L’automobile européenne traverse une crise… de direction. Les patrons valsent, les plans changent, et l’électrique attend son heure dans le flou. Un édito de la newsletter Watt else du 30 octobre qui n’a pas perdu la tête.

La reine rouge d’Alice au pays des merveilles aurait probablement adoré siéger dans un conseil d’administration automobile. Depuis quelques mois, les têtes tombent aussi vite que les profits : Stellantis, Renault, Nissan, Porsche, Volvo, JLR… Les grands groupes européens n’ont jamais vécu un tel remue-ménage dans leur direction. Qu’ils aient été saqués, poussés vers d’autres fonctions (pour les filiales ou marques) ou qu’ils aient choisi d’eux-mêmes de prendre la poudre d’escampette, la finalité est souvent la même : de l’instabilité. 

Il faut dire que le secteur automobile doit affronter une situation particulièrement tendue, ce qui rend la mission peu enviable. Il faut avoir les épaules solides pour affronter des résultats en berne, une électrification hésitante, un marché chinois en chute libre ou européen en piteuse forme. Alors de temps en temps, la hache tombe : « suivant ! »

Un patron presque parfait ?

Dans cette situation, les marques ou groupes cherchent tous un sauveur (en interne, en externe ou parfois en le sortant de sa retraite). Ils le trouvent et lui laissent quelques mois d’observation avant d’exiger un plan miraculeux, et quand le miracle promis ne vient pas… le processus recommence. L’industrie automobile européenne est en train de confondre : changer de capitaine et changer de cap. Certes, les deux ne sont pas incompatibles pour repartir d’une feuille quasi blanche. C’est quand même à se demander si l’on va bientôt avoir des changements de direction aussi réguliers que nos changements de gouvernement. On ressent pourtant bien les lourdes conséquences d’une telle décision, surtout dans une période tumultueuse.

Rencontre Carlos Tavares et Luca de Meo // Source : Montage Raphaelle Baut
Carlos Tavares et Luca de Meo sont partis à quelques mois d’intervalle // Source : Montage Raphaelle Baut

Les nouveaux patrons héritent tous de la même équation impossible à résoudre : réduire les coûts, éviter la casse sociale, électrifier la gamme, sauver les marges, rassurer les actionnaires, maitriser la concurrence et satisfaire des gouvernements qui changent d’avis plus vite qu’un cycle de recharge rapide. Ils ont beau tous vouloir faire mieux que leur prédécesseur, la tâche incombée tient plus des 12 travaux d’Hercule que du job de rêve. Un écartèlement que l’on perçoit bien dans la biographie de Carlos Tavares, l’ex-patron de Stellantis, qui oscille entre l’introspection et quelques piques bien senties envers ses anciens partenaires.

Une épée de Damoclès sur l’électrification

Sauf que ces chaises musicales ont un prix : à chaque changement, les stratégies passées sont suspendues, parfois renversées, pour le meilleur comme pour le pire. Même si l’on doit encore attendre jusqu’à la fin du premier semestre 2026 pour avoir une stratégie claire pour le groupe Stellantis, on observe déjà que ce qui a été mis en place par Carlos Tavares est progressivement détricoté. La stratégie d’électrification et de software « à fond sur l’accélérateur » que l’ancien patron avait fini par mettre en place, bien que tardive, risque fort de voler en éclats. Et tout cela n’est pas une bonne nouvelle pour Peugeot, Citroën ou DS. 

Au sein du groupe Renault, on peut espérer un plan dans la continuité de ce qui a déjà été initié par Luca de Meo pour la voiture électrique. Même si les deux hommes ne partagent pas du tout le même caractère, François Provost a beaucoup œuvré dans l’ombre de son prédécesseur. On peut espérer que sa recherche d’une optimisation des coûts ne viendra pas forcément freiner le retour en grâce des marques du groupe.

Faire le poids à long terme face aux concurrents

Pendant ce temps, en Chine, on retrouve généralement toujours les fondateurs aux commandes : Wang Chuanfu chez BYD, He Xiaopeng chez Xpeng, William Li chez Nio, Lei Jun pour Xiaomi… cela impacte profondément l’esprit qui anime ces entreprises. La direction reste stable, la vision cohérente, et les résultats suivent. Ces constructeurs n’ont pas les années d’expérience des groupes occidentaux et ils doivent également gérer une période particulièrement compliquée pour leur survie, mais ils ont une agilité qui fait rêver les dirigeants européens. C’est ce qui les rend particulièrement dangereux.

He Xiaopeng avec le robot développé par Xpeng // Source : Xpeng
He Xiaopeng avec le robot développé par Xpeng // Source : Xpeng

Même Elon Musk, avec toutes ses sorties lunaires, garde son poste. S’il menace actuellement de le quitter s’il n’obtient pas sa super rémunération, il ne le fera probablement pas, parce qu’il n’en a pas fini avec Tesla. Le fonctionnement du constructeur américain est néanmoins très différent des marques européennes. Tel de la pâte à modeler, Elon Musk façonne la stratégie de l’entreprise selon ce qu’il perçoit comme l’avenir : quitte à décider subitement de ne plus produire de voitures. C’est une vision sans aucune mesure avec ce que l’on connaît en Europe.

Au rythme où les constructeurs européens épuisent les candidats, il ne restera bientôt plus personne pour conduire la transition électrique. Le comble de l’ironie serait d’avoir à envisager de recruter des leaders chinois, alors qu’ils ont eux-mêmes débauché de nombreux profils qualifiés au sein des constructeurs occidentaux.

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