Pour le corps, ce processus est gourmand en énergie, et se passe au détriment d’autres zones : le corps se concentre alors moins sur la circulation sanguine au niveau des reins et des organes digestifs. Par ailleurs, l’hyperthermie amène le corps a transpirer davantage, et à chercher à diminuer sa production de chaleur.
En temps normal, ces trois mécanismes sont suffisants pour maintenir une température qui ne dépasse pas sa limite physiologique (c’est-à-dire les fonctions et les réactions normales de l’organisme). Selon les deux spécialistes cités, il faut convoquer deux mécanismes pour comprendre pourquoi la température du corps peut alors continuer de s’élever, et pourquoi le corps ne parvient plus à se réguler.
Le premier concerne l’hypothalamus : cette structure du système nerveux central risque de subir des lésions directes liées à la température ambiante élevée. En effet, l’hypothalamus « perd alors la capacité de thermostat et celle de déclencher une thermolyse par sudation » — la thermolyse étant justement les systèmes mis en œuvre par l’organisme pour stabiliser sa température interne. Or, cet équilibre est principalement atteint par la sudation.
Le deuxième mécanisme concerne le système cardiovasculaire : il se trouve lui aussi en situation de défaillance, car il n’arrive pas non plus à favoriser cet équilibre de la température interne du corps. Pour atteindre la thermolyse, le corps a besoin d’accroitre son rythme cardiaque (de 12 à 14 litres par minute). Il lui faut également augmenter le flux de sang dans les vaisseaux cutanés (pour atteindre 8 litres par minute) : en faisant cela, les vaisseaux sanguins qui assurent la vascularisation de l’appareil digestif subissent une vasoconstriction. Cela signifie que leur diamètre diminue, l’objectif étant de réguler pression artérielle.
Autrement dit, le cœur diminue la part de travail qu’il accorde habituellement à d’autres organes, puisqu’il se concentre sur son travail dédié à la peau, et qu’il doit dans le même temps conserver un débit le plus stable possible. Pierre Hausfater et Bruno Riou notent ici que la défaillance du système cardiovasculaire est le mécanisme qui se produit le plus couramment dans la population la plus âgée, en raison « des modifications physiologiques […] liées à l’âge ».
« Lorsqu’on est déshydraté, il y a moins de liquide dans les vaisseaux, et cela atteint l’ensemble du système cardiovasculaire, c’est-à-dire le circuit d’alimentation des organes du corps humain », explique à Numerama Agnès Ricard-Hibon, médecin urgentiste.
La chaleur provoque des lésions à l’intérieur des cellules
Au niveau des cellules de l’organisme, « la chaleur provoque des lésions directes » dont l’intensité peut varier en fonction de la température atteinte, et de la durée de cette hausse de température. Une température de 41,6 °C ou plus, atteinte pendant une durée de 45 minutes à 8 heures, peut provoquer des lésions cellulaires.
Dans le cas du coup de chaleur environnemental, les spécialistes rappellent qu’il est souvent lié à une vague de chaleur, c’est-à-dire « au moins trois jours successifs de température ambiante supérieure à 32 °C ». C’est ce qui leur fait dire qu’ « une vague de chaleur se définit moins météorologiquement que médicalement », puisqu’il s’agit du premier élément prédictif d’un coup de chaleur.
Néanmoins, toutes les personnes ne sont pas égales face à cette « charge thermique » : en fonction de facteurs génétiques, des cas où les personnes voient leurs capacités diminuées (par exemple, en état d’ébriété), et de l’âge, les situations peuvent varier.
En cas de canicule, le gouvernement rappelle que les personnes âgées de plus de 65 ans, les femmes enceintes, les enfants de moins de quatre ans, les personnes malades, en situation de précarité, les sportifs et travailleurs de plein air, sont particulièrement vulnérables aux coups de chaleur. Pour l’éviter, quelques précautions s’imposent, comme boire régulièrement de l’eau, se rafraichir le corps et éviter de sortir aux heures les plus chaudes de la journée.
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