Sur Netflix, la série I Am Not Okay With This explore une jeunesse dont la colère arrive à saturation au point qu’elle se transforme en rage de se libérer.

Cet article contient des légers spoilers sur la saison 1 de I Am Not Okay With This

Quand on démarre une série dont la phrase d’introduction est « Cher journal, va te faire foutre », on comprend que la suite sera sous le signe de la rébellion. Si I Am Not Okay With This, disponible sur Netflix depuis le 26 février 2020, répond en apparence au format typique d’une série pour ados, ce qu’elle nous dit sur la jeunesse est loin d’être banal ni anodin.

Il n’y a pourtant rien de bien follement original dans le scénario sur lequel repose la série. On suit tout simplement, à l’origine, les tribulations d’une jeune lycéenne un peu à part, pas très sociable, un peu bizarre, et qui se découvre des pouvoirs. Mais rapidement, cette adaptation du roman graphique de Charles Forsman dégage une colère, une rage, qui se fait le reflet d’une jeunesse qui étouffe. En dépit du fait que I Am Not Okay With This ne pourra pas vraiment passionner au-delà d’un certain âge, elle représente un tableau criant de vérité sur notre société et les envies de libération des nouvelles générations.

Syndey (Sophia Lillis) et Dina (Sofia Bryant). // Source : Netflix

Syndey (Sophia Lillis) et Dina (Sofia Bryant).

Source : Netflix

Au début, Syd est « okay » avec tout

Les premières images que l’on a de Sydney Novak, narratrice et protagoniste centrale du récit, ne sont pas totalement celles d’une rebelle. Elle est dans son coin, timide, certes, mais ne fait pas d’histoires. Elle est « okay » avec à peu près tout, même ce qui, au fond d’elle, l’horripile. Syd passe sa vie à se contenir, à tout prendre sur elle, à ne pas perturber les attentes que l’on a envers elle, que ces attentes soient familiales ou sociales.

Elle se force à faire ce qu’on attend d’elle, jusqu’à s’empêcher elle-même de comprendre et d’affirmer qu’elle est lesbienne et amoureuse de sa meilleure amie, Dina. Cette dernière est dans la même situation, d’ailleurs, bien qu’elle soit encore plus freinée par les normes qui vont à l’encontre de ce qu’elle ressent. Au final, le « L-word » n’est jamais prononcé, chaque phrase qui y fait référence et chaque action est coupée avant d’aller au bout. On a la sensation que les deux jeunes femmes sont bâillonnées et qu’elles doivent juste se résoudre à se taire et à faire comme si tout allait bien tel quel.

Plus que poussée au silence, Syd est tournée en dérision, par ses camarades ou par sa propre mère, notamment sur sa façon de s’habiller : lorsqu’elle enfile une robe, tout le monde lui fait comprendre qu’elle est enfin jolie, car obéissant enfin au critère de féminité ou, en tout cas, à une certaine vision de ce critère. Cette approche se transpose aussi de temps en temps à la masculinité à travers le personnage de Stan.

Les « super » pouvoirs de Syd vont apparaître peu à peu comme les symptômes de tout ce que la jeune fille contient. Ils se manifestent à chaque fois qu’elle est face à une oppression, à une situation insoutenable face à laquelle, habituellement, elle aurait souri puis serait passée à autre chose. Ses pouvoirs débarquent dès qu’elle n’est pas « okay » avec ce qui lui arrive. Ce lien apparaît véritablement lorsque, après un énième instant de décalage entre ce qu’elle est et ce qu’on l’autorise à être, elle prend la fuite dans la forêt pour pousser un cri électrifiant, venant des tripes, et auquel les arbres aux alentours n’ont pas résisté. Ce moment contient à lui seul la notion d’une souffrance intérieure insoutenable.

Mais en dehors de ces sursauts où les pouvoirs apparaissent, Sophia Lillis, l’interprète de Syd, contribue constamment par ses mimiques faciales à la sensation qu’elle bout littéralement de l’intérieur par moments. Une grande partie des symboles sur lesquels repose la série tiennent grâce au jeu unique de l’actrice.

Puis Syd se libère

Par le parcours de Syd, son envie progressive d’exploser pour arrêter de souffrir des diktats qui s’imposent à elle, I Am Not Okay With This est la chronique d’une jeunesse en colère. Mais aussi d’une jeunesse qui se libère. Les pouvoirs de Syd lui permettent d’identifier les moments où elle n’est pas d’accord avec ce qu’il se passe ou ce qu’on lui dit. Ils lui donnent aussi le courage d’affronter les situations d’injustice  : elle n’hésite plus à se dresser contre les bourreaux de son petit frère, victime de harcèlement scolaire, dans un moment tragicomique où Syd est drôle et touchante, tant on sent qu’elle n’a pas l’habitude de se lever publiquement contre ce qui la dérange.

On comprend aussi peu à peu que la rage grandissante de Syd ne lui correspond pas, qu’elle ne lui appartient pas, qu’elle est le résultat d’un contexte qui s’impose à elle. Elle subit sa propre colère. Mais celle-ci, à force d’être contenue, finira par exploser de la plus violente des façons — nous n’en dirons pas plus pour ne pas gâcher l’intrigue. Ce parcours est la retranscription d’une liberté à laquelle Syd aspire viscéralement, une barrière intérieure contre un excès de contraintes sociales extérieures construites qui sont autant d’agressions contre ce qu’elle est vraiment.

Le titre de la série pourrait presque être écrit en majuscule avec cinq points d’exclamation à sa suite, car I Am Not Okay With This résonne comme un cri du cœur. Même si on peut reprocher à Netflix d’uniformiser certaines séries originales pour ados, notamment dans leur esthétique, on ne peut pas retirer à cette production-ci la volonté d’explorer de manière assez viscérale l’envie de libération qui anime les nouvelles générations. Une libération contre les diktats de genre, contre le harcèlement scolaire, contre l’homophobie, contre tout ce qui justifie une colère qui, maintenant arrivée à saturation, ne peut plus être contenue.

I Am Not Okay With This, saison 1, depuis le 26 février 2020 sur Netflix.

Le verdict

Netflix
8/10

I Am Not Okay With This

I Am Not Okay With This est une série à 100 % pour ados, mais qui ne délivre pas un message anodin. Elle illustre le bouillonnement qui anime aujourd'hui les nouvelles générations, leur colère face à des diktats sociaux devenus si étouffants qu'ils ne plus supportables. Ce récit, adapté d'un roman graphique du même nom, est la chronique d'une jeunesse en colère mais aussi d'une jeunesse qui se libère. Attention toutefois à la scène finale.
Source : Montage Numerama

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