Mark Zuckerberg sera-t-il candidat à l’élection présidentielle américaine de 2020 ? Si le patron de Facebook nie toute ambition politique, ses récents engagements alimentent les spéculations. Retour sur ces signaux scrutés au plus près par les médias américains, alors que Facebook vient d’annoncer sa volonté de « rapprocher le monde ».

Pour « rapprocher le monde », conformément à la nouvelle mission fondatrice de Facebook annoncée par Mark Zuckerberg ce jeudi 22 juin — mais déjà évoquée en février –, le patron du réseau social compte-t-il succéder à Donald Trump à la Maison Blanche en 2020 ?

Si le scénario d’une candidature présidentielle de Mark Zuckerberg alimente les spéculations depuis plusieurs années, il n’a jamais semblé aussi consistant qu’en 2017.  Et le dernier changement annoncé par le patron du réseau social qui compte près de 2 milliards d’utilisateurs ne fait que renforcer la spéculation.

Devant le public réuni à Chicago, Mark Zuckerberg a ainsi lancé : « chaque jour, je me dis que je n’ai pas tellement de temps devant moi sur Terre et je me dis : ‘comment avoir le meilleur impact positif possible ?’ […] À l’heure actuelle, le plus important est à mon avis de rapprocher les gens. C’est tellement crucial que nous allons revoir la mission globale de Facebook pour [relever ce défi] ». Le réseau social a notamment pour objectif concret d’inciter un milliard d’utilisateurs à rejoindre des « groupes utiles ».

Quel meilleur tremplin que Facebook pour servir sa candidature ? 

Certains se mettent à rêver d’une candidature du prodige de la tech, qui pourrait s’imposer en connaisseur des révolutions à venir : voitures autonomes, intelligence artificielle… L’étape semble logique dans le parcours de Mark Zuckerberg : quel défi lui reste-t-il à relever maintenant que Facebook s’est imposé comme un géant incontournable dans le monde entier ?

Le défi des fake news, des contenus de propagande terroriste et des violences filmées reste omniprésent, mais le milliardaire pourrait se servir de la portée inégalée de sa plateforme comme d’un tremplin pour servir des ambitions encore plus élevées.

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Un milliardaire philanthrope rôdé à la communication

Mark Zuckerberg a parcouru bien du chemin depuis qu’il a créé Facebook en 2004 dans son dortoir de l’université Harvard, lui qui avait déjà conçu, enfant, une messagerie instantanée. Le milliardaire de 33 ans est aujourd’hui à la tête d’une entreprise de plus 15 000 personnes, dont le moindre changement (fonctionnalité, mise à jour…) se répercute auprès d’utilisateurs venus du monde entier.

Les premières spéculations autour de son éventuelle ambition présidentielle commencent à germer le 1er décembre 2015, lorsque Mark Zuckerberg et son épouse Chan publient une lettre ouverte à leur fille tout juste née : « nous lançons la Chan Zuckerberg Initiative pour toucher les gens tout autour du monde, afin de faire progresser le potentiel humain et de promouvoir l’égalité de tous les enfants [de ta génération]. Nos premiers domaines d’investissement seront l’apprentissage personnalisé, la guérison des maladies, la mise en relation [entre individus] et la construction de communautés fortes ».

Le couple annonce par la même occasion un geste fort : le don, au cours de leur vie, de 99 % de leurs actions Facebook — qui valaient à l’époque 45 milliards de dollars — à cette initiative philanthropique. S’il est fréquent pour les personnalités américaines d’encourager ou de lancer des actions caritatives, l’annonce, près d’un un an plus tard, du don de 3 milliards de dollars dans la recherche médicale, ayant pour objectif de « guérir toutes les maladies », conforte les partisans d’un tel scénario.

Zuckerberg part à la rencontre des Américains

Mais la machine « Zuckerberg 2020 » s’emballe surtout au début de l’année 2017, lorsque le patron de Facebook annonce son nouveau défi : visiter tous les États américains d’ici la fin de l’année pour y rencontrer différents Américains. Un objectif qui implique de se rendre dans 30 États au total, le patron de Facebook en ayant déjà parcouru 20.

Le descriptif de sa mission a des accents politiques : « il semble que nous nous trouvions à un tournant de notre histoire. Pendant des décennies, la technologie et la mondialisation ont accru notre productivité et nos connexions/relations. Cela a entraîné beaucoup d’avantages mais ça a aussi rendu la vie de nombreuses personnes bien plus difficile. […] Nous devons trouver un moyen de changer la donne pour qu’elle bénéficie à tous ».

Le fait de se fixer des « objectifs personnels » n’est certes pas nouveau pour Mark Zuckerberg, qui s’était déjà donné pour défi d’apprendre le chinois ou encore de construire un assistant virtuel nommé Jarvis pour gérer sa maison. Mais la tournée qu’il entame à travers les États-Unis relève plutôt de la communication prisée des responsables politiques, ne serait-ce que par son organisation logistique.

« Un milliardaire philanthrope californien aimerait dîner chez vous »

Les coulisses de sa rencontre avec Daniel Moore, un habitant de Newton Falls, dans l’Ohio,  en disent long sur le degré de préparation et de contrôle exercé par l’équipe de Mark Zuckerberg. Le futur hôte éphémère du patron de Facebook se voit ainsi demandé au téléphone s’il serait d’accord pour accueillir un « milliardaire philanthrope californien » sans savoir de qui il s’agit. Après avoir obtenu son accord, l’équipe de Mark Zuckerberg organise une visite préliminaire chez les Moore.

Le jour J,  Daniel Moore apprend qu’il s’apprête à accueillir Mark Zuckerberg 15 minutes seulement avant qu’il émerge d’un des SUV noirs qui ont surgi devant sa maison. Quand il demande, au cours du repas, à Zuckerberg ce qui motive sa tournée des États-Unis, le trentenaire lui explique s’être lancé « à la recherche de faits » après avoir réalisé en 2016 qu’il « ne connaissait pas son propre pays ».

La visite est relayée sur Facebook à grand renfort de photos. Mais l’équipe qui accompagne Mark Zuckerberg sur place insiste bien auprès de Daniel Moore et de sa famille pour qu’ils véhiculent leur message : non, l’initiative de Mark Zuckerberg n’est pas une campagne de communication visant à préparer sa candidature à la présidentielle. Et peu importe s’il compte, dans son équipe, sur d’anciens habitués de la Maison Blanche comme le photographe Charles Omanney, qui a couvert les deux mandats de Barack Obama, ou encore d’anciens agents des services secrets devenus gardes du corps.

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Zuckerberg nie toute ambition politique

Rencontre avec l’Amérique rurale et les animaux, échanges avec des Américains de tous horizons… Mark Zuckerberg se met en scène dans une campagne largement relayée sur Facebook mais nie ouvertement toute ambition politique, alors qu’il reprend tous les codes de la communication du milieu, lui qui a pu les observer au plus près grâce à ses rencontres avec différents chefs d’État au fil des années.

Fin mai 2017, plusieurs mois après avoir entamé sa tournée dans différents États, il résume son expérience de terrain dans un message sur sa page Facebook, et en profite pour revenir sur ce scénario populaire : « certains d’entre vous m’ont donné si ce défi signifie que je vais me porter candidat à des élections. Non. Je fais simplement cela pour m’offrir une perspective plus large et m’assurer que nous assurons le meilleur service possible à nos près de 2 milliards d’utilisateurs de Facebook. »

En coulisses, pourtant, il s’active depuis déjà plusieurs mois en vue d’une éventuelle reconversion. Les plus gros indices restent les changements dans la gestion interne de Facebook envisagés en 2016. Un conflit juridique entre Mark Zuckerberg et des investisseurs de Facebook révèle qu’il a tenté de modifier les règles de l’entreprise pour s’assurer de pouvoir en garder le contrôle même s’il s’absente pendant 2 ans pour travailler « dans un service gouvernemental ». Un délai inférieur aux 4 années du mandat présidentiel, mais qui traduit son possible désir d’engagement politique, comme une première étape avant ce sommet.

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Demande de rencontre avec le directeur de campagne d’Hillary Clinton

Dans les derniers jours de la présidentielle américaine, les fuites de WikiLeaks sur les mails de John Podesta, directeur de campagne d’Hillary Clinton, révèlent que ce dernier a échangé avec Sheryl Sandberg, la numéro deux de Facebook.

Elle lui a en effet écrit en août 2016 pour l’inciter à une rencontre avec son patron : [Mark] a commencé à s’interroger sur la manière de donner forme à ses moyens de promotion autour de ses priorités philanthropiques et il est particulièrement intéressé à l’idée de rencontrer des gens qui pourraient l’aider à comprendre comment faire avancer les choses sur certaines politiques publiques qui le préoccupent […] (comme l’immigration, l’éducation ou la recherche scientifique la plus sommaire ».

Dans sa réponse, John Podesta se dit prêt à une rencontre malgré son calendrier surchargé. On ignore si les deux hommes se sont finalement rencontrés. Facebook, de son côté, a refusé de commenter cette information.

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Des prises de position politiques plus affirmées

Le 25 décembre 2016, Mark Zuckerberg tire officiellement un trait sur ce qui est considéré par une majorité d’Américains comme le plus gros obstacle de tout candidat à la présidentielle : son athéisme. Après avoir souhaité sur son compte Facebook un joyeux Noël et une bonne Hanouka à ses 90 millions d’abonnés, il répond à un utilisateur qui lui demande : « tu n’es pas athée ? » : « non, j’ai été élevé dans la religion juive avant de traverser une période où je me suis interrogé sur beaucoup de choses, mais je suis désormais convaincu que la religion est très importante ».

Depuis l’élection de Donald Trump, Mark Zuckerberg se montre bien plus engagé politiquement. Celui qui affirmait, en septembre 2013, n’être ni Démocrate ni Républicain. s’était jusqu’ici simplement fait connaître pour sa participation au lancement, en 2013, du lobby Fwd.us, qui appelait à étendre la portée du visa H1-B, sésame d’accès des travailleurs étrangers au le monde de la tech américaine.

Mais depuis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, Mark Zuckerberg s’est montré critique de l’action du président, lui reprochant notamment l’adoption de son Muslim Ban, le décret qui interdit l’entrée sur le territoire américain aux ressortissants de différents pays à majorité musulmane. Le patron de Facebook a par ailleurs reconnu s’être entretenu à plusieurs reprises au téléphone avec Trump et appelle aujourd’hui à tester le revenu universel.

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CC Maurizio Pesce

« Il veut devenir empereur »

Faut-il y voir un moyen de se dédouaner après les critiques portées contre Facebook, que certains accusent d’avoir favorisé l’élection du nouveau président grâce à la prolifération de fake news ?

Quoi qu’il en soit, en janvier 2017, l’arrivée au sein de la Chan Zuckerberg Initiative de David Plouffe, stratège de la campagne électorale de Barack Obama en 2008, ne passe pas inaperçue. L’expérience et le carnet d’adresses de David Plouffe en font l’homme idéal pour mener le lobbying politique du projet philanthropique. Ou pour porter toute autre ambition poursuivie par celui qui veut « devenir empereur », à en croire le témoignage de ses proches rapporté par Nick Bilton.

Pour ce journaliste de Vanity Fair, le scénario le plus probable reste celui d’une candidature en 2024. Un horizon plus éloigné qui laisserait le temps à Mark Zuckerberg d’acquérir encore plus d’expérience sur le terrain et de consolider sa carrure de candidat — il aurait alors 40 ans.

Sur la page Wikipédia de l’élection présidentielle américaine de 2020, où une catégorie est déjà dédiée aux « candidats potentiels », Mark Zuckerberg figure en tout cas dans la sous-section des personnalités ayant « refusé d’être candidat ». Mais d’ici là, les choses ont le temps de changer. D’autant qu’il y a encore un an, l’idée qu’un milliardaire complètement extérieur au monde politique comme Donald Trump puisse être élu à la présidence des États-Unis paraissait encore absurde.

Le  groupe qui a déjà lancé un appel aux dons pour que Mark Zuckerberg se porte candidat en 2020 l’a bien compris.

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