Emmanuel Macron est en visite officielle aux États-Unis. Parmi les sujets portés par le président français auprès de son homologue américain, il y a la question du bonus américain (aide à l’achat d’un véhicule) qui ne s’applique qu’aux véhicules assemblés sur le territoire US. Cette politique protectionniste dérange, autant qu’elle inspire. Emmanuel Macron, au nom de l’Europe, tente donc de convaincre Joe Biden d’assouplir les règles. Pendant ce temps, depuis plusieurs mois en France, Bruno Le Maire souhaite copier le modèle américain.
La démarche d’Emmanuel Macron paraît alors contredire les communications récentes de son ministre de l’Économie. Le bonus écologique, qui n’est réservé qu’aux modèles électriques européens, semble déjà avoir du plomb dans l’aile. À moins que tout ceci ne serve finalement qu’à légitimer sa mise en place en France.
Le Maire défend un bonus écologique pour les voitures électriques produites en Europe
En réponse aux mesures protectionnistes mises en place par les États-Unis, pour favoriser la production de voitures sur son territoire, Bruno Le Maire a à son tour émis l’hypothèse d’appliquer le même type de bonus en Europe.
Depuis le mois de septembre 2022, Bruno Le Maire a, à plusieurs reprises, insisté sur l’importance de privilégier la production de véhicules européens, face notamment aux voitures électriques chinoises : « Il ne nous a pas échappé que les États-Unis réservent leur bonus aux véhicules produits sur leur territoire. Je pense qu’il est temps d’ouvrir cette réflexion en Europe, et nous demander s’il ne faut pas réserver les bonus pour les véhicules électriques, soit à des véhicules produits sur le territoire européen, soit à des véhicules qui soient strictement et rigoureusement conformes aux nouveaux standards environnementaux. »
Le bonus écologique actuel ne fait pas de distinction. Une Dacia Spring ou une MG4, toutes les deux produites en Chine, permettront chacune d’obtenir une aide à l’achat, au même titre qu’une Renault Mégane E-tech produite en France. L’essentiel est actuellement de favoriser la transition vers le véhicule électrique. Néanmoins, les politiques et les constructeurs européens craignent un déferlement de véhicules chinois à bas prix, qu’ils ne pourront concurrencer. Il y a donc urgence selon certains d’entre eux, comme Carlos Tavares, patron de Stellantis, à trouver une solution pour limiter l’attractivité des modèles étrangers. L’idée d’un bonus réservé aux véhicules assemblés en Europe correspond à ce que les États-Unis et la Chine ont déjà mis en place, l’idée fait ainsi son chemin.
Lors de la conférence du Paris Automotive Summit, se tenant pendant le Mondial de Paris, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a réaffirmé cette piste. Il était face à un parterre de décideurs du secteur automobile (y compris le dirigeant du groupe chinois BYD). « Tous ces efforts seront vains, si l’Europe ne défend pas ses intérêts économiques. On voit ce que les États-Unis et la Chine font en local. L’Europe ne peut pas rester les bras croisés. Nous devons nous donner les moyens de résister à une concurrence internationale et réserver nos bonus à des véhicules produits sur le sol européen. »
Macron œuvre-t-il pour ou contre ce bonus réservé aux voitures européennes ?
La démarche d’Emmanuel Macron sur ce sujet peut paraître étrange. Concrètement, les constructeurs automobiles français ne seront pas réellement concernés par les mesures protectionnistes américaines. Tout simplement parce que les marques françaises ne sont pas (ou peu) implantées sur le territoire américain. Seul Stellantis est concerné, mais ses marques américaines produisent déjà en grande partie localement.
C’est donc plutôt au nom de l’Europe, et surtout de l’Allemagne, que la demande du président français, à son homologue américain, semble prendre un sens et un enjeu. La démarche est peut-être un peu plus subtile qu’il n’y paraît.
Sur le principe, si Joe Biden change les règles de son bonus pour satisfaire la demande d’Emmanuel Macron, on voit mal comment la France pourrait ensuite vouloir appliquer à son tour un protectionnisme européen appliqué au bonus français. Bruno Le Maire se retrouverait en contradiction avec la démarche du président à l’international, c’est impensable. Toutefois, si Joe Biden déclinait la demande d’Emmanuel Macron, cela pourrait au contraire favoriser l’idée de mettre en place ce même bonus en France.
Au milieu de ces querelles commerciales et industrielles, on peut s’interroger sur l’intérêt pour les clients finaux — seront-ils les grands perdants des (en)jeux des politiques ?
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