Deux satellites sont passés très proches l’un de l’autre en orbite, le 12 décembre 2025. En cause ? Un engin de Starlink et un autre d’une entreprise chinoise. L’affaire a mécontenté SpaceX, qui s’en est plaint sur X. Elle a surtout montré qu’il y a des progrès à faire dans la gestion du trafic spatial.

C’est une distance dérisoire à l’échelle du cosmos et un écart inacceptable pour les opérateurs de satellites, qui se retrouvent avec une marge d’erreur bien trop faible. Le 12 décembre 2025, vers 7h40 du matin (heure de Paris), un satellite de la constellation Starlink et un engin chinois fraîchement déployé en orbite se sont croisés à… 200 mètres l’un de l’autre.

Cette extrême proximité, qui s’est déroulée à 560 kilomètres d’altitude (là où évolue le satellite Starlink, numéroté 6 079), a donné lieu à des reproches publics de la part de SpaceX. En effet, s’il n’y a heureusement eu aucune collision, l’incident aurait cependant provoqué un nuage de débris qui aurait partiellement pollué l’orbite terrestre basse.

Un défaut de coordination pointé par SpaceX

C’est Michael Nicolls, le vice-président de l’ingénierie Starlink, qui a pris la parole le 13 décembre sur X (ex-Twitter), pour se plaindre d’un défaut de liaison avec les opérateurs chinois. Selon lui, le problème vient du fait qu’ils n’auraient pas partagé les données orbitales (qu’on appelle les éphémérides) des satellites mis en cause.

« Il y a quelques jours, 9 satellites ont été déployés lors d’un lancement depuis la base de lancement de satellites de Jiuquan, dans le nord-ouest de la Chine. À notre connaissance, aucune coordination ni déconfliction avec les satellites existants n’a été effectuée », a-t-il déploré. Il fait référence ici à un tir survenu le 11 décembre supervisé par la société CAS Space.

Ce vol, dont le China Daily s’est fait l’écho le 11 décembre, a été opéré via un lanceur léger, Kinetica 1 (aussi appelé Lijian-1 ou Zhongke-1A). À bord, on trouvait six satellites chinois, et par ailleurs trois satellites étrangers (un égyptien, un népalais et un émirati). À ce moment, la mission était qualifiée de succès, avec un déploiement de toutes les charges utiles.

Starlink V2 Mini
Une grappe de satellites Starlink. // Source : Starlink

Côté chinois, c’est la faute sur le timing

Mise en cause publiquement par Michael Nicolls, qui a appelé à du changement pour éviter de pareils « rapprochements dangereusement proches » à l’avenir, l’entreprise chinoise CAS Space a rapidement réagi. C’est aussi sur X qu’elle a pris la parole pour rejeter toute négligence en matière de coordination spatiale.

« Tous les lancements de CAS Space sélectionnent leurs fenêtres de lancement à l’aide du système de surveillance spatiale au sol afin d’éviter les collisions avec des satellites ou des débris spatiaux connus. Il s’agit d’une procédure obligatoire », lit-on dans le tweet. En réalité, le vrai sujet serait un problème de timing.

Dans ses explications, CAS Space relève que cet incident de proximité a eu lieu près de 48 heures après la séparation des satellites avec la fusée. Pour la société, une fois cette phase effectuée, son rôle s’achève. La suite incombe aux opérateurs des satellites déployés. Pour le dire autrement, la faute reviendrait donc plutôt aux opérateurs des engins.

Des périodes critiques et aveugles

Dès lors, le problème se situe dans ce créneau « aveugle » de 48 heures où, du côté occidental, on semble ne pas exactement savoir où ces nouveaux venus se trouvent précisément. Un délai critique, qui a poussé l’un des plus hauts cadres de SpaceX à tirer la sonnette d’alarme, le tout sur fond d’impression de silence radio de la part des Chinois.

Expert du suivi orbital, l’astrophysicien Jonathan McDowell a confirmé ce rapprochement spatial excessif le 13 décembre, après la sortie de Michael Nicolls. Il a jugé que les explications de CAS Space étaient « raisonnables », car « la coordination des lancements ne peut pas tenir compte de la position des satellites deux jours après le lancement ».

La visualisation de LeoLabs. // Source : Capture d'écran le 13 novembre 2020
Il y a du monde en orbite, comme le rappelle cette visualisation de LeoLabs. // Source : Capture d’écran le 13 novembre 2020

Dans son commentaire, il avance que les paramètres orbitaux à deux lignes (Two-Line Elements, ou TLE), qui sont une représentation standardisée des paramètres orbitaux des objets en orbite terrestre, « ne sont pas disponibles assez rapidement ». Dès lors, ce délai empêche les systèmes automatisés d’évitement de collision d’agir dans les temps.

C’est pour cela, visiblement, que celui de SpaceX n’a pas pu intervenir pour éloigner l’exemplaire 6 079 de la zone à risque. « La position habituelle de SpaceX est de dire : ‘nous effectuons des évitements automatiques en utilisant les TLE’ », remarque d’ailleurs Jonathan McDowell. C’est donc bien l’actualisation de ces TLE qui constituerait un problème.

Vers une meilleure coordination entre la Chine et l’Occident ?

De toute évidence, cet incident souligne un peu plus l’impérieuse nécessité d’un système de gestion du trafic spatial mondial, avec des données mises à jour en temps réel et partagées par tous. Cela ne veut pas dire que rien n’est fait : des contacts existent d’ailleurs déjà entre Washington et Beijing, par l’entremise des agences spatiales.

Jonathan McDowell ne dit pas autre chose : « Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’un système international de surveillance et de coordination spatiale auquel participent les États-Unis et la Chine, et qui intègre les éphémérides des opérateurs immédiatement après le lancement, en plus du suivi passif. »

Une première piste, suggère-t-il, serait de constituer un équivalent chinois du site space-track.org (celui-ci suit environ 50 000 objets) sur lequel les opérateurs commerciaux chinois publieraient leurs éphémérides en temps réel, dès le lancement. Il espère que l’incident convaincra CAS Space de se faire le porte-voix d’un tel projet.

La bonne nouvelle, c’est qu’il y a la volonté affichée de discuter de ces enjeux. « CAS Space se coordonnera avec les opérateurs de satellites pour la suite des opérations. Cela implique de rétablir la collaboration entre les deux écosystèmes du New Space », a ainsi admis le groupe. Et éviter ainsi que les 200 mètres ne tombent, un jour, à 0.

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