Elden Ring a complètement aspiré mon âme. J’ai tant sacrifié pour lui — beaucoup d’heures de sommeil, un soupçon de vie sociale — mais il me l’a rendu au centuple. Les moments inouïs ainsi offerts se sont transformés en souvenirs impérissables. D’un autre côté, j’ai envie de détester cet Elden Ring. Car il laisse en nous le sentiment suivant : tout ce qui va passer après risque d’être d’une fadeur extrême en comparaison. Le nouveau bijou développé par FromSoftware, en collaboration avec George R.R. Martin, repousse les limites de l’ambition de base : celle de réinventer une fois encore une formule qui compte des millions d’adeptes. Cette formule, c’est Dark Souls.
Attendu comme le messie depuis maintenant très longtemps, repoussé à la dernière minute parce qu’il aime beaucoup jouer avec les nerfs, Elden Ring ne tombera pas dans la case des désillusions (coucou Cyberpunk 2077). En dépit d’une somme incalculable de fantasmes générés, le RPG orienté action de From Software est une brillante réussite comme on en voit finalement peu sur le marché du jeu vidéo. Autant dire que l’autoproclamé jeu de l’année 2022 (oui, on ose) fera date pour le média, un peu moins de cinq ans après The Legend of Zelda: Breath of the Wild. En quelque sorte, il vient prendre le relai du chef-d’œuvre de Nintendo pour repousser toujours plus loin les limites des expériences en monde ouvert.
Oui, Elden Ring est un jeu difficile
Disponibilité
Elden Ring est disponible à compter du 25 février 2022 sur PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series S, Xbox Series X et PC.
Autant évacuer le sujet (qui fâche ?) tout de suite : oui, Elden Ring est un jeu difficile. Mais l’important est finalement ailleurs. Comme l’a suggéré le directeur du jeu à l’occasion de plusieurs interviews, From Software a pensé cet héritier des Dark Souls comme une production un peu plus accessible. Mon expérience personnelle le confirme. Le premier vrai boss important, prénommé Godrick, s’affirme comme une première vraie épreuve. Au bout d’une dizaine d’essais, j’ai rebroussé chemin et je suis parti découvrir l’immense — je pèse mes mots — carte sur laquelle est bâti Elden Ring. Et je ne suis plus jamais retourné croiser le fer avec mon bourreau pendant au moins dix heures. Pendant ce laps de temps, Elden Ring n’a été que découvertes sur découvertes, secrets sur secrets. Il y a vraiment de quoi être ébahi par ce que FromSoftware a créé. J’ai beau avoir dépassé les 40 heures de jeu, j’ai le sentiment de n’avoir qu’effleuré du doigt l’incroyable potentiel d’Elden Ring.
La réinvention
Il faut dès lors comprendre qu’Elden Ring est une sorte de deux jeux-en-un. D’un côté, il y a la structure désormais très classique d’un Dark Souls, aux bruitages près (les aficionados ne seront pas dépaysés), avec tout ce que cela implique en termes de challenge. De l’autre, Elden Ring sait devenir ce The Legend of Zelda: Breath of the Wild 2.0 — cet appel à l’exploration gratifiante, jamais amenée par une narration frontale (c’est donc cela, la navigation organique), toujours par la curiosité de celle ou celui qui fera le pas supplémentaire ou ira voir ce recoin a priori sans histoire. De ce désir d’en voir plus naîtra sa propre aventure, à l’arrivée très personnelle. Lire : votre Elden Ring ne sera pas le Elden Ring de votre voisin. L’intrigue, très en retrait, permet cela. En ce sens, là où l’opacité des Dark Souls pouvait être un frein, celle d’Elden Ring devient une aubaine pour que tout un chacun puisse s’émerveiller à sa convenance.
Par ricochet, la difficulté éternellement liée à la philosophie s’efface — un tantinet — derrière l’épopée à la démesure sans équivalent. Sans jamais vraiment s’y noyer non plus. Sur ce point, Elden Ring est un véritable tour de force. Vous trébuchez devant un ennemi récalcitrant ? Il y a une dizaine de pas de côté possibles pour profiter du jeu sans tomber dans la frustration ou la fierté mal placée. Les barrières d’autrefois sont devenues autant d’opportunités de voir autre chose. Parfois, c’est le fruit du hasard qui sera source d’étonnement. Elden Ring vient sublimer l’exploration avec des idées plein la besace, quand les Dark Souls récompensent la résilience face aux échecs répétés, jusqu’à l’accomplissement. Bref, on est dans l’exercice de la réinvention.
Mille trucs à faire
Elden Ring commence comme tous les jeux From Software : par une mort certaine. L’écran « Vous êtes mort » risque d’ailleurs d’apparaître très souvent, le temps de reprendre ses marques (pour les experts) ou d’apprendre les rudiments d’un gameplay qui pardonne très peu les approximations. Sur les combats en eux-mêmes, Elden Ring n’offre pas grand-chose de plus qu’avant. Il s’arme de plusieurs éléments du genre RPG — de la création du personnage avec choix de la classe à la personnalisation de l’arsenal — pour offrir pléthore de moyens de se défendre face aux nombreuses menaces qui peuplent l’Entre-terre. Magie, arsenal plus classique, mix des deux… Elden Ring est un fourre-tout appréciable, dont on préfère ne pas trop parler pour garder vos surprises intactes.
Elden Ring en impose
Avec toutes les pièces qu’il propose, les joueuses et les joueurs peuvent concevoir leur propre puzzle. Certains miseront sur la puissance des sorts accessibles avec des rangs élevés dans l’Intelligence et/ou la Foi, quand d’autres préfèreront miser sur la force brute pour devenir un guerrier capable d’encaisser beaucoup et de riposter avec fracas. On imagine déjà mille et un guides qui permettront d’obtenir des builds précis et optimisés comme il se doit. Elden Ring a quand même gagné un saut — hérité de Sekiro: Shadows Die Twice — et un cheval, pensé pour faciliter les balades et qui peut s’avérer utile dans certains affrontements (spoiler : c’est plus facile de s’échapper quand un dragon nous fait face).
En termes de richesse d’univers, Elden Ring en impose. On sait que George R.R. Martin a établi les bases, sans connaître non plus avec précision ce qu’on doit vraiment à l’auteur impitoyable. Quoi qu’il en soit, une chose demeure sûre et certaine : Elden Ring est comme la boîte aux chocolats de Forrest Gump. On ne sait jamais vraiment sur quoi on va tomber, aussi bien en matière d’environnements traversés (la variété des biomes est à souligner, sans oublier les bâtiments à l’architecture labyrinthique et le travail sur la verticalité) que de créatures ignobles à occire. Pendant mes pérégrinations dans l’Entre-terre, j’ai abattu plusieurs dragons, renvoyé six pieds sous terre un nombre incalculable de boss secondaires (symbolisés par une barre de vie qui apparaît en bas de l’écran) ou encore annihilé des hordes d’abominations. Je suis tombé aussi, plusieurs dizaines de fois (j’ai arrêté de compter à 150 trépas). Elden Ring se mérite, mais le voyage vaut vraiment le péril.
D’autant que, techniquement, le jeu de From Software est d’une solidité assez redoutable. Sur PlayStation 5, le mode Performance n’a pas trop à rougir de l’option centrée sur la fidélité visuelle. Il octroie surtout un confort indéniable, avec une fluidité quasi infaillible et des temps de chargement éclairs. Ces arguments articulés autour de la qualité de vie donne encore plus envie de se plonger dans Elden Ring. Et s’il n’est pas la claque visuelle qu’est Horizon Forbidden West, force est de reconnaître qu’il a des arguments artistiques qui touchent au sublime. Certes, tout est un peu effrayant, voire grotesque, dans Elden Ring. Mais il faut savoir trouver le beau dans le monstrueux.
Des défauts dans Elden Ring ?
Comme évoqué précédemment, l’histoire d’Elden Ring n’est vraiment pas un point fort. Grosso modo, on incarne un apprenti héros chargé de débarrasser un monde déchiré de plusieurs demi-dieux récalcitrants, dans le but de devenir un Seigneur. FromSoftware oblige, l’intrigue devient trop vite cryptique pour qu’on s’y retrouve vraiment. Il faudra sans doute attendre des analyses très poussées pour tout bien saisir.
Pour ne rien arranger, la structure ultra ouverte dilue un peu plus les rares élans scénaristiques intégrés par un studio qui ne fait rien pour accompagner l’aventurière ou l’aventurier dans son périple. Rien de foncièrement grave, puisque le plaisir se trouve ailleurs. Mais pour qui chercherait une intrigue poussée, Elden Ring ne saura être une satisfaction — un comble quand on sait que George R.R. Martin a prêté sa plume.
On pourra aussi déplorer quelques redites. Pour remplir ses environnements étendus, FromSoftware a de temps à autre fait appel à du copier/coller. Il arrive que deux entrées de cavernes se ressemblent comme deux gouttes d’eau ou qu’un boss soit le même que celui battu quelques heures plus tôt à un autre endroit. On pardonnera ce petit détail à Elden Ring. Après tout, il nous épargne un syndrome Ubisoft, à savoir des quêtes annexes qui se répètent d’une zone à l’autre, simplement pour remplir, dans le but d’obtenir une durée de vie conséquente. Elden Ring ne tombe pas dans ce piège, mais il lui arrive de céder à la facilité. D’ailleurs, FromSoftware se permet de s’autociter (les fans y verront des références).
Enfin, le mode coopératif reste encore trop limité pour vraiment devenir un argument en soi — sans compter qu’il est compliqué à mettre en place. Elden Ring demeure ce jeu qui se vit seul. On pourra être accompagné de manière épisodique, éventuellement pour passer un obstacle. Mais c’est tout. Peut-être que FromSoftware se garde un vrai mode à plusieurs pour un futur projet. Ce serait une autre manière de repenser Dark Souls, formule que le studio ne cesse de bousculer à chaque proposition. Avec brio, à chaque fois. Vivement la prochaine. En attendant, on retourne s’abandonner dans l’Entre-terre.
Le verdict
Elden Ring
Voir la ficheOn a aimé
- Dark Souls, encore réinventé
- Un incroyable potentiel d’exploration
- Gameplay toujours exigeant et épanouissant
On a moins aimé
- Intrigue (volontairement) en retrait
- Coop limité
- Vous avez pensé à notre vie sociale ?
Grandiose. Magnifique. Ébouriffant. Surprenant. Incroyable. Dantesque. Épique. Transcendant. Varié. Riche. Profond. Effrayant. Cruel. Épanouissant. Difficile. Cauchemardesque. Fluide. Ardu. Terrible. Épouvantable. Obsédant. Mirifique. Peaufiné. Maîtrisé. Enivrant. Phénoménal. Hypnotisant. Séduisant. Piégeur. Réussi. Piquant. Jusqu’au-boutiste. Curieux. Audacieux. Osé. Organique. Dépaysant. Extrême. Génial. Inoubliable.
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