Google Stadia n’est pas un Netflix du jeu vidéo. Ce sera peut-être un très bon service, mais il ne se démarquera pas radicalement des autres acteurs.

Google est-il passé à côté d’une opportunité de révolutionner le jeu vidéo ? À la suite du Stadia Direct donné le 6 juin en amont de l’E3, plusieurs observateurs s’interrogent. En dévoilant son service de cloud gaming en début d’année 2019, Google avait relevé les attentes du public : d’aucuns parlaient alors d’un Netflix du jeu vidéo. Ils ont eu tort : de Netflix, Google Stadia n’a finalement que la brique streaming, qui est tout à la fois la plus avancée technologiquement parlant et la plus mineure d’un point de vue économique.

Copie de google-stadia-5

iTunes du jeu vidéo

Car ce qui fait la force de Netflix ou des services de SVoD concurrents n’est pas une technologie, c’est une offre. Si nous sommes friands de bitrate, compression, techniques de diffusion, algorithmes et autres processus qui se passent en coulisse, ce n’est pas seulement cela qui a imposé Netflix dans les foyers, mais une offre à bas prix permettant une consommation illimitée d’un catalogue de contenus vidéo presque inépuisable. Le fait que la technique soit presque parfaite a permis à Netflix de continuer à convaincre, mais la parfaite exécution de l’offre est presque un prérequis pour qui souhaite être leader.

Lors de la conférence du 6 juin, beaucoup se sont mépris sur l’offre de Google. Et il est vrai qu’avant de retrouver le site web avec les détails, nous n’avions pas bien compris non plus en suivant le direct : l’abonnement à 9,99 € ne permet pas d’accéder à un catalogue de jeu complet. Tout au mieux peut-il être comparé à un abonnement console, Xbox Live, Nintendo Switch Online ou PS Plus, qui donnent accès à des promotions, quelques titres jouables gratuitement tous les mois et quelques options en plus (ici, notamment, la 4K).

L’offre Google Stadia perd immanquablement sa force. En plus de payer un abonnement à 9,99 € par mois, le joueur de Stadia devra donc acheter des titres plein pot. On ne connaît pas encore le prix des jeux, mais aucune plateforme n’a, aujourd’hui, cassé les tarifs du jeu vidéo hors périodes de promotion. On pourrait donc voir l’abonnement comme une location de la console donnant accès à toute sa puissance, comme Shadow peut être imaginé comme une location d’un PC. Plus encore, en proposant une Founders Edition qui vient avec du matériel, Google ne fait que reprendre les codes de la concurrence : un prix fixe pour un accès à une plateforme, ici dématérialisée, et une vente à l’acte.

Au mieux, peut-on voir dans l’offre gratuite de Stadia une véritable posture : pour les joueurs n’ayant qu’un écran 1080p ou une connexion insuffisante pour la 4K, la console est gratuite.

Google is the old Sony

Et si l’on sait que le marché du jeu vidéo est complexe, on ne peut s’empêcher de penser que Google aurait pu aller plus loin. Qui, plus qu’un géant sans contrainte financière, aurait pu subventionner un bundle de jeu conséquent pour constituer un catalogue dans lequel les éditeurs n’auraient rien eu à perdre ? Offrir Destiny 2, sorti en 2017, avec un pack Founders semble complètement à côté de la plaque. C’est comme si Netflix venait uniquement avec House of Cards et Orange is The New Black et proposait le reste de son offre à la location. Peut-être que les éditeurs n’étaient pas encore mûrs. Peut-être voyaient-ils en un abonnement une dévalorisation de leurs titres plus qu’un apport de joueurs et de bénéfices.

Mais une fois la machine « Netflix du jeu vidéo » lancée, peut-être que personne n’aurait pu l’arrêter : que ce soit dans la musique ou les productions vidéo, le business model a prouvé son efficacité auprès des clients.

Au rang des regrets, on ne voit pas non plus comment Google pourrait tenir la promesse qui avait fait le plus de bruit lors de la première présentation : un bouton « Rejoindre la partie » qui aurait permis à quiconque de jouer à un jeu n’importe où, depuis n’importe quel appareil. Placé astucieusement sur le web, dans les résultats Google ou sur les vidéos YouTube, ce bouton aurait pu être un déclencheur d’abonnement incroyable, offrant une expérience du jeu vidéo encore jamais vue : voir un jeu sur le web, cliquer, jouer. Avec Stadia tel qu’il a été présenté hier, il faudra cliquer, s’abonner… et acheter. Et donc laisser la barrière des 60 € à débourser entre le joueur et le jeu.

Google peut encore changer la donne : tout dépendra du catalogue

D’ici la sortie de Stadia en novembre 2019, Google peut encore changer la donne, notamment en détaillant son catalogue inclus dans l’offre à 9,99 €. S’il s’agit d’un catalogue voué à grandir et finissant par convaincre les éditeurs de publier dessus leurs derniers titres, alors Google aura les armes pour repenser la manière de jouer. Si l’on se retrouve avec quelques jeux tournants, Google ne sera devenu qu’un Sony, un Microsoft ou un Nintendo de plus : un acteur d’un marché au business model d’un autre temps, dépendant en plus de la connexion Internet de ses clients.

Source : Montage Numerama

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