Si les fournisseurs de services de réseau privé virtuel (VPN) font l’essentiel de leur communication autour des questions de confidentialité et de cybersécurité, il existe un autre avantage évident à l’utilisation d’un tel outil. Le contournement du géoblocage. Mais il y a un mai.

Dans notre comparatif des meilleurs VPN du marché, les performances, la sécurité et la confidentialité des données constituent des critères majeurs pour choisir entre tel ou tel prestataire. Cependant, les internautes qui optent pour un réseau privé virtuel (VPN) cherchent parfois un besoin très précis, qui n’a pas grand-chose à voir avec la vie privée.

Ce besoin, c’est celui consistant à accéder aux catalogues géo-restreints des plateformes de streaming, comme Netflix, Prime Video, Disney+ ou Max. Cette capacité n’est pourtant pas vraiment mobilisée comme argument de vente par les grandes entreprises du secteur, qu’il s’agisse de NordVPN, Cyberghost ou bien Surfshark, pour n’en citer que trois.

Une discrétion qui pose une question. Est-il légal d’utiliser un VPN pour faire sauter les frontières des services de SVOD, en passant outre les règles en matière de chronologie des médias, de droits de diffusion et de consommation audiovisuelle ? En somme, d’accéder à du contenu avec sa sortie officielle en France ?

Pourquoi les plateformes de streaming restreignent leur catalogue ?

On pourrait croire que de grands services internationaux comme les plateformes de SVOD se contentent de mettre à disposition un catalogue de contenu à destination de tous leurs abonnés, sans distinction. Qu’on s’entende bien : cela serait probablement plus simple pour tout le monde — même pour Netflix ! Cependant, tout est évidemment question de contrats… et de gros sous.

C’est tout un pan de la diffusion qui nous échappe à nous, consommateurs, mais qui représente une part non négligeable du quotidien des services de SVOD : la négociation. Contenus originaux mis à part (encore que, pour Disney, cela se discute), les plateformes sont soumises à des contrats de diffusion et des licences d’exploitation qui couvrent plusieurs critères. Parmi eux, la durée de disponibilité du contenu (ce qui explique pourquoi certaines séries vont et viennent sur les plateformes), mais aussi une zone géographique restreinte — ou pas.

Source : Montage Numerama
Le catalogue des plateformes de streaming n’est pas le même selon les pays. D’où l’envie chez des internautes de prendre un VPN pour enjamber cette limite. // Source : Montage Numerama

Un autre critère rentre en compte et concerne particulièrement la France : la chronologie des médias. Ce mécanisme favorise les diffuseurs contribuant aux productions françaises, et cela, en leur permettant de récupérer plus rapidement les droits de diffusion des films. C’est la raison pour laquelle Canal+, gros contributeur du 7e art en France, peut proposer la plupart des films 6 mois seulement après leur sortie au cinéma. Pour Netflix, c’est 15 mois. Disney+ et Prime Video ? 17 mois.

Autrement dit, même si Disney produit un film « maison » comme Les Gardiens de la Galaxie, Vol.3 et le rend disponible rapidement sur Disney+ dans son pays (c’est-à-dire les États-Unis), il ne pourra arriver sur la version française du service que si 17 mois se sont écoulés depuis sa sortie en salle. Avant, le long-métrage aura été réservé pour d’autres exploitants (DVD, Blu-Ray, VOD, Canal+, etc.).

Malgré tout, il existe une façon simple de contourner ces blocages. On vous le donne en mille : l’utilisation d’un VPN.

Comment s’utilise un VPN pour accéder aux catalogues US des sites de SVOD ?

Un VPN est un système informatique qui relie deux machines distantes (un ordinateur et un serveur, en général), et dans lequel les données circulent de manière sécurisée, grâce à des protocoles de chiffrement. En somme, le VPN ressemble à tunnel, tandis que les informations sont les véhicules qui l’empruntent (et à chaque extrémité, le PC et le serveur).

Cette surcouche vient masquer votre emplacement réel, puisque les sites ne voient que celui du dernier point de sortie — le serveur VPN. Si celui-ci est en Allemagne, on aura l’impression que vous surfez depuis l’outre-Rhin. Et si vous avez un VPN aux États-Unis, on pourra penser que vous êtes aux USA. Et ainsi de suite. Les sites sont ainsi bernés.

Ainsi, un réseau privé virtuel permet bien de renforcer sa confidentialité, mais dans le même temps de faire comme si on se trouvait dans un autre pays. Par conséquent, on peut dans certains cas accéder au catalogue géo-restreint des plateformes de streaming, puisqu’elles sont piégées par ce tour de passe-passe.

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On peut faire passer sa connexion un peu partout sur Terre. // Source : Numerama

Tous les serveurs VPN ne sont pas compatibles avec cette pratique. Les sites de streaming sont peu friands de cette ruse, et beaucoup de serveurs ont été identifiés et mis sur liste noire.

C’est la raison pour laquelle l’écrasante majorité des fournisseurs de VPN dispose de serveurs particuliers dont l’objet est justement de poursuivre ce « jeu » du chat et de la souris. Ceux-ci sont régulièrement actualisés par les fournisseurs afin d’éviter les blocages, et garantissent des débits optimisés pour que la qualité de diffusion ne soit pas dégradée.

Il n’y a rien de particulier à faire pour profiter du catalogue étranger d’un service de SVOD. Une fois connecté à un serveur VPN compatible, ouvrir le service de streaming suffit généralement à y accéder. Certains sites, comme Disney+, affichent toutefois un avertissement pour alerter l’internaute qu’il se trouve dans un autre pays que celui où son compte a été créé.

D’accord, mais est-il légal de contourner le géoblocage ?

Les données sont peu claires et les études sur le sujet se contredisent de temps à autre. Cela étant, l’accès à des contenus géo-restreints figure parmi les trois raisons les plus souvent citées par les utilisateurs réguliers de VPN.

Un rapport de Global Web Index datant de 2019 estime que plus de 51 % des utilisateurs de VPN le font pour accéder à du contenu bloqué dans leur pays. Mais est-ce légal pour autant ? Qu’en disent les plateformes de SVOD au juste, ou même la loi ?

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Capture d’écran

Bien entendu, le risque zéro n’existe pas. Cela étant, l’emploi d’un VPN pour accéder à des contenus géo-bloqués n’a occasionné aucune loure sanction. L’utilisation d’un VPN est légale en France, et pour accéder au catalogue américain ou néerlandais de Netflix… il faut de toute façon avoir un compte chez eux et, donc, un abonnement mensuel. Vous ne faites qu’accéder à une œuvre pour lequel vous versez un paiement à une plateforme, pas vrai ?

Ce n’est pas si simple. Si l’on considère que les plateformes de streaming ne font que respecter la loi en appliquant des restrictions géographiques à leur films et séries, alors, par conséquent, les contourner à titre individuel revient à enfreindre ces mêmes lois que les plateformes s’efforcent de respecter.

Numerama s’est rapproché de Fatima Ghilassene, avocate en droit du numérique et de la propriété intellectuelle, pour y voir plus clair. Pour elle, il est important de garder en tête la « neutralité de l’outil. »

On l’a suffisamment exploré sur Numerama : un VPN sert à toutes sortes de choses. Or, il s’avère que l’une des externalités potentielles de cet outil est de pouvoir accéder à des œuvres géo-restreintes. Toutefois, « à partir du moment où l’on adhère à un service, l’utilisation de mesures de contournement des protections nous place en situation de contrefacteur », prévient-elle.

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Une pratique qui peut placer l’internaute dans une situation de contrefacteur.

Alors, illégale, l’emploi d’un VPN pour cet usage ? Oui, comme tout autre outil ou technique utilisé afin d’outrepasser des obligations légales ou contractuelle, ajoute l’avocate lilloise. Une observation qui tranche avec le discours ambiant sur les services de VPN.

Pour autant, Mme Ghilassene note que la nature même du VPN (qui accroit votre confidentialité en ligne) complique la chasse aux contrevenants pour les plateformes. Techniquement parlant, il leur faudrait déployer des efforts conséquents pour retrouver l’identité de la personne qui se trouve derrière l’ordinateur.

Quand bien même il faut être connecté à un compte nominatif pour accéder à ce contenu, quelle certitude a-t-on si c’est l’abonné qui a violé les règles, ou une personne tierce, à qui on a partagé l’identifiant et le mot de passe ?

La donne serait très différente dans un cas de contrefaçon organisée, reprend notre experte. « Les risques de poursuites [judiciaires], aussi bien pénales que civiques, vont dépendre de l’ampleur de la contrefaçon. Certaines personnes se créent une activité du partage d’astuces permettant d’outrepasser les techniques de protection. Cela peut être perçu comme une incitation à la contrefaçon – mais tout dépend des enjeux qui sont derrière. »

En clair, utiliser un VPN pour accéder à du contenu géo-restreint afin de le télécharger pour le rendre disponible illégalement sur des sites de partage, ce n’est absolument pas la même affaire que de se connecter occasionnellement à un serveur étranger pour regarder un film indisponible en France. Les enjeux commerciaux et légaux ne sont plus négligeables ici.

« Les titulaires des droits [les plateformes] peuvent entrer en contact avec l’Arcom [qui a récupéré les prérogatives de la Hadopi] pour engager une action vis-à-vis des contrefacteurs », relève l’avocate, qui évoque une riposte graduée, pour ne pas entrer immédiatement dans une logique pénale. Avant cela, la personne incriminée sera sommée de cesser ses activités illégales.

Ce qu’en pensent les plateformes de streaming

Ça, c’est pour la loi française. Mais restez vigilants en cas de voyage à l’étranger ; tous les pays ne sont pas aussi coulants quant à l’utilisation d’un réseau privé virtuel. Par exemple, ils sont interdits en Russie ou en Turquie. Renseignez-vous en amont afin d’éviter une mauvaise surprise.

Enfin, qu’en est-il de Netflix et des autres plateformes ? On a jeté un œil aux conditions générales d’utilisation des plus connues pour en avoir le cœur net.

Que dit Netflix vis-à-vis des VPN ?

La formulation dans les CGU est plutôt vague, même si l’on peut déceler dans le point 4.3 une référence à l’usage d’un VPN.

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La ligne des CGU de Netflix qui pourrait faire référence à l’usage de VPN. // Source : capture d’écran

Officiellement, Netflix se réserve le droit de suspendre votre abonnement s’il vous prend la main dans le sac en train de parcourir un catalogue autre que celui de votre pays d’origine. Mais à notre connaissance, personne n’a semble-t-il été banni de la plateforme pour ce motif.

En réalité, la contrariété la plus forte devrait être est de ne pas réussir à lire les vidéos demandées, car le serveur utilisé est placé sur liste noire. Il suffit d’en changer pour surmonter la difficulté.

On trouve bien une page de support dédiée à l’utilisation d’un VPN, mais Netflix y fait comme si ce genre d’outils ne pouvait pas servir à contourner la géo-restriction. Il n’y est question que d’un accès restreint aux séries dont les droits sont internationaux, comme Stranger Things.

La politique de Disney+ envers les VPN

Chez Disney, les choses sont plus claires. On trouve dans les CGU une mention explicite des VPN. Pire : leur usage afin d’accéder à du contenu étranger est prohibé et constitue donc une violation des conditions générales d’utilisation du service.

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Extrait des CGU de Disney+ parlant de l’interdiction d’utiliser un VPN. // Source : capture d’écran

Le risque ? Que Disney+ « restreigne ou suspende » votre compte, sans que la mesure concrète de cette punition soit précisée par les CGU. Comme pour Netflix, on imagine qu’il s’agit d’un bannissement de la plateforme. Malgré nos recherches, nous n’avons trouvé aucun élément suggérant que le géant du divertissement a effectivement mis des internautes sur la touche à cause de l’usage d’un VPN.

Quelle règle chez Prime Video pour les VPN ?

Même son de cloche chez Amazon. Les conditions générales d’utilisation de la plateforme stipulent que nous — internautes — ne « sommes pas autorisés à utiliser des technologies ou techniques qui masquent ou dissimulent votre emplacement. » Autrement dit, un VPN.

Les risques sont rappelés plus bas dans les règles du site.

Si vous violez l’une des conditions du présent Accord, les droits qui vous sont conférés en vertu de celui-ci prendront automatiquement fin sans préavis et Amazon peut, à sa seule discrétion, révoquer immédiatement votre accès au Service et au Contenu numérique sans aucun remboursement.

Amazon Prime Video

Mais, au risque de vous surprendre, nous n’avons pas non plus trouvé d’indice que la filiale d’Amazon mène une répression active contre les personnes utilisant un VPN.

Ce que dit Max sur les VPN

Vous l’ignorez peut-être, mais le Pass Warner intégré sur Prime Video deviendra officiellement Max à compter du 11 juin. Un service à part, qui ne dépendra donc plus des CGU de Prime, mais qui aura ses propres conditions d’utilisation dont nous ignorons pour l’instant la teneur exacte.

Dans l’attente, les CGU du service déjà lancé aux Pays-Bas ne font pas explicitement mention des VPN. Max précise néanmoins qu’il utilise des « technologies et des méthodes permettant de déterminer si votre usage [du service] est autorisé au sein, ou en dehors de votre pays de souscription. »

Pour autant, HBO ne semble pas menacer les personnes cherchant à outrepasser ces restrictions de suspension. En réalité, même si vous êtes en train d’utiliser un VPN, le service s’assure que « vous puissiez profiter du même service et accéder au même contenu, dans la même langue, lorsque vous êtes à l’étranger que lorsque vous êtes dans votre pays de souscription. »

Les limites de l’utilisation d’un VPN pour les contenus géo-restreints

Avec un VPN pour dépasser les frontières des services de SVOD, c’est sur le papier un monde infini de contenu additionnel qui s’offre à vous — et si l’on fait abstraction des considérations juridiques mentionnées plus haut. Pour autant, l’expérience de visionnage peut être dégradée pour diverses raisons.

  • Si le VPN ne propose pas de serveurs de qualité dédiés au streaming vidéo, le bitrate peut être insuffisant pour profiter des films et série dans une bonne résolution ;
  • L’utilisation d’un VPN sur son ordinateur, sa tablette ou son smartphone peut causer des soucis de connexion à certains services, qui détectent une activité importante en provenance de votre IP (avec un VPN, on partage l’IP du serveur choisi avec des milliers d’autres personnes). Aussi, il faut penser à le désactiver régulièrement et à le réactiver avant de vouloir accéder à une plateforme de SVOD ;
  • Cela représente un surcoût. Alors que la quasi-totalité des services de SVOD ont augmenté leurs tarifs ces deux dernières années, l’ajout d’un serveur de VPN, aussi bon marché soit-il, peut peser sur les finances du foyer ;
  • L’accès aux catalogues étrangers est encore complexe sur TV. En effet, l’installation d’un VPN sur sa smart TV ou sur son boîtier multimédia est encore semé d’embuches. À moins que votre modèle ne tourne sur Android TV, dont le catalogue est très fourni, on trouve peu de services de VPN sur les OS des fabricants de téléviseurs. Même chose pour l’Apple TV — même si les choses devraient s’améliorer dans les prochains mois grâce à la dernière mise à jour de tvOS.
Source : Montage Numerama

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