Les aides publiques changent de règles pour favoriser la production locale. Derrière une idée qui peut sembler positive pour l’emploi en France se cache une autre réalité, moins glorieuse. C’est le sujet abordé dans l’édito de notre newsletter Watt Else du 30 novembre.

Peut-on vraiment sauver des emplois en favorisant le « made in France » avec des aides à l’achat dirigées ? Je ne crois pas aux contes de fée, et tout ceci apparait dans le contexte actuel comme une utopie. Autant dire que sur les réseaux sociaux, le débat fait rage. Difficile de dénoncer les mesures protectionnistes du bonus écologique ou les décisions mal ficelées de l’Europe sans être accusée de vouloir tuer les emplois en France. 

La promesse est belle sur le papier : si l’on arrête de donner des aides à l’achat sur des voitures électriques fabriquées à l’étranger, les clients vont se précipiter sur les voitures françaises et cela va créer (ou sauver) plein d’emplois ! Mais en réalité, il est quand même assez difficile de donner un quelconque crédit à cette théorie, qui remet en question le fonctionnement même de l’offre et de la demande

Sauver des emplois ou créer une bulle ?

Le gouvernement a lancé un grand plan de réindustrialisation de la France. Maintenant que l’on a incité (fiscalement) les constructeurs à relocaliser la production, il faut exciter la demande, car les usines ne peuvent pas tourner à vide sans aller droit dans le mur. 

Renault produit des clones numériques de ses modèles // Source : Raphaelle Baut
Renault et l’usine du futur // Source : Raphaelle Baut

Hélas, comme il n’est pas possible de produire à bas coût en France, les voitures les plus populaires n’y sont pas assemblées. Pour acheter local, il faut actuellement dépenser plus de 35 100 €, et souvent au-dessus de 40 000 €. Cela commence à faire cher la préférence nationale. Pas surprenant que seuls deux modèles « made in France » figurent dans le Top 20 des immatriculations françaises : Renault Mégane e-tech et l’historique Zoé. La future Renault 5 à 25 000 € apparait alors comme un phare dans la nuit pour doper les volumes de vente et de production, qui restent extrêmement bas pour les autres modèles.

Alors, pour artificialiser la demande vers les constructeurs nationaux, les pouvoir publics ont donc eu l’idée de fausser le jeu de la concurrence. C’est l’objet du futur bonus écologique, mais aussi d’autres aides, comme celle de la Région Ile-de-France qui va réserver ses deniers aux voitures électriques fabriquées en France. À ce petit jeu, la Mégane e-tech sera probablement au sommet des immatriculations du printemps prochain, mais au milieu d’un effondrement des ventes de toutes les autres voitures électriques. On aura alors tout gagné !

Le favoritisme n’apportera pas le volume nécessaire

Ce qu’il faut désormais, c’est casser le plafond de verre. Cela passera par des gammes de voitures électriques pour tous les usages et pour tous les budgets. Plus la voiture électrique sera en circulation, moins la transition sera freinée par les doutes et la désinformation. Cela ne peut donc pas reposer sur deux groupes industriels.

La demande est en plus amenée à ralentir maintenant que les « early adopters » ont déjà fait leurs emplettes. Le marché de la voiture électrique est dans un moment charnière, où il faut dorénavant convaincre la masse de changer du thermique vers l’électrique. C’est avec des volumes de production suffisants et des marges confortables que les constructeurs pourront survivre. La carotte agitée au bout d’un bâton pour acheter local est dérisoire. 

« Nos impôts doivent servir aux entreprises françaises »

En plaidant pour favoriser la libre-concurrence comme moyen de dynamiser le marché, je suis souvent accusée de vouloir voler les emplois de « nos » enfants, car il est bien connu que tous les enfants rêvent d’aller assembler des voitures à l’usine.

Emmanuel Macron en visite chez Renault devant la future Mégane e-tech // Source : Renault
Emmanuel Macron en visite chez Renault devant la future Mégane e-tech // Source : Renault

Un autre élément revient aussi assez fréquemment dans les échanges : « Mes impôts doivent servir aux emplois français, pas aux chinois. » Rappelons quand même qu’à l’heure d’un dérèglement climatique planétaire, l’objectif initial du bonus écologique (et des aides à l’achat) était de rendre un peu plus abordable une technologie –  encore couteuse – pour accompagner une transition écologique rapide en réduisant les émissions de CO2. À aucun moment, cela ne devait privilégier des entreprises locales qui ont, pour certaines, glandouillé pendant des années à repousser le moment de traiter la question plus sérieusement.

Si le gouvernement veut ajouter une « surprime » pour l’achat bleu-blanc-rouge, c’est une bonne idée, mais qui ne doit pas se faire au détriment des autres constructeurs ou du climat. 

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