La pandémie est un festival inédit de théories du complot, d’idées reçues et de fausses informations. Dernière absurdité en date : les anti-masques, entre autres, dont l’existence s’explique par un mélange d’individualisme, de pensée naïve, de peur et d’exagération. Quoi qu’il en soit, ces informations volontairement mensongères peuvent être anodines, mais peuvent aussi parfois prodiguer des « conseils » particulièrement dangereux, d’autant plus en période de pandémie. Il faut prendre conscience que les producteurs de fake news et les complotistes créent une fausse réalité… mais provoquent des dégâts bien réels.
« Par exemple, un mythe populaire selon lequel la consommation d’alcool hautement concentré pourrait désinfecter le corps et tuer le virus circulait dans différentes parties du monde », écrivent les auteurs d’une étude parue le 10 août 2020. Cette équipe internationale d’infectiologues a scruté toutes les plateformes de réseaux sociaux pour référencer les thèses de désinformation au sujet de la pandémie. Ils en ont identifié 2 311, en 25 langues, dans 87 pays. Les allégations portaient sur la maladie, la transmission et la mortalité (24 %), les mesures de contrôle (21 %), le traitement et la guérison (19 %), la cause et l’origine de la maladie (15 %), la violence (1 %), et des sujets plus anodins (20 %).
« La désinformation nourrie par les rumeurs, les idées reçues et les théories du complot peuvent avoir de sérieuses implications sur les individus et sur la communauté, si elles passent avant des indications basées sur les preuves », avertissent les auteurs.
800 décès, 5 800 hospitalisations
Les chercheurs ont identifié 5 876 hospitalisations et 800 décès en raison de vidéos sur les réseaux sociaux diffusant la fameuse rumeur selon laquelle il faudrait ingérer du méthanol ou des solutions hydroalcooliques pour se prémunir du coronavirus — d’ailleurs relayée par Donald Trump. C’est évidemment tout sauf un traitement efficace, et une telle ingestion est toxique (l’intoxication au méthanol peut provoquer la cécité définitive) voire mortelle. Les rumeurs sur de faux traitements sont nombreuses, certains sans risques et simplement idiotes (manger de la laitue — aussi délicieuse soit-elle), quand d’autres sont dangereuses (ingérer des produits sanitaires variés ou des plantes obscures).
« Au-delà des individus qui suivent des informations erronées, il y a également eu des cas documentés d’organisations qui ont suivi des conseils inappropriés et malavisés », ajoutent les chercheurs. Ils pensent ici par exemple à une église en Corée du Sud. Se fondant sur l’idée fausse que l’eau salée tuerait le coronavirus, ils ont utilisé une petite bouteille pour en projeter dans la bouche des fidèles. Problème : la tige du flacon d’eau salée était posée à l’intérieur de chaque bouche. L’un des fidèles était infecté. Cinquante personnes ont donc été infectées.
Des actes de violence
Certaines thèses injustifiées et injustifiables ont aussi mené à des actes de violence, contre des personnes associées un stigmate par ces idées reçues. Ce sont des actes racistes, tout d’abord, contre des personnes asiatiques. Mais aussi contre des personnels de santé. « Au cours de cette pandémie, des cas de violences verbales et physiques ont été signalés à plusieurs reprises à l’encontre de personnes d’origine asiatique et de personnes participant à des activités de soins de santé. » Les chercheurs ont relevé plus d’une vingtaine de cas de violence en raison de ces élucubrations. En France, plusieurs actes de violence ont déjà eu lieu cet été contre des riverains demandant à d’autres de porter un masque, comme une infirmière rouée de coups dans un bus.
Les rumeurs, les idées reçues et les théories du complot sont susceptibles « de diminuer la confiance de la communauté dans les gouvernements et les agences internationales de santé », s’inquiètent les infectiologues à l’origine de l’étude. Il y a effectivement, notamment parmi les anti-masques, cette fameuse thèse de la mise en place d’un nouvel ordre mondial de contrôle des populations (ndlr : non). Or, ces rumeurs-ci peuvent poser de graves obstacles au suivi de règles sanitaires essentielles pour endiguer la propagation du virus, comme le dépistage PCR — par exemple quand des idées prétendent que le coronavirus n’est que la grippe habituelle en poussant à ne pas prendre la situation au sérieux. De récentes informations mensongères sur la transmission par les chats et les chiens ont aussi poussé la SPA à s’inquiéter de l’abandon d’animaux de compagnie.
Les auteurs de cette étude invitent en conclusion à ne pas seulement identifier les fake news, mais bien à les « debunker », c’est-à-dire à montrer pourquoi elles sont fausses et quelles sont les vraies indications. Ils invitent aussi à ce que les réseaux sociaux prennent encore davantage leurs responsabilités, pour diffuser de bonnes informations, basées sur les preuves scientifiques.
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