Autrefois locomotive en France, Stellantis s’enlise. Le marché électrique ne pardonne pas les faux pas. L’éditorial de la newsletter Watt Else du 2 octobre s’inquiète du sort du groupe franco-italo-américain.

Tous les premiers du mois sont comme des répétitions de Noël pour moi. Je me réjouis de découvrir les statistiques mensuelles des voitures électriques immatriculées comme autant de petits cadeaux au pied du sapin. S’il y a toujours de bonnes surprises, le fichier contient aussi quelques déceptions, voire de vraies inquiétudes.

Un coup de mou temporaire, ça arrive à toutes les marques, même aux meilleures : Tesla n’y a pas échappé. De multiples raisons peuvent justifier une baisse des immatriculations. Il faut néanmoins commencer à s’alarmer quand elle ressemble davantage à une traversée du désert qui s’installe. Et le groupe Stellantis, l’une de nos anciennes locomotives du marché électrique français, est en plein dedans. 

Une stratégie pas si payante ?

Avant même la fusion qui a créé Stellantis, Carlos Tavares avait décidé que les nouveaux modèles PSA seraient proposés en multi-énergie : essence, hybride ou électrique selon les besoins des marchés. Les premiers modèles lancés sur ce principe, comme la Peugeot 208 en 2019, lui ont donné raison. Une partie des clients allait naturellement vers l’électrique et les plus frileux rentabilisaient l’investissement du produit en optant pour les motorisations thermiques amorties depuis longtemps. C’était du gagnant-gagnant, surtout pour faire tourner les usines. 

Carlos Tavares lors du reveal Alfa Romeo Milano // Source : Capture du live Alfa
Carlos Tavares lors du reveal Alfa Romeo Milano // Source : Capture du live Alfa

Cette stratégie a été généralisée à presque toutes les 14 marques Stellantis, à quelques exceptions (américaines) près. Les clones se sont multipliés dans les gammes en partageant des plateformes communes, optimisant le coût de développement à un niveau rarement atteint. Tout semblait réussir à Stellantis, même l’électrique. Sauf qu’un grain de sable est venu gripper la machine bien huilée — et ce grain de sable ressemble, depuis quelques mois, à la dune du Pilat. 

Une cascade à laisser aux professionnels

Ce 1ᵉʳ octobre, en ouvrant les statistiques du mois de septembre, le constat est encore une fois sans appel. On peut lancer un avis de recherche pour les modèles électriques de Stellantis. Les constructeurs japonais font certes pire, mais eux n’ont jamais eu de modèles en tête du classement des ventes quelques mois plus tôt. 

Cette chute est, pour certains modèles, impressionnante. Souvenez-vous, en 2022 et 2023, la Fiat 500e était régulièrement sur le podium des ventes avec la Peugeot e-208. Cette année, elle dépasse difficilement les 3 000 immatriculations, dont plus de 20 % réalisées par des concessions. C’est une baisse de 76 % par rapport à 2024, qui n’était déjà pas un grand cru. La Fiat 600e recule aussi de 67 %. Quant à la marque Abarth — devenue 100 % électrique — ses ventes ont chuté de 62 %. Pour enfoncer le couteau dans la plaie, sur 456 Abarth électriques immatriculées en 2025, 243 l’ont été par un concessionnaire (53 %). 

Production Fiat 500e Mirafiori // Source : Fiat
La production Fiat 500e à Mirafiori tourne au ralenti // Source : Fiat

L’hémorragie est aussi visible dans d’autres marques du groupe proposant des modèles électriques : -50 % sur la DS 3 Crossback, −59 % sur la Jeep Avenger, −74 % sur l’Opel Corsa-e, −62 % sur la Mokka-e, −52 % sur la Peugeot e-2008 et −62 % sur la e-208. Sans oublier le flop de Lancia. Les pourcentages font froid dans le dos, et les nouveautés n’arrivent pas à redresser la barre malgré les efforts déployés à leur lancement.

Un marché impitoyable

Face à l’adversité, le groupe ne va certainement pas baisser les bras. Néanmoins, depuis le départ au 1er décembre 2024 de Carlos Tavares, remplacé en mai 2025 par Antonio Filosa, le groupe semble en pilote automatique plutôt qu’en stratégie de sortie de crise : les nouveautés sortent comme prévu, les immatriculations stratégiques tentent de cacher des cadavres dans des placards qui débordent. Cette inertie donne envie de les secouer. Stellantis gâche un potentiel réel, et c’est sans doute ce qu’il y a de plus insupportable. 

John Elkann et Antonio Filosa en visite d'usine // Source : Stellantis
John Elkann et Antonio Filosa en visite d’usine // Source : Stellantis

Sont-ils conscients que les parts de marché qu’ils perdent aujourd’hui dans l’électrique pourraient l’être pour toujours ? Le client de voiture électrique n’est pas aussi fidèle que ne l’étaient ceux du thermique. Et c’est sans compter sur les clients déçus qui répètent en boucle sur les réseaux sociaux « plus jamais du Stellantis ». La confiance est rompue et les marques vont devoir déployer des efforts considérables pour récupérer des acheteurs. Le leasing social va les aider en France, mais du côté des nouveautés, la route va être longue.

Offres Stellantis du leasing social 2025 // Source : Stellantis
Offres Stellantis du leasing social 2025 // Source : Stellantis

L’électrique ne prend pas autant que prévu, et cela ne marchera pas mieux sur leurs versions sportives qui manquent d’âme. Entre mauvais positionnement tarifaire, problèmes de fiabilité, un réseau qui ne joue pas le jeu et des technologies datées, Stellantis doit mettre les bouchées doubles pour corriger le tir maintenant, s’il veut rejoindre l’oasis… au lieu d’errer dans le désert.

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