Contrairement à Donald Trump, Elon Musk n’est pas un climatosceptique. En quittant son poste au sein d’un conseil consultatif lancé par le président américain lors de son premier mandat, l’intéressé a rappelé que le changement climatique « est une réalité », ajoutant que le retrait de Washington de l’accord de Paris « n’est ni bon pour l’Amérique ni pour le monde. »
Mais partager le constat fait par l’extrême majorité des scientifiques est une chose. C’en est une autre que d’être d’accord sur la manière de contrer le réchauffement climatique. Or, ce 3 novembre 2025, Elon Musk a suggéré une piste qui s’inscrit dans la droite ligne du technosolutionnisme qui semble impossible à concrétiser réellement.

Le technosolutionnisme est la certitude selon laquelle une technologie (ici, les satellites) peut contrebalancer les dégâts causés par une autre technologie (ici, le réchauffement climatique, dont les effets viennent surtout de l’activité humaine).
Selon lui, le dérèglement climatique pourrait être empêché en déployant dans l’espace « une grande constellation de satellites » fonctionnant à l’énergie solaire et dirigés par l’intelligence artificielle. En somme, cette flotte ferait écran entre le Soleil et nous, « en ajustant légèrement la quantité d’énergie solaire atteignant la Terre. »
Vu presque sept millions de fois sur X (ex-Twitter), le tweet n’est soutenu par aucune explication technique ni plan décrivant un éventuel déploiement. Si Elon Musk a, autrefois, évoqué à diverses reprises le sujet du changement climatique, il n’a jamais émis l’idée d’une flotte satellitaire faisant rempart au Soleil.
Dans un autre message, en réponse à un internaute, Elon Musk a confirmé sa confiance dans cette piste. « De minuscules ajustements suffiraient à prévenir le réchauffement climatique ou le refroidissement climatique, d’ailleurs. La Terre a été une boule de neige à de nombreuses reprises par le passé », a-t-il ajouté.
Par le passé, une piste analogue avait été envisagée, cette fois pour Mars. Elon Musk estimait ainsi en 2019, sur X, que des milliers de satellites à réflecteurs solaires pourraient aider à réchauffer Mars. Il a aussi défendu l’idée de lancer une bombe atomique sur la planète rouge pour faire fondre les pôles et permettre à l’eau liquide de s’écouler.
Une fausse bonne idée pour sauver le climat
Il s’avère que la proposition d’Elon Musk a été largement nuancée au détour d’un article de The Conversation, signé par Emmanuelle Rio, enseignante-chercheuse à l’université Paris-Saclay, François Graner, directeur de recherche CNRS à l’université Paris Cité et Roland Lehoucq, chercheur en astrophysique rattaché au CEA.
Concernant l’idée de « parasols géants » à déployer dans l’espace, les trois scientifiques admettaient que l’idée existait déjà, à petite échelle, pour les satellites, afin de limiter leur échauffement. C’est le cas, par exemple, du télescope spatial James Webb : il dispose d’un bouclier constitué de cinq couches pour le maintenir au frais.

Mais le faire pour un satellite n’est pas du tout la même chose que pour une planète entière. Les chercheurs pointaient « l’aire gigantesque » à atteindre pour espérer avoir un « impact significatif » sur la planète bleue, et notaient que l’industrialisation d’un tel projet engendrerait des coûts et une utilisation de ressources « démesurés ».
La Planetary Sunshade Foundation a suggéré qu’un seul parasol spatial placé à 1,5 million de km de la Terre, en direction du Soleil, serait à même de réduire le flux solaire d’environ 1 %… à condition que le parasol ait un rayon de 640 km. De bout en bout, ce parasol aurait même une taille plus grande que la longueur maximale en France métropolitaine
Alors, pourquoi ne pas se lancer ? Parce que des chercheurs suédois ont sorti leur calculette : d’après eux, l’opération coûterait la bagatelle de 5 000 à 10 000 milliards de dollars. Cela serait sans doute concevable s’il fallait en passer par là pour sauver l’humanité, concèdent les trois scientifiques, mais d’aucuns estimeraient qu’il y a mieux à faire.
Pour aboutir à ce calcul, les scientifiques scandinaves ont tablé sur l’envoi de 34 millions de tonnes de miroirs dans l’espace. Or, depuis que l’humanité se pique de conquête spatiale, elle n’a envoyé que 16 500 tonnes de matériel, soit 0,04853 % du total. Même avec le Starship, il faudrait 340 000 lancements. Nous n’en sommes pas là.

Des inconvénients sont à craindre même si l’on se lançait
Par ailleurs, tout cela n’a pas que des avantages. Parmi les inconvénients : la consommation gigantesque de matières et d’énergie (avec une extraction et un usage qui viendraient, paradoxalement, aggraver le changement climatique) et l’effet rebond.
En clair, si l’on pense avoir résolu le défi du climat avec ce parasol spatial (ou avec des satellites miroirs suggérés par Elon Musk), alors les efforts déjà lancés pour réduire la dégradation de l’atmosphère se relâcheraient. La croissance économique repartirait sans se soucier des émissions de gaz à effet de serre, ce qui fait craindre que même le parasol ne suffirait plus à résoudre le problème.
La vaste constellation dont parle Elon Musk pose aussi d’autres défis. Quid du suivi des trajectoires de chaque engin, et de la gestion des collisions et des débris ? Des satellites capables d’influencer le climat au niveau mondial pourraient aussi poser une question de gouvernance, car les pays ne pourraient pas voir ça d’un bon œil.

Si ces sujets sont abordés dans le paysage scientifique, ils soulèvent tant de risques et d’incertitudes que la perspective d’une ingénierie solaire spatiale pour sauver le climat paraît illusoire. Sans parler d’autres effets imprévus, sur la dynamique de l’atmosphère, l’environnement à l’échelle régionale ou planétaire, et sur l’encombrement spatial.
Enfin, que se passerait-il si une tempête solaire assez vive venait souffler en direction de la Terre ? On sait que les tempêtes géomagnétiques font peser de gros risques sur les infrastructures et SpaceX sait à quel point cela peut être sévère. En 2022, la société a perdu 40 satellites Starlink. Ce serait un comble si une tempête détruisait ces parasols.
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